Le ressuscité

Moi je suis différent. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais un extra-terrestre. Si le mot "résurrection" existe, cela sous-entend que je suis né trois fois et ressuscité deux fois. Certains m'appellent génie, d'autres fils de Zeus. Je suis ni l'un, ni l'autre ; je suis moi : Sounkalo Robert, un vocable qui me fut attribué par mes père et mère.

Avant ma naissance, ma mère mit au monde trois filles et un garçon. Elle, qui songeait avoir quatre filles et deux garçons, fût dans une joie inextinguible lorsqu'elle tomba enceinte d'un garçon. Je parle de moi. Elle enfanta dans de bonnes conditions sans difficultés particulières. Je naquis le mardi 13 juin 19.. à 13h30min. J'eus un bouton tel un point de beauté sur ma hanche, côté droit. Je fus déclaré à l'état civil et à l'âge requise, je commençai à aller à l'école. Dans la maisonnée, j'étais l'enfant adoré. Huit années après, un mardi, je revins de l'école. Arrivé dans la cour famille, je m'affaissai brusquement au milieu de notre concession. Malgré les efforts conjugués des uns et des autres, je rendis l'âme. Ce fût à 13h30min. Il y eut gémissements, consternation, tristesse.

Quatre années se succédèrent avec la même monotonie. Ma mère, de nouveau en grossesse, accoucha d'un garçon. Quelle surprise ? L'enfant naquit dans les mêmes conditions que le premier. Ma deuxième naissance, ou pourrais-je dire ma résurrection, fût inattendue rendant tout le monde ébahi. Rien de nouveau à signaler. Elle se fît le mardi 5 juin de l'année suivante à 13h30min. Le comble est que le bouton sur ma hanche droite était à la même place. L'heure, le jour de naissance furent une coïncidence miraculeuse. Deux jours après ma naissance, aux environs de 13h30min, je mourus. Chacun se posa mille et une questions sans aucune réponse. Était-ce une malédiction de famille ? Était-ce le courroux des dieux, des ancêtres ? C'était quelque chose d'inexpliquable, d'étrange, hors du commun.

Le mercredi 5 mars 19.., ma mère donna naissance à une fille. Dix années s'écoulèrent. Le mystère refit surface. Ma mère, qui préoccupée par beaucoup de choses, fût surprise lorsqu'elle apprit qu'elle était de nouveau enceinte. L'alentour, l'entourage s'attendit à une maladie en lieu et place d'une grossesse qui la rapprochait de la ménopause.
L'accouchement se passa dans de bonnes conditions et se fût encore un garçon. Il naquit le mardi de l'année 20.. dans le mois de Ramadan à 13h30min comme les deux naissances précédentes. La famille anticipant regardait si le garçon avait le bouton sur la hanche droite. Que fût leur surprise, c'était bel et bien moi qui naissait pour la troisième fois car, le bouton était toujours là. Le voisinage souffla : « l'enfant prend l'habitude de naître le mardi à 13h30 et meurt à la même heure ». Ma mère décida de me mettre une corde au pied, symbole d'attachement pour ne plus retourner d'où je suis venu. Dans cette optique, on ne me déclara plus à l'état civil. Je grandis seul sans une quelconque aide. Je vécus comme Adam et Ève. J'étais nu jusqu'à ce que j'ai conscience de ma nudité. Pour moi, la honte n'a jamais fait partie de mon vocabulaire. Mon nom Sounkalo me fut attribué parce que je naquis dans le mois de Ramadan, et Robert attribué par mon oncle ; c'est le nom de son père.

Même ma naissance fût extraordinaire... Que dire ?