La nuit
Je marchais le long du lac, les mains dans les poches de ma veste et le regard fixé sur la lune se reflétant dans l'eau sombre du lac. La fine brise caressant mon visage me faisait me sentir vivante. Je calais mes pas à ceux de mon amie qui avançait sur le chemin à mes côtés. Aucune de nous deux n'osait parler, nous appréciions seulement le silence et la pureté de cet endroit.
- Te sens-tu à ta place ici ? me demanda-t-elle dans un murmure.
Je fixais mon regard dans le sien. Me sentais-je à ma place ? Je ne pus répondre. Se sentir à sa place, c'est ne pas ressentir le besoin de partir découvrir le monde. De ne pas avoir l'appétence de s'en aller sans avoir peur d'abandonner ce que l'on possède déjà. De croire que l'on mérite ce que l'on a, et tenter d'obtenir ce que l'on n'a pas.
- Je ne pense pas, répondis-je sans réellement savoir si je le pensais.
- Je me sens à ma place, avec toi.
Je lui souris tristement en lui prenant la main. Nous entrelacions nos doigts tandis que ma paume brûlante frissonnait au contact de la sienne gelée. Son pouce dessina des cercles sur le dos de ma main, ce qui réchauffa mon cœur.
Nous nous arrêtâmes devant un banc dont la peinture grise commençait à s'écailler. Elle lâcha ma main en mettant les siennes dans ses poches tout en s'avançant vers le suivant. Je m'assis à ses côtés en fixant mon regard sur la lune brillant dans le ciel étoilé.
- Je me suis toujours demandé, si on ne s'était pas rencontrées, que se serait-il passé ? me questionna-t-elle.
Le destin. Ces choses qui nous arrivent sans qu'aucune de nos actions puissent les faire changer. Le destin peut être dévastateur, car il arrive sans que l'on y soit paré. Et il peut être le début du renouveau. Pour ma part, cette fille est mon renouveau.
- On ne serait pas là, assises sur ce banc à parler, dis-je en frottant mes bras pour me réchauffer.
- Et si on s'était rencontrées mais que les choses ne s'étaient pas passées comme elles se passent maintenant ?
- Je ressentirais alors un vide, comme s'il manquait quelque chose à ma vie, affirmais-je sans trop comprendre où elle voulait en venir.
- Pourtant, tu le ressens ce vide.
Je me tournais vers elle, les sourcils froncés par l'incompréhension. Son regard, quant à lui, était fixé sur l'eau calme du lac.
- Ce vide qui te fait comprendre qu'il te manque quelque chose. Et peut-être qu'il ne te manque rien, tu as juste perdu ce que tu avais, déclara-t-elle d'une voix si douce que les larmes me montèrent aux yeux sans que j'en prenne conscience.
- Tu as juste perdu la personne dont tu avais besoin, murmura-t-elle en posant sa main sur ma joue pour essuyer la larme qui coulait le long de celle-ci.
La seconde d'après, son corps s'évapora telles des millions de lucioles qui repartent chez elles. Les lumières s'envolèrent dans le ciel, et j'eus l'impression qu'elles m'avaient arraché le cœur et l'avaient emporté avec elles tant ma douleur était grande. Mon subconscient me hurla de les rattraper, mais tout mon corps resta figé. Comme si elles ne voulaient pas qu'on les rattrape. Les lucioles disparurent dans le ciel sombre, faisant étinceler les étoiles. Mes larmes coulaient, ruisselant le long de mes joues pour venir s'écraser sur ma veste.
Je regardais le ciel et les centaines d'étoiles le décorant. Elle avait rejoint l'éternel paradis, là où toutes les âmes perdues errant sur la terre rêvaient d'aller. Là où je rêvais d'aller pour pouvoir la revoir. Mais j'étais dévouée à rester ici, me noyant dans ma solitude.
Je ne ressentais pas de vide, je tombais dans le vide de la nuit.