Le Monde Imaginaire

"Moi, je suis différente, je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais une extraterrestre." Je crois au monde irréel et j'aime voler avec les âmes fuyantes de la vérité concrète. Je pense à un monde où les regards verts sont des monstres, partout les mains pointent du doigt les rues étroites, les montagnes des mensonges, la mer carnivore et les frontières ; Les sacrés brutaux... dans ce monde-là Il faut survivre au milieu de l'obscurité de la méchanceté des armées qui battent les murs noirs, dans la cruauté du temps perdu qui nous sépare du jour au lendemain, dans la bêtise de la génération immature qui nous accouche prématuré. Dans la légère poussière de l'oubli. Sans aucune mille kilomètres d'excuses, ni de gêne.
Septembre 2016
Ami, un mot hypocrite et absolument étranger qui ment inconsciemment et détourne la règle du monde là où tout est en désordre juste pour être un bonhomme gentil, ouvert, fidèle et respectueux. Mais moi, dans mes vocabulaires pas très anciens, je ne trouvai pas le synonyme, ni la définition de ce mot "ami" sans "e". Sans arrêt, je fouillai avidement ma raison incohérente, vidai les tiroirs de mes pensées archaïques, ouvrirai la grande fenêtre de ma doctrine, éparpilla maussadement mes croyances opposées, feuilletai ma chère religion et soulignai chacun de mes prières avec un chapelet bordeaux venant du Sud. La tête perdue, je les abritai soigneusement au milieu de mon tapis de prière. En fin de compte, j'embrassai mon livre sacré et fermai tout. Rien ne me soufflait la réponse dure et rejetable qui finira enfin par creuser mon cerveau malgré moi : Ami, un nom masculin, d'origine étranger, européen, confiant, consolant, beau parleur et surtout serviable.
« Je te pense beaucoup... ». Je me battis jour et nuit avec un cœur s'emballant et déchirai enfin tous les liens possibles avec les veines transportant du sang jusqu'à mon cerveau, juste pour dire une seule phrase illégale, impudente, méprisante et vulgaire. La première fois de ma vie une folle phrase de mes dix-neuvièmes va casser toutes mes principes, une phrase qui n'est pas de ma langue maternelle, une phrase éloquente avec les mots mal placés ainsi qu'une mauvaise grammaire possible à peine âgée d'un an pour me libérer, me faire pousser les ailes afin de pouvoir cracher les mots difficilement étrangers qui me serraient la gorge et m'empêchaient de respirer tranquillement. Ensuite le soulagement !
Le message bien reçu se transforma et se corrigea par celui qui parle cette langue étrangère « tu penses beaucoup à moi, c'est ça ? »
La confirmation rougit jusqu'au blanc des yeux et je baissai le regard en ruminant toutes les excuses admissibles. Puis la réponse sèche me tomba dessus comme le malaise d'un enfant qui cherche à casser le pistache sous ses dents de lait mais finit par se casser les dents, douloureusement...
« Ce n'est pas possible... »

