Nouvelles
5 min
Université Notre-Dame d'Haïti
Le rêve de ma vie et les préjugés de ma mère
Moi je suis différente. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais une extra-terrestre. Mais Bon, c'est mon quotidien. Je crois que j'ai fini par m'y faire.
Mon histoire remonte à loin, je me la rappelle comme si c'était la tombante nuit d'hier. Je m'appelle Mars Solony, je vais représenter Haïti au championnat international de boxe pour la catégorie féminine au California jeudi prochain.
Des années de cela je vivais dans un petit village appelé Kaboudou, très éloigné de la capitale du pays. J'ai toujours trouvé le nom bizarre, mais aussi loin que je me souvienne je n'ai pas la mémoire d'avoir demandé un jour pourquoi on l'avait nommé ainsi. Peut-être que c'était par désintéressement ou tout simplement je n'avais pas envie d'entendre les histoires à dormir debout de ces vieillards qui ont toujours une réponse à tout. Là où j'habitais, je dois le souligner, je n'étais pas trop aimée, toutes les personnes qui croisaient ma face me regardaient avec dédain, les femmes du village interdisaient même leurs filles de jouer avec moi, par peur d'avoir une mauvaise influence sur elles. Les voisins venaient même interroger ma mère sur mon comportement. Selon elle, je n'étais pas consciente de mes actes. Elle était persuadée que j'étais possédée par un démon. C'est pourquoi presque toutes les semaines, elle invitait le pasteur de son église où elle m'obligeait à me rendre tous les dimanches, à prier avec moi. De plus, le pasteur salvateur devait être rémunéré. Ma mère lui donnait presque tout l'argent de la nourriture pour prier pour moi. Cet imposteur n'avait aucune gêne à le prendre malgré notre situation misérable. Nous étions si pauvres que parfois l'on se contentait d'une patate pour la journée. Je me demandais comment ma mère faisait pour se laisser berner par cet homme qui se prenait pour le meilleur d'entre nous.
Vous savez, ma relation avec ma mère n'avait pas toujours été ainsi. Mon enfer a commencé quand j'ai décidé d'avouer à ma mère que je ne voulais pas me marier avec le pasteur du village qu'elle avait pris le soin de choisir pour moi et que de préférence, j'aimerais devenir boxeuse.
Dans mon village, les femmes sont préparées à devenir une bonne épouse, une bonne mère au foyer. Les parents ont tendance à s'intéresser le plus à l'éducation de leurs garçons plutôt que celle de leurs filles. C'était la règle ici. Les filles sont davantage formées aux tâches ménagères. Certaines fois, elles sont envoyées chez une voisine qui professe le métier de couturière. Elles ne sont pas nombreuses à avoir cette considération. C'est comme si le but même de leur existence sur cette planète était de servir leurs maris, donner du plaisir au lit. Elles n'avaient aucun autre avenir sinon que de se joindre à un homme qui peut se comporter en bourreau, du fait tout simplement qu'il apporte le pain à la maison. C'est une histoire douloureusement odieuse qui se conte timidement par les femmes de mon petit village. La femme du pasteur que ma mère voulait que j'épouse était décédée d'une condition étrange, on disait même qu'il la battait . Malgré les pratiques usuelles de Kaboudou, moi j'ai toujours été différente. Je m'intéressais rarement aux mêmes choses que les autres filles. Je m'entendais mieux avec les garçons. Je voulais toujours jouer au foot avec eux. Je me bagarrais beaucoup. Ce qui faisait que tout le monde commençait à se questionner sur moi. On m'appelait même « garçon manqué ». Cela dérangeait beaucoup ma famille, particulièrement ma mère parce que dans mon village on regardait très mal une fille qui ne se marie pas. Si une fille de cette localité arrive à un certain âge sans se marier, les parents sont obligés de la vendre à des vieux dont les femmes sont décédées. Je me rappelle que j'avais une amie, elle s'est mariée à l'âge de 16 ans. Ses parents s'étaient pressés de la marier parce qu'apparemment elle suivait les mêmes traces que moi et commença à vouloir des choses dont le statut de fille l'interdisait. C'est comme si être femme était réellement un statut à part.
