"Moi je suis différent. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais un extra-terrestre." Un matin, de bonne heure, ma mère, cette brave femme de l'Afrique profonde se réveilla, se débarbouilla, alluma le bois de chauffe, puis balaya la traditionnelle cour commune dans laquelle nous habitions à kroaka. Soudain, mes coups de pieds dans ses entrailles lui faisaient tordre de douleur. Ma mère, Ahou jeta le balai et hurla de toutes ses forces. Mon père, Brahima qui, jusque-là était plongé un sommeil profond se leva et aperçut sa dulcinée, ma mère, frappée par la douleur du "vomissement". Il se dépêcha aussitôt de prendre avec lui quelques affaires et la conduisit à l'hôpital de la ville.Il attendaient depuis seize mois ma venue dans la gueule du loup, ce monde des Hommes.
Ce jour-là, elle se disait, ça y est. Je vomirai cet enfant, puis, je serai libre... Déjà, elle souffrait amèrement de la douleur du vomissement telle qu'instituée par les écrits saints. Mon père l'accompagnait tout en restant perplexe; il traversait des moments si abscons. Sa mère, ma grand- mère venait de décoller le billard et toutes nos économies avaient servies pour la cérémonie funéraire. Il ne possédait aucune somme pour emprunter le taxi communal. Alors, nous marchions des heures et des heures avant de regagner l'hôpital.
La marche fut si longue et si difficile à telle enseigne que ma mère s'évanouit une fois sur les lieux. Mon père, à moitié fou errait ça et là en quête d'assistance. Rien! Les infirmières l'admiraient... Pendant ce temps là, ma mère gisait seule sur le sol au seuil du coucher du soleil, la nuit infinie. Bestialité !
Ce ne fût qu'à l'arrivée du médecin chef Kouadio qu'elles nous escortèrent jusqu'à un sale lit dans une de ces salles. Il enfila sa blouse blanche, porta ses gants et nous rejoignit. Ma mère, la fleur largement ouverte affrontait cette étape ardue qui pouvait même lui coûter la vie. Elle s'arma de courage et poussa... Kouadio
la diagnostiqua. Je le voyais de mes propres yeux fouiller son regard en son sein. D'un geste énergique, ma mère me propulsa... Elle en était fière, puis dit "l'ex- tra- ter- res-tre". Les infirmières s'occupaient aussitôt de ma mère et de moi.
Dès ma naissance, je parlais déjà et mon père simultanément s'en est allé au pays où l'on ne revenait pas. Au regard de ces événements symboliques, à kroaka, j'étais le parangon d'un monstre. J'accumulais de bons résultats scolaires jusqu'en classe de terminale. Atomisé dans un endroit des salles de classe, j'étais un rat des livres et mes compagnons me montraient sans cesse du doigt. Après neuf mois de travail acharné, vint le jour de la proclamation des résultats du " bac à lauréat". Tôt le matin, devant le petit, je suivais les informations matutinales de monde où tout n'était qu'un "lôgôdougou". Tous, vieux, enfants, jeunes convergeaient vers le centre d'examen et une folle ambiance y régnait. La peur de l'échec s'empara de moi. Je tremblotais, j'urinais, m'asseyais, sans pour autant avoir la paix du cœur. L'ambulance volait au secours de toutes ces personnes qui tombaient en transe. Je restais là, c'était la saison pluvieuse et une pluie torrentielle s'abattait sur kroaka. Débandade totale ! Sous le ciel blafard, les victimes augmentaient, les heures passaient et la pluie ne cessait toujours pas. Mes yeux rougissaient, la mort avançait à grand pas vers moi. Je pouvais l'apercevoir me tendre ses mains d'Océan. Que faire? C'était une journée noire. L'humain avait violenté la nature , elle se rebellait ainsi contre l'humanité toute entière. À kroaka, il pleuvait à torrent, tandis que brillait à sagadjani, un soleil de feu. Abrité sous cet géant arbre, l'eau de ruissellement était un fleuve en crue. Ma nuit infinie tomba et j'étais invisible aux yeux de tous... Ma mère, ahou, abattue par la vie s'écria : " l'enfant différent."
Ce jour-là, elle se disait, ça y est. Je vomirai cet enfant, puis, je serai libre... Déjà, elle souffrait amèrement de la douleur du vomissement telle qu'instituée par les écrits saints. Mon père l'accompagnait tout en restant perplexe; il traversait des moments si abscons. Sa mère, ma grand- mère venait de décoller le billard et toutes nos économies avaient servies pour la cérémonie funéraire. Il ne possédait aucune somme pour emprunter le taxi communal. Alors, nous marchions des heures et des heures avant de regagner l'hôpital.
La marche fut si longue et si difficile à telle enseigne que ma mère s'évanouit une fois sur les lieux. Mon père, à moitié fou errait ça et là en quête d'assistance. Rien! Les infirmières l'admiraient... Pendant ce temps là, ma mère gisait seule sur le sol au seuil du coucher du soleil, la nuit infinie. Bestialité !
Ce ne fût qu'à l'arrivée du médecin chef Kouadio qu'elles nous escortèrent jusqu'à un sale lit dans une de ces salles. Il enfila sa blouse blanche, porta ses gants et nous rejoignit. Ma mère, la fleur largement ouverte affrontait cette étape ardue qui pouvait même lui coûter la vie. Elle s'arma de courage et poussa... Kouadio
la diagnostiqua. Je le voyais de mes propres yeux fouiller son regard en son sein. D'un geste énergique, ma mère me propulsa... Elle en était fière, puis dit "l'ex- tra- ter- res-tre". Les infirmières s'occupaient aussitôt de ma mère et de moi.
Dès ma naissance, je parlais déjà et mon père simultanément s'en est allé au pays où l'on ne revenait pas. Au regard de ces événements symboliques, à kroaka, j'étais le parangon d'un monstre. J'accumulais de bons résultats scolaires jusqu'en classe de terminale. Atomisé dans un endroit des salles de classe, j'étais un rat des livres et mes compagnons me montraient sans cesse du doigt. Après neuf mois de travail acharné, vint le jour de la proclamation des résultats du " bac à lauréat". Tôt le matin, devant le petit, je suivais les informations matutinales de monde où tout n'était qu'un "lôgôdougou". Tous, vieux, enfants, jeunes convergeaient vers le centre d'examen et une folle ambiance y régnait. La peur de l'échec s'empara de moi. Je tremblotais, j'urinais, m'asseyais, sans pour autant avoir la paix du cœur. L'ambulance volait au secours de toutes ces personnes qui tombaient en transe. Je restais là, c'était la saison pluvieuse et une pluie torrentielle s'abattait sur kroaka. Débandade totale ! Sous le ciel blafard, les victimes augmentaient, les heures passaient et la pluie ne cessait toujours pas. Mes yeux rougissaient, la mort avançait à grand pas vers moi. Je pouvais l'apercevoir me tendre ses mains d'Océan. Que faire? C'était une journée noire. L'humain avait violenté la nature , elle se rebellait ainsi contre l'humanité toute entière. À kroaka, il pleuvait à torrent, tandis que brillait à sagadjani, un soleil de feu. Abrité sous cet géant arbre, l'eau de ruissellement était un fleuve en crue. Ma nuit infinie tomba et j'étais invisible aux yeux de tous... Ma mère, ahou, abattue par la vie s'écria : " l'enfant différent."