La voie du désespoir

Moi je suis différent. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais un extra-terrestre. Franchement, tout a commencé à la campagne, dans ma zone natale, au milieu des arbustes du champ où avait croqueté ma maisonnette rustique, construite sur le penchant d'une petite agréable colline.  

Un jour, avant que sonnent six heures, je promenais dans le jardin décoré d'arbres fruitiers de toutes espèces, doux au palais comme un rayon de miel. Le ciel était idéalement bleu sur ma tête et mes yeux, éblouis par la beauté du paysage. La rosée du matin mouillait mes orteils. À la bonne franquette, la journée s'annonçait radieuse.

Les oiseaux répétaient leur symphonie sans la moindre négligence. En fait, j'étais emporté au charme qui dégageait de mon entourage. J'avais très mal dormi quand j'ai appris la nouvelle que j'allais laisser la campagne pour aller en ville en vue de continuer mes études classiques.

Je m'étais levé de très tôt, à l'aube. Personne n'a remarqué mes troubles. J'avais les yeux pleins de larmes coulant comme une rivière.

Dans le jardin florissant, près de la colline aux douces fleurs des bois, la chorale des oiseaux fredonne une mélodie qu'arrivait jusqu'à moi, dans ma solitude, et qui m'a ranimé le coeur souffrant. Le ténor de la cigale, le soprano du rossignol, l'alto de l'ortolan et la basse de la tourterelle formaient l'harmonie. Tout était à sa place et la nature est entièrement rayonnée de joie. Le soleil s'avançait de plus en plus haut dans le ciel infiniment vaste et brulait ma tête nue. Il était à peine neuf heures.

La rivière qui traversait le champ était belle et limpide. La fraîcheur du vent était un somnifère et l'odeur sucrée des fleurs me jetait à l'extase. J'étais seul. Je n'appréciais pas cette solitude.

Mes amis, à quelque part, étaient tous charmants et joyeux. Blotti dans un coin, je caressais mes joues abattues et rongeais mes ongles. Mon nez fut parfumé par le vomissement des abeilles. Un sourire radieux, venant de si loin, posait sur mon visage. Je disais quoi faire dans ma solitude ?

Pendant l'après-midi, je vois le soleil voiler. Il faisait noir. Il allait pleuvoir. Le vent soufflait dans les feuilles. L'orage se déchaînait. L'éclair brillait. La pluie tombait. Les animaux tremblaient de peur et restaient tête par terre sous la pluie qui tombe en abondance. Les rues sont devenues rivières ; les plaines sont inondées et les rivières, débordées.

Après la pluie, les nuages s'en vont pour céder la place au beau temps. Les oiseaux s'envolent dans le ciel d'Azur Infiniment vaste. Le beau vent souffle dans les feuilles. Quelle merveille !

Un mois après, j'ai quitté le village décoré de jolies fleurs et bordé de beaux arbres chargés de fruits délicieux, ma famille et mes amis. Seul avec ma grande soeur et une valise, j'ai laissé ma zone natale pour aller en ville. À ce moment-là, j'avais une seule valise de vêtements et des sacs de chagrins sur mon dos. Au lieu de la joie escomptée, l'angoisse m'envahissait et mon esprit se brouillait.

Depuis lors, j'étais dans la plus grande souffrance de l'humanité. J'ai connu des moments difficiles et de faim extrême. J'ai persévéré au milieu de la misère qui m'a beaucoup giflé. J'ai lutté. J'ai terminé mes études classiques et je suis entré à l'université. J'ai connu la souffrance et de faim atroce. Je faisais la différence en gardant la positivité.

À l'université, j'ai eu tellement de travail à faire, je n'ai pas eu même une minute à moi. Certaines personnes m'ont conseillé d'abandonner mes études. J'ai persévéré, car j'y ai très attaché.

La faim m'a boxé, l'amertume m'a souffleté violemment. J'ai lu et étudié encore. Je me vois ici sur la cuisse d'une femme qu'on appelle la misère. Une femme aux dents pourries, yeux loup-garou ayant l'odeur d'un bourg. C'est une femme inique. J'ai persévéré dans ma misère pour accomplir mes rêves dans un pays violent et oppressif.