Ma rébellion a commencé après ma rencontre avec une étrangère du nom D'Amber qui était venue dans la zone avec un groupe de médecins. Elle venait faire du bénévolat selon ce qu'elle nous avait dit, disons mieux c'est ce que le monsieur qui traduisait pour elle nous avait répété parce qu'elle ne parlait pas la langue créole qui était la seule langue parlée à Kaboudou. Cette dame ne faisait pas que de nous soigner, elle discutait aussi avec nous. Elle m'avait demandé une fois ce que j'aimerais faire dans la vie. Je lui ai dit timidement boxeuse par crainte qu'elle me jugeait. Elle a souri et m'a répondu : « C'est très bien, tu vas surement devenir une très grande boxeuse ». Pour la première fois, j'étais en face d'une personne qui me comprenait, qui ne voyait pas en moi qu'une simple et bonne épouse. Mais le pasteur était là quand elle discutait avec moi, il s'est pressé d'aller tout répéter à ma mère, et celle-ci a rassemblé les habitants du village pour faire chasser madame Amber. Elle était si effrayée par les réactions des habitants qui lui ont proféré des menaces, que le lendemain de très tôt elle a fait ses bagages et s'en alla. Mais avant de partir elle m'avait donné une carte dotée d'un numéro de téléphone, et m'avait dit d'appeler le numéro. Le problème c'est que c'était seulement le pasteur qui avait un téléphone dans le village, pour appeler il faut que la personne paye. Le seul moyen pour moi de me procurer le téléphone c'était de demander à ma mère qu'elle fasse venir le pasteur à la maison pour prier avec moi.
Ma mère était tellement contente de ce changement qu'elle ne m'avait posée aucune question. Elle s'empressait d'aller chercher le pasteur pour qu'il puisse faire sa prière.
Pendant que ce dernier frappait sa bible sur ma tête et se saccageait le corps, j'ai pris le téléphone sans qu'il ne s'en aperçoive. Je savais qu'il n'allait pas tarder à s'en rendre compte en arrivant chez lui. Donc sans perdre une minute, j'ai composé le numéro puis appela. Une jeune voix de femme m'avait répondu. Elle me donnait des informations à propos d'un centre d'aide qui se trouvait dans la capitale. La femme qui m'avait donné la carte était l'une des responsables de ce centre. J'ai eu de l'espoir qu'elle allait pouvoir m'aider à réaliser mes rêves et à m'échapper de ce mariage forcé. Après avoir fini de passer ce coup de fil plein d'espoirs, j'avais jeté le téléphone par terre et ma mère l'avait pris pour le rapporter au pasteur qui était sûrement en train de le chercher.
J'étais enfin sur la voie de réaliser mes rêves, mais comment faire pour me rendre dans la capitale ? La question qui me tracassait le plus c'est comment dire à mes parents que je comptais laisser la zone pour Port-au-Prince ?
Je savais que cela allait être difficile pour ma mère, malgré le mal que cela pourrait lui causer, je lui avais quand même dit ce que j'avais fait.
-Quoi !! Qu'as-tu osé faire encore Mars ? Cette fois si tu dépasses les bornes, je n'en peux plus de ton comportement, je ne vais pas te forcer à rester avec nous ici, si tu pars je te considérais comme morte, mais si tu reviens à la raison, tu devrais accepter d'épouser l'homme que l'on a choisi pour toi. J'espère que j'ai été claire petite insolente !
Je me suis toujours questionnée sur le but de mon existence, je me sentais toujours étrange par rapport aux autres. Mais une chose était sûre, je n'étais pas faite pour être femme au foyer. Deux jours plus tard j'ai quitté le village avec l'aide de l'un de mes oncles qui allait quitter le pays pour le Chili.
Dans six heures je vais prendre mon vol pour les Etats-Unis pour représenter mon pays au championnat international de boxe pour la catégorie féminine. Je serai en direct sur toute les chaines de télévision du pays, j'espère que ma mère pourra me voir, et qui sait peut-être qu'elle arrivera un jour à me pardonner d'avoir choisir mon rêve plutôt que de ma famille.
