LE POISON ENTRE LES JAMBES

MPH épidémiologie, geographe, expert en suivie évaluation, data analyste, Heureux ceux qui ont faim du savoir car ils seront appelés fils de L'Homme

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Moi, je suis différent, je l'ai toujours été, pour ma mère c'est comme si j'étais un extra-terrestre. Tout seul, d'un sourire plein de tristesse, je me disputais avec moi-même. Je soliloquais d'une voix qui résonnait avec glas, tout ce que le médecin avait déclaré. « Monsieur, d'après les différents résultats de vos analyses, vous êtes déclarés séropositif ». J'ai le SIDA ? Lui avais-je posé la question. Le beau discours qu'il eut à l'instant n'avait plus de place dans ma tête, j'avais fondu en larmes et ma vie défilait devant moi comme un joli drame de Titanic. Tous ces souvenirs ravivent mon esprit troublé en quête du coupable. Le ciel avait noirci, et mes cheveux avaient blanchi, je ne voulais plus rentrer, je voulais me rendre à la morgue. Rien de ce que le médecin disait ne semblait ni logique, ni vraie, Bref c'était comme ça et je ne comprenais plus rien. Il n'y avait ni son, ni lumière, tout était noir, mon esprit pleurait dans les abimes du silence. Je me posais des tas de questions, comment en est-on arrivé là ? Ou ? Quand ? Comment ? Avec qui ? Toutes ces questions sans réponse taraudaient mon esprit.

Tout commence quand on me sollicite en urgence pour un don de sang. Tout était rapide, prélèvement, prise en charge, gastronomie, on prenait grand soin. A mon retour du cafeteria, j'étais surpris d'entendre le laborantin Sollicité un autre donneur, Intrigué par la réaction, je lui avais posé la question pour savoir ce qui n'allait pas ? Il me fit savoir que j'étais compatible avec le receveur mais je ne pouvais pas faire de don et je ne devais pas rentrer. Dix minutes plus tard, il me conduisit chez le médecin et revint donner les résultats. Le médecin m'appela, en entrant, j'avais constaté qu'il tenait mes résultats qu'il feuilletait avec attention, et me fit asseoir. J'avais compris dès cet instant que ça n'allait pas fort. Il avait commencé à me questionner sur le VIH-sida, ses différents moyens de transmission et son traitement. Est-ce peut-être la procédure, je murmurais tout doucement en silence. Tout avait changé lorsqu'il m'avait posé la question sur mon état d'esprit et ma réaction si jamais j'avais été déclaré séropositif. Je suis resté muet sans dire mot, abasourdi, Je ne me souviens plus d'ailleurs de la réponse que j'avais donnée. J'étais sortie de son bureau furieux et j'avais refusé le traitement qu'il m'avait proposé. Je ne suis pas malade, lui ai-je rétorqué brutalement et en grondant. Je marchais tout seul au milieu de la route, sans crainte de me faire renverser par une voiture et les sifflements des klaxons vibraient autour de moi au rythme des mitraillettes Sénégalaises. J'avais perdu la tête en rentrant chez moi.

Une fois à la maison dans la nuit, j'avais gardé cette histoire pour moi car personne ne devait être au courant, j'avais brulé les résultats d'analyses dans la chambre où Je m'étais enfermé. J'avais commencé à méditer sur la meilleure forme de suicide, la forme la moins douloureuse. Je suis l'espoir de toute une famille, avoir cette maladie briserait tout. Je refuse d'être un sujet de commentaire. C'était la nuit des longs couteaux ou les idées s'entrecroisent.

Cette nouvelle avait brutalement changé le cours de ma vie. J'avais donc décidé de garder mon secret, et de faire autant de victimes que possible! Le planning et le programme avaient été méticuleusement élaborés, les potentielles cibles étaient, les travailleuses de sexe, les étudiantes, et les jeunes filles du collège. La première nuit, celle que j'avais appelée « nuit de test », je m'étais conduit dans le secteur des travailleuses de sexe en proposant une partie sans préservatif à l'une d'elle, sans inquiétude, elle n'avait accepté tout en me demandant simplement de doubler la prime. Les nuits se sont ainsi succédées. Les jours suivants, j'avais continué le jeu avec d'autres cibles. De l'université jusqu'au collège en passant par celle du secteur de la débrouillardise, j'en avais fait des victimes! C'était devenue ma passion et je ne ressentais aucun remords. Ce le vilain plaisir que je ressentais me poussait de plus en plus à le faire. Il y a du poison dans les jambes. Au bout de quelques mois, j'avais attrapé une grippe, puis c'était ajouté une toux sèche. Cette toux devenait très persistante, accompagnée d'une forte douleur à la poitrine, j'avais du mal à respirer.

Ma mère voyant cela, s'était sentie obligée de me conduire à l'hôpital. Arrivé là-bas, le médecin lui fit savoir que j'avais la tuberculose et qu'il fallait attendre les examens pulmonaires supplémentaires. Quelque minute plus tard, le médecin ramena d'autres résultats demandant à ma mère de sortir pour s'entretenir avec moi. De cet entretien, il me déclara que j'étais séropositif, j'étais infecté par VIH et mon stade clinique était avancé. Il serait urgent pour moi de commencer le suivi dans deux semaines me disait-il. Je n'ai pas voulu lui dire que je n'avais pas accepté le résultat il y a quelques mois de cela. Mon secret me rongeait et toutes mes victimes revenaient à flot en souvenir, mais je n'avais pas le courage d'en parler. A la suite de cet entretien, j'ai donc décidé de partager mon résultat avec ma mère, je n'avais plus le choix, je me sentais obligé. J'étais quand même soulagé de savoir que je n'étais plus seul dans le secret.

Après ces deux semaines, j'avais entamé ce fameux traitement du VIH, j'étais sidéens en fin de compte! J'avais passé un entretien de plus de trente minutes avec l'infirmier de suivi des personnes comme moi. Nous avons discuté du VIH, ses effets secondaires, ses différents produits, et ses différentes formes de prise. A la fin, l'infirmier avait questionné mes différents contacts sexuels. Comment lui parler de plus de vingt relations ? Même si l'indiscipline a des règles, on ne dévoile pas ce genre de chose. Je lui fis savoir que je n'avais pas de contact. Toute vérité n'est pas bonne à dire.

C'était la première fois de voir des ARV aussi grotesque soient-ils, c'était urgent de commencer le traitement. J'ai mis du temps pour les boire, je contemplais encore et encore la forme et les alentours de ce comprimé puis, j'ai avalé mon premier comprimé.