Le Ballon de la nuit

Il était vingt-trois heures quand je suis sortie de chez moi. Je me suis dirigée vers le parc au bout de ma rue. J'aime bien y aller car il n'y a jamais personne. L'année dernière, ma vie a totalement changé. Avant, je vivais à la campagne et, maintenant je me retrouve au cœur de Paris avec du bruit en permanence. Le seul endroit que j'ai trouvé pour être au calme est ce parc. Je me suis assise sur un banc, mis mes écouteurs et j'ai fermé les yeux.
Je me suis réveillée en sursaut quand j'ai entendu une voix.
-Réveille-toi. Est-ce -que tout va bien ?
Je regarde le garçon penché au-dessus de moi, les yeux à moitié ouvert ébloui par le flash de son téléphone.
-Je partais quand je t'ai vu allongé ici. As-tu un endroit où dormir ?
Je regarde mon téléphone, il est minuit et rassurée de ne m'être endormie qu'une heure. Je réponds :
-Oui, je me suis juste endormie.
-Sympa ton fond d'écran, tu pratiques le basket ?
               -Oui j'en faisais avant d'arriver ici. Et toi ?
-Oui depuis trois ans ! Et toi depuis combien de temps ?         
-Dès que j'ai su marcher. C'est mon père qui m'a appris, il est basketteur.
-Cool ! Au fait, je m'appelle Timael.
- Milaya.
Il s'assoit à côté de moi et regard le ciel.
-Tu vois cette étoile ? En montrant du doigt.
-Oui, je la vois pourquoi ?
-Cette étoile, c'est celle qui apparait en première. Elle s'appelle Vénus. Elle est toujours au Nord.
-T'en connais des choses !
-J'ai toujours été fasciné par les étoiles. J'ai commencé à lire pour savoir ce qu'il se cache derrière. Tu as l'air étonné, je parais si inintéressant que ça ?
-Je ne dirais pas ça. Juste qu'à première vue je n'aurais pas cru.
Un long silence s'installe. La nuit et les étoiles comme seul décor. Un moment réconfortant.
-Je ne t'ai pas demandé, tu as quel âge ? me lança Timael.
-J'ai treize ans, et toi ?
-Quatorze.
-Bon, je pense qu'il est temps que je rentre.
-Attends ! Tu pars maintenant ? Tu ne veux pas profiter de la lumière de la lune ?
Il sort de son sac un ballon et me regarde avec un grand sourire. Son visage s'illumine et ses yeux brillent de malice comme les étoiles qui nous entourent.
-Il est tard et y'a pas de terrain.
- Je comprends tu crains de perdre. À plus alors ! Son regard moqueur me défie.
-Très bien ! Je vais jouer mais à une condition !
-Je t'écoute.
-Si je gagne, je décide du reste de la nuit. Si je perds, c'est toi qui décides. Ça te va ?
- Ça me va. J'ai hâte de te voir me suivre dans tout Paris !
-On verra ! Le premier qui marque dix paniers gagne. Bonne chance.
-Bonne chance.
Après de longues minutes de jeu, c'est Timael qui remport la partie.
-Alors ça fait quoi de perdre ?
-ça va abuse pas ! Tu as marqué que trois paniers de plus.
- Tu ne veux juste pas accepter ta défaite !
On rit comme si nous n'étions que deux sur terre, dans une autre dimension, seule la nuit produit cette sensation.
- Bon, vient on va manger – dit-il.
- Mais tu as vu l'heure ! Tout est fermé !
-Je connais un endroit. Suis-moi !
Il me prend par la main pour arriver à une bouche de métro. Timael sort un billet de sa poche et achete des tickets. Quelques arrêts plus tard, nous descendons et, nous rentrons dans une ruelle sombre pour arriver dans un bar.
- Un coca pour fêter ma victoire, ça te va ?
- Ça me va.
Après quelques minutes, il revient.
-On n'en a pas trop parler mais tu as dit que ton père est basketteur ?
-Je ne sais pas s'il en fait encore. Ça fait un an que je n'ai pas eu de nouvelle.
-Pourquoi ?
-C'est compliqué depuis que mes parents ont divorcé. Mon père ne voulait pas se rapprocher de Paris. Du coup, je ne le vois plus, on a arrêté de se parler.
Timael laissa un silence avant de reprendre :
-Désolé pour toi. Allez viens, suis-moi je vais te montrer quelque chose !
Il me reprend à nouveau la main et nous sortons du bar. Nous nous dirigeons en direction de la grande roue. Arrivée sur place, il sort une nouvelle fois un billet de sa poche. Tout d'un coup, un mouvement de foule se crée autour de nous. Cette nuit si calme prend une tournure sombre et effrayante.
-Monsieur Quenedit ! Monsieur Quendit !
Des gens crient et prennent des photos. C'est une scène improbable. Les flashs crépitent et la nuit s'éclaire comme le jour.
-Que se passe-t-il ? lui demandai-je paniquée.
-T'inquiète pas ! Je ne pensais pas qu'il y aurait autant de monde ! Prend ma main et ne la lâche surtout pas. Cours !
Il me sert la main et m'entraîne. Nous courons jusqu'à arriver dans un parc isolé. J'ai besoin d'un moment pour retrouver mes esprits et que mes yeux se réhabituent à la pénombre de la nuit.
-ça va ? Tu n'es pas blessé ?
-Oui ça va. Mais tu dois m'expliquer ce qui vient de se passer !
Je suis perdue. Timael prend une profondeur inspiration comme pour reprendre ses esprits aussi. Il me dit :
- Mon père est un chercheur de la Nasa. Il est très connu. C'est pour ça que je ne dis jamais mon nom.  Les gens comprenaient tout de suite qui je suis et font semblant de s'intéresser à moi. Ensuite, ils profitent de mon nom et de mon argent aussi.
L'étonnement passe, je lui répond :
-Tu sais Timael, les gens cache très bien leur vrai visage mais il y a toujours une faille quelque part. Sois toi-même car tu peux apporter énormément aux personnes qui t'entourent ! On va commencer d'ailleurs ! J'ai hâte que tu me raconte l'histoire de la nuit.
-Merci beaucoup. J'ai hâte de la raconter à Madame. Suis-moi !
Il me prend à nouveau par la main pour arriver en haut d'une petite colline. Un spectacle a coupé le souffle. Un contraste entre l'agitation de la ville et le calme du ciel. Il s'allonge dans l'herbe. Il m'invite à m'allonger contre lui pour admirer ce qui s'offre à nous : le ciel et les étoiles. Nous retrouvons enfin cette douce et réconfortante sensation du début. Cette nuit qui nous enveloppe et ses étoiles qui nous émerveillent. Nous restons là dans le silence.  Une nuit inattendue. La nuit comme un refuge dans nos vies tourmentées avant que le jour ne se lève. Un moment suspendu dans le temps qui n'appartient qu'à nous.
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