Mon histoire remonte à loin, je me la rappelle comme si c'était la tombante nuit d'hier. Je m'appelle Mars Solony, je vais représenter Haïti au championnat international de boxe pour la catégorie féminine au California jeudi prochain.
Des années de cela je vivais dans un petit village appelé Kaboudou, très éloigné de la capitale du pays. J'ai toujours trouvé le nom bizarre, mais aussi loin que je me souvienne je n'ai pas la mémoire d'avoir demandé un jour pourquoi on l'avait nommé ainsi. Peut-être que c'était par désintéressement ou tout simplement je n'avais pas envie d'entendre les histoires à dormir debout de ces vieillards qui ont toujours une réponse à tout. Là où j'habitais, je dois le souligner, je n'étais pas trop aimée, toutes les personnes qui croisaient ma face me regardaient avec dédain, les femmes du village interdisaient même leurs filles de jouer avec moi, par peur d'avoir une mauvaise influence sur elles. Les voisins venaient même interroger ma mère sur mon comportement. Selon elle, je n'étais pas consciente de mes actes. Elle était persuadée que j'étais possédée par un démon. C'est pourquoi presque toutes les semaines, elle invitait le pasteur de son église où elle m'obligeait à me rendre tous les dimanches, à prier avec moi. De plus, le pasteur salvateur devait être rémunéré. Ma mère lui donnait presque tout l'argent de la nourriture pour prier pour moi. Cet imposteur n'avait aucune gêne à le prendre malgré notre situation misérable. Nous étions si pauvres que parfois l'on se contentait d'une patate pour la journée. Je me demandais comment ma mère faisait pour se laisser berner par cet homme qui se prenait pour le meilleur d'entre nous.
Vous savez, ma relation avec ma mère n'avait pas toujours été ainsi. Mon enfer a commencé quand j'ai décidé d'avouer à ma mère que je ne voulais pas me marier avec le pasteur du village qu'elle avait pris le soin de choisir pour moi et que de préférence, j'aimerais devenir boxeuse.
Dans mon village, les femmes sont préparées à devenir une bonne épouse, une bonne mère au foyer. Les parents ont tendance à s'intéresser le plus à l'éducation de leurs garçons plutôt que celle de leurs filles. C'était la règle ici. Les filles sont davantage formées aux tâches ménagères. Certaines fois, elles sont envoyées chez une voisine qui professe le métier de couturière. Elles ne sont pas nombreuses à avoir cette considération. C'est comme si le but même de leur existence sur cette planète était de servir leurs maris, donner du plaisir au lit. Elles n'avaient aucun autre avenir sinon que de se joindre à un homme qui peut se comporter en bourreau, du fait tout simplement qu'il apporte le pain à la maison. C'est une histoire douloureusement odieuse qui se conte timidement par les femmes de mon petit village. La femme du pasteur que ma mère voulait que j'épouse était décédée d'une condition étrange, on disait même qu'il la battait . Malgré les pratiques usuelles de Kaboudou, moi j'ai toujours été différente. Je m'intéressais rarement aux mêmes choses que les autres filles. Je m'entendais mieux avec les garçons. Je voulais toujours jouer au foot avec eux. Je me bagarrais beaucoup. Ce qui faisait que tout le monde commençait à se questionner sur moi. On m'appelait même « garçon manqué ». Cela dérangeait beaucoup ma famille, particulièrement ma mère parce que dans mon village on regardait très mal une fille qui ne se marie pas. Si une fille de cette localité arrive à un certain âge sans se marier, les parents sont obligés de la vendre à des vieux dont les femmes sont décédées. Je me rappelle que j'avais une amie, elle s'est mariée à l'âge de 16 ans. Ses parents s'étaient pressés de la marier parce qu'apparemment elle suivait les mêmes traces que moi et commença à vouloir des choses dont le statut de fille l'interdisait. C'est comme si être femme était réellement un statut à part.
