La prière

Au nom de tous les dieux, ami trop séduisant !
Ne me prodigue plus ces regards, ces tendresses
Dont sur mon faible cœur l'attrait est si puissant !
Craignons de nous livrer à ces douces caresses
Qui pourraient égarer nos sens ;
Craignons jusqu'aux baisers qu'on appelle innocens ;
Ils rendent bien souvent coupable :
Fuyons ces entretiens toujours plus ravissans ;
Je ne veux plus goûter leur charme inexprimable.
Peut-être qu'un suave et dangereux poison
N'est pas loin, hélas! de m'atteindre ;
A tes côtés déjà j'ai senti ma raison
Plus d'une fois près de s'éteindre ;
Déjà plus d'une fois, reposant sur ton sein,
L'œil voilé d'une humide flamme,
Dans ton souffle embaumé j'ai respiré ton âme ;
J'ai déjà pardonné plus d'un tendre larcin.
Non, l'amitié n'a point, n'ose plus me le dire,
Ce trouble, ces transports, cet inquiet bonheur ;
Ses chastes voluptés n'ont jamais de délire ;
Aimer est sa seule faveur.
Ah ! tremble d'allumer une flamme imprudente ;
Mon cœur contre l'amour n'est que mal affermi ;
Ne fais pas de moi ton amante
Si tu n'es pour moi qu'un ami.