Il est exactement 3h02 du matin mais Judith n'a pas sommeil. Comme chaque soir, elle repense à la disparition soudaine de son meilleur ami. Timothée n'était toujours pas reparu depuis un bon mois pendant lequel, Judith n'avait pas cessé, chaque matin, d'aller toquer à la porte de chez lui au cas où il réaparaitrait. Judith se souvenait encore de la voix angoissée de Luc Bravern, le père de Timothée, qui l'avait appelé pour demander si son fils n'était pas chez elle. M.Bravern était toujours inquiet pour son fils, mais cette fois-ci, Judith avait senti dans la voix de Luc comme un mauvais pressentiment. Malheureusement, la réponse qu'elle lui avait fait entendre, était négative. Sa voix avait tremblé quand les mots étaient sortis de sa bouche. Depuis ce jour si sombre, elle ne cessait de penser à ce qui avait pu lui arriver, elle en faisait même des nuits blanches ainsi que des cauchemars. Le retrouverait-elle un jour? Elle n'en savait rien...
Allongée sur le dos, les yeux grands ouverts, elle contemplait les nombres bleutés de son réveil: 3h04. Le temps passait lentement, et Judith ne pouvait fermer l'œil, ayant peur de succomber encore aux affreux cauchemars qui la tourmentaient. Sa petite soeur Adrienne la questionnait au sujet de son état ces derniers temps, mais sans succès. Quand on lui demandait si elle avait bien dormi, elle répondait avec un sourire des plus faux.
Soudain, un grincement se fit entendre... Judith tendit l'oreille. Elle en était certaine: quelqu'un marchait à pas feutrés dans le couloir. Après s'être pincée une dernière fois pour être sûre qu'elle ne se réveillerait pas au moment d'ouvrir la porte de sa chambre _ ce qui s'était passé plusieurs fois déjà_ elle se hissa hors de son lit, puis, d'un pas leste, elle se dirigea vers la porte de sa chambre. Elle l'entrouvrit, et faillit perdre son coeur, en découvrant, que derrière la porte, Timothée se tenait debout, un sourire malicieux aux lèvres.
"Tim! s'exclama-t-elle. Que s'est-il passé?
-Hey, doucement, dit-il calmement. Il n'y a rien eu de grave!
- Comment? Rien eu de grave? Tu disparais pour ensuite réapparaître un mois plus tard en disant qu'il ne s'est rien passé de grave! s'énerva Judith au bord des larmes.
-Je te raconterai tout mais d'abord, j'ai besoin de toi! Viens!"
Judith n'eut même pas le temps de protester que Timothée la poussait déjà dans le couloir. Ils montèrent sur le toit à l'aide de l'échelle qu'utilisait M.Lautaret, le concierge de l'immeuble. Une fois là-haut, Judith regarda le vide, qui, par un pas de travers, l'aspirerait pour l'éternité.
"Pourquoi m'as tu menée jusqu'ici? Il fait froid, je suis en pyjama et le vide me menace! s'exclama-t-elle avec crainte.
-Et bien justement! lui répondit Timothée avec un clin d'oeil."
Il la poussa dans le vide. Un cri aigu retentit.
En pleine chute, Judith sentit une main chaude se glisser dans la sienne. Avec peine, elle jeta un coup d'oeil à cet intrus, et un adolescent au regard brillant, aux yeux bleus, aux cheveux blonds, et au sourire de velours la fixait. Timothée, car c'était bien lui, lui serra plus fort la main tandis que le sol se rapprochait d'eux. Judith cru devenir folle quand le sol, à moins de 10cm d'elle, devint trouble, puis se métamorphosa en un magnifique lac bleu turquoise dans lequel, quelques secondes plus tard, ils atterrirent tout en douceur. Quand elle se releva, les yeux brillants à cause du froid, elle était dans un monde tout à fait magnifique. Timothée la regarda avec son sourire malicieux. Judith, elle, essaya de prendre un regard noir mais sans succès, tant le charme du paysage et l'éprouvante descente dans le vide avec son meilleur ami retrouvé lui avait fait monter le sourire jusqu'aux oreilles. Elle se jeta dans ses bras et lui murmura:
"C'était extraordinaire, je ne peux plus t'en vouloir de m'avoir poussé dans le vide. Merci... Mais où sommes nous, et pourquoi ne fait-il plus nuit?
-C'est un monde parallèle, ici tout est beau, ou du moins, le paysage. Il existe un sablier qu'on nomme le Sanduhr der Zeit, qui décide s‘il fait jour ou nuit dans ce monde et de même dans le notre. Si on tourne le sablier dans un certain sens, alors il fera jour chez nous, et nuit ici. Il est sensé être gardé par le grand Maître Swilwolf, il retourne le sablier quand il faut pour qu‘ il fasse nuit une fois chez nous, et une fois ici.
-Que veux-tu dire? s'enquit-elle.
-Une personne nommée Ziflertof..."
Il n'eut pas le temps de finir. Des sortes de petits nuages de brume gris ondulaient dans le ciel avec d'affreux sifflements. Lorsque l'un d'eux s'approcha d'elle, elle y distingua immédiatement M.Lautaret, le concierge, tel une bête féroce, à plat ventre dans son brouillard; elle ne put retenir un cri de terreur. Elle vit également l'effroi dans le regard de Timothée, elle en eut presque la nausée. Soudain, tous le morceaux de brume foncèrent sur eux. Judith reconnut parmi les humains, à l'intérieur de la brise, ses parents ainsi que ceux de son ami, et puis sa petite soeur, tout près de M.Ritelock, leur prof de SVT qui les regardait d'un air haineux.
Timothée lui cria:
"M. Ziflertof les contrôle, ils sont sous influence! Il faut les faire foncer sur cet énorme rocher, c'est le seul moyen de les vaincre!
-Entendu! lui cria-t-elle.
Elle reprit ses esprits et elle s'élança, courant comme une folle. À sa grande surprise, Timothée ne l'imita pas. Il resta sur place les yeux fermés.
"Tim! hurla-t-elle. Vite, dépêche-toi! "
Timothée étendit les bras à l'horizontal, plia ses jambes et sauta avec force en l'air. Quand il s'éleva dans les airs, Judith sentit sa gorge se serrer et son estomac se nouer. Autour de Timothée, un nuage de brume se forma, et, à la place du beau sourire enjoleur, et de ses yeux pétillants, un regard noir et dur la fixa.