Ça y est, la nuit était tombée. J'avançais entre les pins sombres, le vent dans les cheveux luisants sous la lune. Les oreilles aux aguets, j'entendais le ululement des chouettes, le sifflement des serpents et le bruissement des feuilles. Mon arrivée sur cette île m'avais semblait si brusque, si rapide... J'arpentai le rivage, à la recherche de divertissement. Les vagues, d'habitude indomptables, léchaient paisiblement la rive. Sous l'éclat de la lune, elles scintillaient d'un bleu pétillant. C'est alors que j'aperçus, se reflétant dans l'eau, une forme sombre. En me rapprochant de quelque pas, je constatai qu'il s'agissait d'une vieille épave de bateau. Je fis alors le choix de m'aventurer dans les entrailles de cette antiquité...
Je me faufilai entre les débris et les rochers, jusqu'à atteindre mon but. J'entrai alors par une longue faille dans la coque. A ma grande surprise, je vis devant moi une table en bois sur laquelle était posée une bougie à moitié consumée, qui éclairait d'une flamme vive aux reflets bleutés. Mon hypothèse fut alors que ma solitude n'était pas totale. Des grincements se firent entendre sur le plancher bruni par l'âge. Je me retournai et, emportée par mon élan, je tombai, pour me retrouver nez à nez avec un visage féminin, endurci par la fatigue et l'ennui.
Soudain un bruit sec : je sentis mes paupières se clore, puis plus rien...Quand mon esprit se réanima, j'étais allongée sur un lit, sous un drap en toile. Je me relevais avec difficulté, une vive douleur s'était manifestée du côté de mon épaule gauche. Après quelques grimaces de souffrance, je remarquai alors la présence de la jeune femme de tout à l'heure. Elle avait de longs cheveux bruns qui lui arrivaient aux hanches, elle devait mesurer environ 1 mètre 70 et elle portait une tenue décontractée aux couleurs violacées. Elle posa sur moi un regard paisible et amical. D'un geste de la main, elle m'invita à la rejoindre, et me mena sur le pont. C'est alors qu'elle fut décidée à se présenter :
— Je m'appelle Sirha, je suis l'ancien capitaine de ce bateau. Il y a de cela 10 ans, ce navire flamboyait de couleurs et de joie. Malheureusement, un beau jour, mon équipage et moi fûmes emportés par une tempête et je fus la seule rescapée...
Son histoire était tragique et ne fit que m'attrister. Une vive lumière me fit sortir de mes pensées. Elle resplendissait dans le ciel sombre et venait du côté gauche du bateau. Elle formait un immense cylindre lumineux, qui partait du sol pour se perdre dans les nuages. D'après moi, cela ressemblait à une indication, un chemin à suivre. Puis Sirha m'expliqua :
— Ça y est, ça recommence, dit-elle. Cela fait plusieurs fois que ce phénomène se produit : le ciel s'éclaire, puis un bruit sourd retentit, comme un rugissement...
Et en effet, après quelques minutes, nous sentions que le sol vibrait. La vibration passa à une secousse, puis à un fort tremblement, qui nous fit fortement vaciller, nous et le bateau. Tout ce remue-ménage dura une dizaine de minutes.
Il devait être tard dans la nuit, quand nous prîmes la décision de nous rendre à l'endroit indiqué par le cylindre lumineux. D'après les constellations, nous devions nous diriger vers le nord. Sur le chemin, Sirha prit le temps de me narrer un conte de son passé :
— Il y a de cela mille ans, dans le village d'Ellimith, les anciens racontaient des dizaines et des dizaines d'histoires aux enfants, comme celle que je vais te raconter. Durant la nuit la plus froide du mois de décembre, le village tout entier partait célébrer le retour du printemps durant la cérémonie des cieux. Vers minuit, les astres se superposaient et formaient une éclipse de lune, qui plongeait les habitants dans le noir. Puis après une bonne heure de prière et de célébration, le village rentrait se reposer, et les astres dorés disparaissaient. Mais un beau jour, la veille des festivités, le tonnerre retentit et le ciel se couvrit. Après quelques secondes de silence, le sol se mit violemment à trembler. Ce jour-là, tous les villageois présents furent témoins de la chute de l'astre divin, cet astre qui avait couvert la lune de si nombreuses fois et qui avait à présent disparu. Le roi prit alors la décision que celui ou celle qui trouverait ne serait-ce qu'un minuscule extrait de l'astre, serait nommé dirigeant de la cité.
A peine eut-elle terminé sa phrase que je trébuchai sur ce qui ressemblait à un morceau de pierre. Après m'être relevée, je m'aperçus, sous les reflets de la lune, que ce qui me semblait être un morceau de pierre brillait d'une lumière dorée, éclatante et éblouissante... Alors une pensée m'effleura l'esprit : et si cette pierre n'était autre que l'astre divin ? Et si, avec le plus grand des hasards, nous venions de résoudre la plus vieille énigme de l'histoire ? Malgré tout, cela me paraissait trop simple de trouver aussi facilement ce que personne n'a trouvé en mille ans, par un total hasard, au milieu d'un sentier. Et si tout cela n'était qu'un piège ? J'essayai de mettre cette pensée de côté et de me concentrer sur notre découverte. Sans un mot, nous nous remîmes en route. Après un temps que je ne pus mesurer, nous sentîmes le sol trembler, puis se fissurer... Soudain une immense faille se créa sous nos pieds ! Nous tombâmes dans ce trou sans fin... C'est alors que je le vis briller, l'astre divin. Il flottait au-dessus de nous et nous éclairait de sa lumière dorée. Cette luminosité baissait au fur et à mesure, jusqu'à s'éteindre complètement. Mes paupières s'alourdirent et se fermèrent.
Après quelques instants en état comateux, je me réveillai en poussant de petits cris aigus. Quand je fus calmée, je me mis à observer le lieu dans le quel je me trouvais. C'était une chambre aux murs turquoise et aux meubles blancs. La lumière qui m'éclairait émanait d'une lampe suspendue au plafond. C'est alors que je fis le lien.
Et si tout cela n'était qu'un rêve ?