Le défi de la boîte noire

Astéria referma la porte de son appartement. Une demi-lune brillait déjà dans le ciel. Sans prendre le temps de retirer son blouson, elle s'approcha de l'armoire et en sortit une grande boîte noire. Remplie d'excitation, elle piocha une enveloppe. Sa chatte, Nyx, s'assit près d'elle lorsqu'elle l'ouvrit.
Un seul mot : supermarché.
 
Astéria ne ferma pas l'œil de la nuit. Lorsque son réveil sonna enfin, elle caressa la boule de poils noirs qui ronronnait sur la couverture.
— Tu es prête, Nyx ?

Astéria jeta un regard furtif derrière son épaule. Personne. Rien qu'elle, sa chatte, et la pleine lune. Enfin, plus pour longtemps ; un amoncellement de nuages gris la masqua rapidement, au grand désarroi de la jeune voleuse. Pour elle, la pleine lune portait chance. C'est d'ailleurs pour cela qu'elle choisissait toujours ce jour pour ses "expéditions" comme elle les appelait.
Nyx miaula.
— Nyx, chut ! Tu vas nous faire repérer.
Astéria vérifia une dernière fois que la voie était libre, avant de s'élancer vers le mur du magasin, Nyx sur ses talons.
Elles filèrent comme une flèche sans faire le moindre bruit.
Astéria colla son oreille au mur, guettant les vibrations qui trahiraient la présence de vigiles. Elle entendit des pas et pesta en silence. Nyx  agita la queue nerveusement. Astéria haussa un sourcil.
— Tu as peur, Nyx ? Ne t'inquiète pas, on va y arriver. On y arrive toujours, toutes les deux !
Mais la chatte noire était de plus en plus tendue. Elle risqua un coup d'œil derrière l'angle du mur et miaula doucement.
— Qu'y a-t-il, Nyx ?
Astéria regarda à son tour et vit dans la pénombre un policier qui s'approchait dangereusement d'elles.
— Oh mince, c'est Georges !
D'un coup d'œil périphérique, elle chercha une cachette. À gauche, un grillage. Derrière, le mur. En face, le parking vide, à découvert. Et à droite, le policier, qui avançait inéluctablement. Si elle passait par le parking, elle se ferait repérer à coup sûr. Non, elle ne finirait pas ainsi, elle, Astéria, l'ennemie jurée des policiers, celle qu'on surnommait l'Ombre Intouchable !

Lorsque le policier tourna à l'angle du mur, il ne vit personne, même pas la touffe de poils noirs sur le grillage. Il haussa les épaules et fit demi-tour.
 
Astéria et Nyx couraient sur le toit. Enfin, Astéria courait et Nyx traînait des pattes derrière elle.
— Tu boudes encore, Nyx ? ronchonna-t-elle. Puis-je te rappeler que nous n'avions pas d'autre choix ?
Pour toute réponse, la chatte détourna le regard d'un air outré.
— Je sais que tu détestes être portée, mais je ne suis pas sûre que tu aurais préféré que je te laisse en bas du grillage.

Une entrée. Il fallait trouver une entrée. À cause de Georges, elle ne pouvait pas passer par la porte qu'elle avait repérée hier. Mais il devait bien y avoir une porte de service à l'étage, une fenêtre, n'importe quoi qui pourrait permettre à une jeune fille et à son chat de pénétrer dans le magasin.
Elles tombèrent sur une fenêtre coulissante qui fit naître une vague d'espoir chez Astéria.
— Je vais la casser.
Nyx leva les yeux au ciel.
D'un grand coup de poing, elle percuta la fenêtre, ce qui eut pour effet de réveiller une vive douleur à sa main droite, autrefois entaillée par une vitre cassée. Son travail n'était pas de tout repos...
Nyx s'approcha de la fenêtre, l'observa attentivement, et miaula avec insistance.
— Tais-toi, haleta Astéria, transpercée par la douleur.
Mais Nyx ne se tut pas.
— Quoi ? Tu es sûre ?
Elle tira la fenêtre qui s'ouvrit sans difficulté.
Tentant de cacher sa contrariété, Astéria réajusta son masque et se glissa à l'intérieur. Elle était dans la place. C'était sinistre, ce magasin vide et obscur.
Elle s'apprêta à prendre une boîte de petits pois sur le rayon le plus proche, mais à ce moment-là, une alarme brisa le silence.  Un vigile et son chien se précipitèrent à l'intérieur.
— Ça y est, c'est elle ! s'exclama le garde. L'Ombre Intouchable !
Le sourire aux lèvres, Astéria reposa tranquillement la boîte et banda ses muscles. Elle lança un clin d'œil à sa chatte.
— Nous allons nous amuser un peu, Nyx.
Le vigile qui s'apprêtait à la saisir se reçut son pied au plexus solaire. Lorsque le gardien se courba en deux, le souffle coupé, elle s'approcha de lui et appuya son index sur un point précis de sa nuque. Le vigile s'évanouit, renversant au passage le rayon des chips. Astéria était connue pour maitriser à la perfection ce point-là.
— Fais de beaux rêves, murmura-t-elle en ramassant un paquet.
Pendant ce temps, Nyx défiait le chien du regard. Elle cracha et le molosse se jeta sur elle. Nyx lui donna un coup de patte et lui enfonça ses dents dans la queue. Gémissant de douleur, le chien battit en retraite. La chatte noire s'assit sur le sol et entreprit de se faire une petite toilette.
Astéria balaya la scène du regard. Il ne restait plus qu'elle debout.
Sans un mot de plus, elle disparut par la fenêtre.
 
Elles rentrèrent chez elles alors que l'aube pointait.
— Quelle expédition, n'est-ce pas, Nyx ? dit-elle en ôtant son masque noir.
Sans se formaliser de l'absence de réponse, la jeune voleuse ouvrit l'armoire et en sortit la boîte. Au-dessus des enveloppes trônaient bon nombre de trophées de ses précédentes sorties nocturnes, auxquelles elle ajouta un paquet de chips vide, à côté l'étiquette supermarché.
Puis elle enfila un polo bleu marine et prit son arme de service. Elle se regarda dans le miroir et contempla l'inscription "Police nationale" qui brillait sur sa poitrine. Une caresse à Nyx déjà assoupit sur son coussin et elle partit au travail.
En arrivant au commissariat, elle alla prendre son café avec son collègue Georges qui finissait sa ronde de nuit.
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