Ma rébellion a commencé après ma rencontre avec une étrangère du nom D'Amber qui était venue dans la zone avec un groupe de médecins. Elle venait faire du bénévolat selon ce qu'elle nous avait dit, disons mieux c'est ce que le monsieur qui traduisait pour elle nous avait répété parce qu'elle ne parlait pas la langue créole qui était la seule langue parlée à Kaboudou. Cette dame ne faisait pas que de nous soigner, elle discutait aussi avec nous. Elle m'avait demandé une fois ce que j'aimerais faire dans la vie. Je lui ai dit timidement boxeuse par crainte qu'elle me jugeait. Elle a souri et m'a répondu : « C'est très bien, tu vas surement devenir une très grande boxeuse ». Pour la première fois, j'étais en face d'une personne qui me comprenait, qui ne voyait pas en moi qu'une simple et bonne épouse. Mais le pasteur était là quand elle discutait avec moi, il s'est pressé d'aller tout répéter à ma mère, et celle-ci a rassemblé les habitants du village pour faire chasser madame Amber. Elle était si effrayée par les réactions des habitants qui lui ont proféré des menaces, que le lendemain de très tôt elle a fait ses bagages et s'en alla. Mais avant de partir elle m'avait donné une carte dotée d'un numéro de téléphone, et m'avait dit d'appeler le numéro. Le problème c'est que c'était seulement le pasteur qui avait un téléphone dans le village, pour appeler il faut que la personne paye. Le seul moyen pour moi de me procurer le téléphone c'était de demander à ma mère qu'elle fasse venir le pasteur à la maison pour prier avec moi.
Ma mère était tellement contente de ce changement qu'elle ne m'avait posée aucune question. Elle s'empressait d'aller chercher le pasteur pour qu'il puisse faire sa prière.
Pendant que ce dernier frappait sa bible sur ma tête et se saccageait le corps, j'ai pris le téléphone sans qu'il ne s'en aperçoive. Je savais qu'il n'allait pas tarder à s'en rendre compte en arrivant chez lui. Donc sans perdre une minute, j'ai composé le numéro puis appela. Une jeune voix de femme m'avait répondu. Elle me donnait des informations à propos d'un centre d'aide qui se trouvait dans la capitale. La femme qui m'avait donné la carte était l'une des responsables de ce centre. J'ai eu de l'espoir qu'elle allait pouvoir m'aider à réaliser mes rêves et à m'échapper de ce mariage forcé. Après avoir fini de passer ce coup de fil plein d'espoirs, j'avais jeté le téléphone par terre et ma mère l'avait pris pour le rapporter au pasteur qui était sûrement en train de le chercher.
J'étais enfin sur la voie de réaliser mes rêves, mais comment faire pour me rendre dans la capitale ? La question qui me tracassait le plus c'est comment dire à mes parents que je comptais laisser la zone pour Port-au-Prince ?
Je savais que cela allait être difficile pour ma mère, malgré le mal que cela pourrait lui causer, je lui avais quand même dit ce que j'avais fait.
-Quoi !! Qu'as-tu osé faire encore Mars ? Cette fois si tu dépasses les bornes, je n'en peux plus de ton comportement, je ne vais pas te forcer à rester avec nous ici, si tu pars je te considérais comme morte, mais si tu reviens à la raison, tu devrais accepter d'épouser l'homme que l'on a choisi pour toi. J'espère que j'ai été claire petite insolente !
Je me suis toujours questionnée sur le but de mon existence, je me sentais toujours étrange par rapport aux autres. Mais une chose était sûre, je n'étais pas faite pour être femme au foyer. Deux jours plus tard j'ai quitté le village avec l'aide de l'un de mes oncles qui allait quitter le pays pour le Chili.
Dans six heures je vais prendre mon vol pour les Etats-Unis pour représenter mon pays au championnat international de boxe pour la catégorie féminine. Je serai en direct sur toute les chaines de télévision du pays, j'espère que ma mère pourra me voir, et qui sait peut-être qu'elle arrivera un jour à me pardonner d'avoir choisir mon rêve plutôt que de ma famille.