La nuit

Muhammed Sadki

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Je plane dans une nuit sombre et mystérieuse, à la recherche d'âmes tristes et rêveuses. J'en vois une au loin, fatiguée et désorientée, la parfaite proie. Je vole vers sa fenêtre et l'observe. Comme toute autre créature de la nuit, il cherche à accomplir quelque chose. Celui-ci cherche à avoir une promotion pour qu'il n'ait plus besoin de travailler la nuit. Il ne devrait pas s'inquiéter car bientôt, son vœu sera exaucé.
Il tape sur son clavier le document que son boss lui avait demandé d'écrire hier, des cernes se sont formées sous ses yeux. Il est 00:30; alors pourquoi est-il si fatigué? Je tape à sa fenêtre une fois, aucune réaction. Une deuxième fois, il bouge un peu. Puis, je tape une troisième fois, et il tourne sa tête. Je le fixe avec mes gros yeux vides et sombres, il sursaute et se lève, je penche ma tête plus près de la vitre. L'homme commence à frissonner, il n'ose pas bouger et il continue de m'observer avec ses yeux marrons. J'avance doucement de plus en plus près de sa vitre, jusqu'à ce que mon bec et mes plumes blanches soient collés sur la vitre. Puis, j'utilise, tout en fixant l'humain, mes griffes pour ouvrir sa fenêtre. Le bruit de mes griffes contre le vieux bois est strident et long. Ma proie commence à s'écarter tout en tremblant encore plus.
Clic.
J'ouvre la fenêtre lentement, pour ne pas terrifier le jeune homme. Il ouvre sa bouche pour crier, mais je bondis sur lui avant même qu'un son ne sorte de sa bouche. Il tombe par terre, surpris et désorienté, je marche vers lui. Une fois assez près de lui, je lui donne un coup de bec à la main. Il crie en tenant sa main saignante près de lui. Cela est le seul moyen de le protéger des monstres de la nuit, de le rendre heureux. Je ne peux laisser un des habitants de la nuit autant souffrir, et avec ces pensées en tête je donne un léger coup de bec à la tête pour l'assommer. Je l'emporterais au royaume des rêves pour qu'il soit content à jamais.
 
Je tape sur mon clavier le plus vite possible. Il fait noir dehors, la lune est la seule source de lumière. Il faut que je le finisse cet article. Cela fait déjà deux semaines que je n'ai pas vu ma famille, il me manque. Je me demande ce qui se passe à la maison.
tap
Je crois que j'ai entendu quelque chose, peu importe.
tap
Ce doit être le vent, ils ont annoncé à la télévision qu'il y aurait un peu de vent ce soir.
TAP
Cette fois, je tourne ma tête, mais ce que je vois est horrible. Un hibou cauchemardesque me fixe avec des yeux vides. On se regarde l'un et l'autre. Ce monstre penche lentement sa tête déformée, avec son bec qui est dans un angle bizarre. J'ai l'impression qu'il m'étudie, qu'il pense. Puis je le vois se rapprocher de plus en plus. Il rapproche ses talons vers le bas de la fenêtre, tout en m'observant, comme s'il me défiait.
Clic
Je commence à trembler encore plus fort, il commence à ouvrir la fenêtre. Il me fixe toujours avec ses yeux vides et globuleux. Je n'en peux plus. Je commence à courir le plus vite possible, mais cette chose est plus rapide et me plaque au sol. Je commence à ramper, m'éloignant de la créature. Elle marche vers moi lentement, avec un petit air satisfait.
CRRR
Ce monstre vient de me transpercer la main. Je sens le sang dans ma main, gluant et collant. J'essaye de pousser un cri, mais tout devient noir.
 
Je suis quelque part de froid et sombre, aussi sombre que la nuit. Je me sens bizarre, comme si tous mes muscles se collaient ensemble et explosaient. Puis je me sens propulsée et... et... 
 
Je le porte dans mes talons, enveloppé dans sa couverture, comme un petit hibou. Comme avant... Avant qu'ils arrivent. Puis, je les vois, là. Ils me fixent, j'en peux plus, je m'en vais.
 
Plane dans la nuit, celui qui voudra
Trouver plus que ça,
Voyage au sommet,
Pour la money.
 
Je me réveille avec un poème dans la tête. Je me souviens un peu d'hier soir, avec le... Le...
Je ne sais pas.
Je me lève en m'étirant et me prépare pour le travail.
 
Je me trouve dans la réception du bureau de mon patron, je suis presque sûr que c'est pour me virer. Je ne suis pas le plus important des employés à Mind.Industries. Puis j'entends DING, qui signifie entre.
J'entre dans l'immense bureau de X$-&é12 comme mon patron l'appelle.
Je m'assois devant lui, mon boss. Il est petit, mais une fois qu'il parle, c'est la personne la plus imposante que je connaisse.
"M. Papin, sais-tu pourquoi je t'ai appelé ?" Il me demande avec son dos tourné vers moi.
"Non, monsieur." Je réponds avec précipitation.
"C'est pour te parler de ton article," il répond.
J'en étais sûr.
"Il était... Incroyable !" Il s'exclame. "Dans toute ma carrière, je n'ai jamais lu un si bon article."
Je le regarde bouche bée. Il parle vraiment de mon article, je suis si content.
 
Je sens quelque chose.
Oui.
Une présence.
En effet.
Où est-il ?
Dans l'arbre.
Parfait.
 
Le soir, je rentre chez moi tout content grâce à ma promotion.
Je n'arrive toujours pas à...
TAP
Je cours, le son, le tap, le monstre est là.
Je sors rapidement de mon appartement, je tourne ma tête. Mais, je ne vois pas un hibou déformé, mais quelque chose de bien pire. Je monte dans ma voiture et pars à toute allure.
 
Je suis sur la route depuis un moment. Je vérifie mon rétroviseur.
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