Jamais l'obscurité dure d'aucune nuit ne se dépassait point par la lumière ignorante du jour sans la présence, ni la nouvelle de ce dieu flou. J'en étais persuadée. Celui me donnait un cœur fort palpitant et ouvrait mes ailes bien largues pour que je me détache de ma petite ville fermée et que je monte jusqu'au toit de mon temple artificiel, pour lequel j'avais payé trop cher, bien que j'y ait été la main-d'œuvre en m'autodétruisant. J'avais parfaitement ravagé à coup de doigt, toutes les colonnes bien établies de mes fois ancrées qui enchaînaient lourd mes pieds, une chaines d'or que ma mère tenait entre ses mains et murmurait des mélodies purement religieuses et à chaque tournage d'un grain versait une petite larme gênée. Mais finalement je déchaînai mes pieds et me liberai confuse et seule. La voilà ! Ma propre terre sainte ! Sur laquelle, il fallait me prosterner et vénérer le nouveau dieu étranger qui ne fatiguait jamais de jouer au gentil et serrait ses doigts de plus en plus sur le clavier et ne détachait point ses yeux verts de son écran bleu pour récompenser inconsciemment tous les actes accomplis et justes de son serviteur démuni.
Août 2018
Il fallait abîmer tous les bourgeons douloureux de l'organe central sanglant et palpitant au cas où cela ne dérangerait pas quiconque. Il fallait se tourmenter afin de ne pas détruire le goût amer de la dignité humaine. Il fallait continuer à rester trop humain et s'effacer à l'aide d'un fort détergent ; Il fallait laver et rincer mille fois la tache non codifiée de l'émotion intruse qui surgissait comme une éclipse en mettant un point final à la vérité arbitraire. Il fallait hurler en silence et fournir la bouche pleine de papiers en espérant que les cris se transformeront en mot, en poème, en histoire étouffée. Il fallait se mettre un sang d'encre et tenir à ce que les bases principales de la vie d'autrui ne s'écroulent jamais et la fidélité ne se finisse pas en cul-de-sac. Il fallait mentir et porter un masque froid et se mettre à vivre comme si de rien n'était. À contrecœur, il valait mieux veiller à ce que les gens soient souriants, heureux et vivent le bonheur, un gros mot courtois, férocement crée par l'Homme hypocrite et rusé, Celui qui faisait le clown au caméra et tendaient vivement ses bras autour des épaules de son amant d'aujourd'hui, le monde présent s'écroulait.
Mars 2019
Une sensation de joie ou de tristesse ? Personne ne voulait pas se rassurer, je n'osais même pas le reconnaître, ni le murmurer ravissement en bouchant les oreilles insidieuses qui faisaient le sourd ; sinon la moralité puante de l'humanité ridicule allait donner un coup de fouet qui ferait saigner toutes les roses à peine épanouies au cœur du désert brûlant. Mais c'était vaguement mélancolique que parfois les sentiments se mélangeaient salement et nous offraient ricanement un satané tumeur au niveau cérébral qui accélérait jusqu'aux pieds boiteux conduits par une raison malade grâce aux souffles paralysées restant séquestrées derrière la cage thoracique choquée, une mort vivante de la fin au début.
Je serrais la main sur la bouche. Si j'avais eu une gomme pour l'effacer bien éternellement. Par malheur je savais décrypter la substance de chaque éclat des yeux qui accouchait des mots subjectivement doux que j'adorait bercer dans mes bras et leur se faire écho muettement « Tu me fais ressentir des trucs que j'ai rarement ressentis dans ma vie...» au creux de son âme innocente. L'hallucination ?! Peu importe. Cependant c'était mieux qu'un mot gentil sauvagement direct qu'on laisse tomber facilement cent fois par la maudite bouche. C'est fou, je savais lire les mots ancrés autour d'une écharpe noire, les cris d'un sourire crispé, la timidité de chaque cil, l'affection des mains qui se frottent par le froid et se mettent sous le menton pour laisser les oreilles boire ravissement mes paroles crues, aimer les non-dits, aimer sans mot, aimer sans bouche, aimer sans langue, aimer sans parler, aimer sans conjuguer ce verbe menteur. Hélas que le monde ait besoin d'une bouche aveugle qui avorte sans arrêt.
9 Octobre 2019
Comment hurler le silence, se battre contre de la patience, pousser des soupirs expirés et cracher chaque angoisse indécente qui serre le couteau sur nos gorges et nous frappe violemment sur la bouche à la force d'un terme inventé, éternellement connu et le fruit d'une fausse couche évoluée dans un monde parallèle du vingt et unième siècle :"le blocage sur des réseaux sociaux".
Je m'emprisonne dans le cocon de la stupéfaction, ce monde affreusement imaginaire met le feu à mes ailes colorées qui seront dispersées sur le tapis rouge de chaque pièce de mon temps artificiel.

(Le nouveau message reçu) :
- Pardon, je ne voulais pas, mais les relations humaines sont trop complexes, et je ne suis jamais parvenu à faire comprendre que tu es mon amie. Ça me gêne. Mais je dois choisir. Je te souhaite une bonne continuation. Je sais que tu iras loin dans ta vie. Pas besoin de me répondre, et je te comprends si tu me déteste. Je ne suis pas fier de ça.
Au revoir mademoiselle.

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