Le Génie de la magie

Moi je suis différent. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais un extra-terrestre. Pour mon père, c'est comme si j'étais un génie. Tout petit, j'accomplissais des choses extraordinaires que les communs des mortels ne pouvaient pas comprendre. Tout le monde disait que c'était magique. Quel âge avais-je en cette période? Je ne me rappelle pas exactement. Je devais être très jeune encore : sept ans ou huit ans peut-être. Un gamin qui fait rêver les adultes, qui se fait aimer par tout un chacun.

En fait, depuis le jour de ma naissance, mon grand-père m'avait consacré au service des loas : les gardiens de la famille. Vers mes sept ans, il m'a initié dans la société secrète " Bizango "et m'as permis de faire mes premières interpellations spirituelles. Chaque vendredi dans les services d'interpellations c'était moi qui interpelais les ‘'loas'' à sa place. À aucun moment je n'ai jamais peur de quoi que ce soit. J'étais brave et prêt à tout affronter.

Malgré qu'il fût au soir de sa vie, il m'a beaucoup appris. Il m'a donné une éducation différente par rapport aux autres enfants. Il m'a élevé comme un leader. C'est ce qui m'a différencié des autres et qui me rendait unique dans toute la communauté. Les enfants de même âge que moi et même les plus âgés ont eu un grand respect pour ma personne. Ils savaient de quoi je suis capable.

Le jour des obsèques de mon grand-père a été celui ou mon génie s'est vraiment révélé. Lui qui m'avait promis qu'il me donnera un pouvoir illimité quand il voyagera pour l'orient éternel. Ce jour-là, on a organisé la cérémonie dans son "péristil" comme on avait l'habitude de le faire pour les grands maîtres de la communauté. Son "péristil" était une maison construite à l'haïtienne. L'architecture et la décoration en témoignent.

Le prêtre, le plus vieux « hougan » de la communauté qui devait présider la cérémonie est tombé en état cataleptique au moment où il rentrait dans le " péristil ". Il ne pouvait pas poursuivre sa mission. Soudain un papillon noir posait sur mon front et je suis tombé. Je ressentais une force qui était 100 fois supérieur à la normale. J'imitais les pas de mon grand-père. Je dansais au rythme du pétro. Je parlais d'une voix étrange, fort et arrogant. Le serpent de mon grand-père déployait le long du " péristil " et en fait son tour à la manière dont il avait l'habitude de nous rendre les visites nocturnes.

Tous les yeux se tournaient vers moi. La maîtresse de la cour, selon le langage des loas, comprenait aussi vite que c'était moi qui devait continuer la rituelle. Il m'a donné les consignes nécessaires et j'ai agi en conséquence. J'ai pris le mouchoir rouge que mon grand-père m'avait donné. Je l'ai secoué à trois reprises. J'ai tracé des ‘'vèvè'' au milieu de l'espace. Tout le monde tournait autour de moi et assistait le rituel. Les serviteurs tout de blancs vêtus étaient prêts à me servir. Les serviteurs commençaient par entonner les musiques racines favorites de mon grand-père.

Le papillon sortait de mon front et posait sur le vèvè en forme d'étoile de David. Et, tout à coup, un tourbillon était survenu, le soleil devient noir. Le ciel descendait presque à quelques mètres de nous. Les étoiles et la lune apparaissent comme à la normale. Le vent soufflait à une vitesse maximale. La peur avait régné dans tout l'espace, et d'un coup tout reviendrait à la normale. Mais une seule chose était absente: le corps de mon grand-père. C'était l'accomplissement d'une parole qu'il a toujours dit: le jour de mon enterrement mon corps disparaîtra. Dès ce jour-là toute la communauté voyait en moi le génie de la magie. Les zombis qui surveillaient les jardins de mon grand-père venaient prosterner devant moi. C'était moi le nouveau maître.

Je deviens un petit monstre aimable aux yeux des aînés. Mais ils me considèrent toujours comme un cheval libre dans un magasin de cristal. Ils se méfiaient de moi. J'avais trop de pouvoir. Ils voulaient m'éliminer mais j'étais bien protégé. Les anges protecteurs étaient toujours auprès de moi. Mes succès étonnaient sans cesse tout le monde. Les guérisons se multipliaient. La paix régnait sur toute la communauté. Les esprits forts qui animaient les ancêtres en 1804 m'avaient dit dans une rencontre historique avec Toussaint Louverture et Jean-Jacques Dessalines dans la ville aux camps à Port-de-Paix, que j'aurai le pouvoir de rétablir la paix sur Haïti tout entière. Ils m'ont promis la même énergie qu'avaient les ancêtres qui ont créé la première république noire indépendante.

Cela se passait lorsque mon grand-père m'avait initié dans les pratiques mystiques. Ce jour-là, il m'a donné une bague. Cette bague représentait un lourd fardeau sur mon doigt. Mais, elle a été possédée d'un pouvoir extraordinaire. Un beau jour, le président de la république était en visite dans la communauté. La communauté de Bois-caïman. C'est de là qu'il a appris qu'il a un génie qui habite la communauté. Il cherchait à me rencontrer de manière clandestine. Il a délégué ses agents de secrets auprès de moi et nous avions planifié une rencontre. C'était là, qu'il m'a donné la mission de rétablir la sérénité à Pilate. Et en retour d'être son ministre de la culture.

Cette commune connaît de troubles multidimensionnels depuis le début du quinquennat du président. J'étais tellement attachés à ma région je ne savais comment la quitter. Pour cela, j'utilisais d'autres processus pour arriver à cette fin. Je décidais de faire des appellations mystiques. J'ai convoqué les esprits de l'air. Je les ai confié la mission. De cette convocation j'ai expédié la bague comme signe de ma présence. La présence de la bague dans la ville a chassé tous les mauvaises personnes. Certains d'entre eux sont dépaysés; certains d'autres sont morts. La paix régna dans la commune mais le président n'as tenu sa parole.

Benh... mmmm ! Pas besoin d'en demander la suite. Je me rappelle seulement qu'il a jouit que deux ans de son mandat ! La nouvelle se propageait dans toute la république. Le premier ministre, pour m'honorer de ce service rendu à la république, m'a nommé ministre de la culture.

Depuis lors, je me suis érigé en un véritable protecteur de la république. Le respect d'Haïti augmentait dans le monde parce qu'on savait qu'Haïti possédait un petit géant à nul autre pareil. J'étais au sommet de mon Art. Le prince de paix m'accompagnait. Malgré mon jeune âge chronologique, dès qu'il y ait querelle dans une région on faisait appel à moi. Et j'ai apporté la réponse appropriée. Même en mon absence, la présence de la bague garantissait la paix. Ma différence donna naissance à un Haïti différent.