Un jour, j'ai travaillé jusqu'à ce que le soleil ait perdu derrière la ligne de l'horizon lointain qui semble confondre la mer et le ciel infiniment vaste. C'était l'heure de rentrer chez moi. Craqué, crevé et courageux, j'ai pris la route. Sans espoir et sans consolation, j'ai arpenté le terrassement. Je me suis laissé sur les ailes du vent qui m'a porté, roulé, tourné, retourné comme un fragment de papier. Parvenu chez moi, j'ai bousculé le sac ennuyant sur le vieux lit qui me servait de canapé pendant le jour ; puis, j'ai regardé sous le couvre-plat... je n'ai rien trouvé. C'était toujours comme ça. J'ai envie de pleurer de faim. J'ai résisté. Avec mes souliers déchirés par les circonstances difficiles de la vie, je me suis allongé sur le lit comme un mort dans un cercueil.

Pendant ce temps-là, j'ai tout pensé. J'avais la nostalgie de ma zone natale. Des souvenirs fous me sont venus à l'esprit. J'ai pensé à la situation troublante actuelle du pays qui m'a infligé dans la détresse. Je suis perdu dans ma pensée. Je me suis trouvé dans une mer agitée par la pluie de la faim et de vagues de la misère. J'ai cherché à me dépouiller de cette souffrance affreuse, mais je ne pouvais pas. Je suis entré davantage en profondeur. Sur le lit macabre et de punaises, j'ai regardé en face la conjoncture confuse du pays dans mes propres lunettes.

J'avais le vertige du pays. J'avais soif et bu mes pleurs humiliés et disparates. Une caravane de chagrins m'envahissait à cet état infâme. Je semblais à ceux qui sont dans la tombe. La nuit, je n'avais pas de sommeil. Elle passait comme la journée pour moi. Ma vie est pleine de chagrins et de malheur.  Je portais tous les dégouts et les fardeaux du monde. Mes yeux sont abîmés par la souffrance. J'avais hoquette aux dégouts, aux fracas et à l'espérance vaine.

Sur le lit macabre de la chambre, je verrouillais les yeux pour demander la mort prématurée.  La mort m'a refusé. J'étais trop souffrant. Je n'avais que les os et la peau. Hélas !

J'étais un homme bon qui souffrait énormément. Mes compagnons pensent que je suis destiné à souffrir. Ce n'était pas vrai. J'ai essayé de rester toujours un homme bon, droit et différent.

Mes amis, la pauvreté les a éloignés de moi. Ils m'ont oublié. Quand je me suis mis à parler, ils se moquent de moi. Ils m'ont détesté. Pourtant, j'éprouvais un grand amour pour eux. Je suis traité comme étranger, comme un esclave dans mon entourage.

La vie m'a paru sans sens, sans espoir et sans espérance. Elle ne m'a apporté que du fiel. Tout avait le goût de larme mélangée du rhume. Durand cette nuit fougueuse, si dormir était un péché, se réveiller serait un crime.

Ainsi, les nuages sombres de la dépression ont envahi mon âme. Je suis bloqué émotionnellement, embrouillé dans ma pensée, enlisé dans mes émotions. Je suis isolé, livré à moi-même et inquiet de n'être pas compris. J'étais seul dans mon cas. Je me demandais si les beaux nuages blancs pourraient revenir pour échanger les ténèbres de désespoir par la lumière de l'espoir. Mon esprit est abattu au-dedans de moi. Personne ne me reconnait. Mes jours s'évanouissent en fumée. Je m'agitais. J'ai erré çà et là dans mon chagrin. Le frisson m'enveloppait. En vérité, si j'avais des ailes, je m'envolerais très loin.

Dans mon pays, il n'y a que la violence, la querelle, la méchanceté, la fraude et la tromperie. Je soupire. Je gémis matin, midi et soir. J'ai le visage, l'âme et le corps usés par le chagrin. Je suis courbé, abattu au dernier point. Le mal brûlant dévore ma chair et mes entrailles. Sans force et entièrement brisé, les troubles du pays m'arrachent des gémissements amers comme du fiel. La mort m'est préférable à la vie violente. À l'aurore, un vent froid souffle et le soleil frappe ma tête nue au point que je tombe en défaillance. J'ai demandé la mort. Dans ma douleur, je décompose en fumier et dans le même fumier, j'ai poussé la plus belle rose.