— Moi je suis différent. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais un extra-terrestre.
— Mais pourquoi dis-tu cela Hamid ? Tu es pourtant l'une des personnes les plus normales que je connaisse !
— Tu veux savoir pourquoi Bianca ? Alors écoute-moi bien! Répliqua le jeune homme.
D'après ma mère, tout a commencé quand j'ai atteint l'âge d'un an. Selon elle, je trouvais du plaisir à contrôler mes sphincters. Je faisais exprès de m'abstenir à me soulager lorsqu'elle me plaçait sur le pot de chambre, et je faisais ma toilette qu'au moment précis où elle me soulevait et me plaçait sur le canapé, lassée d'attendre. Au début cela ne l'a guère inquiétée, mais ce phénomène se répéta jusqu'à mes deux ans, malgré toutes ses tentatives pour m'apprendre à le faire au bon endroit. Un jour, elle prit la décision d'aller voir le pédiatre qui, ne sachant que faire, après maintes explorations qui sont revenues normales, l'orienta vers un psychiatre. Ce dernier lui fit savoir que la seule corrélation psychologique qui lui venait en tête était un trouble du développement psychosocial basé sur le complexe d'Œdipe. Toujours selon sa théorie, je deviendrai une personne marquée par une ponctualité accrue, une propreté excessive, mais également par l'avarice et l'entêtement.
Ma mère n'y croyait pas vraiment au début, mais plus je grandissais, plus je devenais particulier. Je devins perfectionniste, je ressens toujours le besoin de vérifier répétitivement tout acte que je dois accomplir, avec un souci excessif du détail, m'empêchant parfois de le réaliser complètement. Je suis continuellement habité par une indécision, des doutes et une prudence excessive, une extrême scrupulosité, une méticulosité et des soucis excessifs tant sur le plan matériel, moral que social. De nature peu influençable, obstiné, fidèle à mes idées, je suis incapable d'écouter les idées d'autrui. C'est pour cette raison, Bianca, que je n'ai toujours pas trouvé ma moitié. Je suis pourtant un jeune avocat surdoué, riche et beau, charismatique, à la silhouette imposante, maniant la langue de Molière comme si j'en étais le concepteur, maîtrisant les moindres recoins de la loi, courtisé par une liste interminable de femmes... malgré tout cela, je suis seul et je le resterai sans doute!
— Quoi Hamid ! Et pourquoi donc dis-tu cela ? Penses-tu que je ne pourrai t'aimer comme tu es ? Ne t'ai-je toujours pas dit que je t'aime de tout mon cœur ! Que devrai-je encore faire pour te le prouver ?
— Je ne doute pas de ta bonne foi Bianca ! Laisse-moi te dire pourquoi je ne peux être avec toi. Et je sais qu'à la fin tu me verras comme ma mère, comme un extra-terrestre !
Je veux une femme unique, à l'âme scintillante de beauté et de pureté, moulée par un corps géométrique de Pythagore. Une femme pure, qu'aucun homme n'a touché ni même senti le parfum, qu'aucun œil n'a exploré et dont aucune mémoire ne possède le souvenir d'un moment érotique, une femme parfaite. A vrai dire, des fois, je rencontrais l'âme pure et chaste, mais le corps ne me convenait pas. D'autres fois, je trouvais le corps idéal mais l'âme qui l'habitait ne reflétait pas la lumière que je désirais, quel dilemme! Obstiné de nature, je m'interdis de m'engager dans une relation tant que je n'aurai pas trouvé la perle qui remplirait tous mes critères.
Et puis je t'ai vue, en ce matin chaud d'été. Entre les paperasses routinières de mon travail, la sueur profuse qui se dégageait de mes pores et le bruit des vieux klaxons des voitures, je ne voyais point ce jour-là ce qui aurait pu me mettre de bonne humeur. Et puis tu ouvris la porte de mon bureau, ce moment-là, lorsque mes yeux croisèrent les tiens, nos âmes se sont cherchées, nos cœurs se sont trouvés. Tu es de loin la fille la plus parfaite que je n'avais jamais aperçue. Ton teint clair illuminant ton petit visage timide recouvert, au tiers, par ta majestueuse chevelure noire et lisse. Un nez centré entre deux yeux arrondis dont les pupilles bleues me rafraichissaient de loin. Ce frisson que je ressentis, lorsque tes deux lèvres roses et pétillantes laissèrent échapper « excusez-moi je me suis trompée de bureau», me figea.
— Oh Hamid ! Tu te rappelles donc de tout ça ? L'interrompit Bianca toute rougissante.
— Comment l'oublier ? Reprit celui-ci. Je n'ai jamais été si proche de la perle que je cherchais. Heureusement que le destin m'a poussé ce jour-là à te rattraper lorsque tu es ressortie en toute hâte. Oui heureusement ! Car j'ai su que c'était bien possible de trouver ce que je cherchais, et que la patience paye toujours ! J'ai vu en toi une lumière qui dégageait plus d'ardeur que je n'imaginais. Tu semblais être cette perfection que mon être attendait.
— Si je suis si parfaite à tes yeux alors pourquoi as-tu tantôt dit que tu ne pourrais être avec moi ? Laissa échapper Bianca, les larmes aux yeux.
— Parce que... comme je te l'ai dit, il me faut non seulement la perfection du corps, de l'âme, mais également la chasteté. J'ai creusé dans ta vie Bianca, j'ai creusé très loin, murmura Hamid. Et j'ai constaté que tu as toujours fui les hommes, qu'aucun homme étranger ne t'avait jamais touché ni souillé.
— Cela m'étonne que tu aies fait tout ça, mais tu as raison, aucun homme étranger ne m'a jamais touché, aucun homme sauf...
— Sauf ton père... L'interrompit Hamid. J'ai su que tu as été abusée par ton père quand tu avais douze ans, et ce fut la raison pour laquelle tu étais venue dans notre cabinet ce jour-là, lassée de traîner ce lourd fléau avec toi.
— Alors tu savais tout... Vois-tu? Tu n'es pas le seul que l'on voit comme étant différent. Toi ta mère te prenait pour un Alien ou je ne sais quoi, moi mon père me regardait comme un outil de plaisir, venu au monde que pour satisfaire ses pulsions animalières.
— Tu as raison, on n'est pas si différent que ça. C'est pour cette raison, pour la première fois de ma vie, je me sens mal de dire à une femme que je ne peux être avec elle parce qu'elle n'est vierge. Me comprendras-tu ? C'est plus fort que moi !
Bianca ne dit mot, elle resta longtemps à fixer les pigeons gris qui dégustaient en famille les morceaux de pain que les couples, tout heureux, prenaient plaisir à les lancer. Puis elle observa le ciel et contempla un moment les nuages blancs et gris se mouvoir par pair. Enfin elle baissa le regard vers l'océan au loin où s'enlaçait affectueusement deux cygnes aux becs dorés. Puis, elle se leva, affronta un moment le regard de Hamid, se pencha près de son oreille droite et lui murmura ceci : « Je ne suis peut-être pas chaste, je me suis peut-être faite violée par mon père, mais toi... pire que le viol, pire que d'avoir perdu ma virginité, tu as abusé de mon cœur et défloré mon âme, tu m'as laissé être amoureuse de toi en sachant, depuis le début, que nos destins ne peuvent fusionner. J'ai succombé à tes mots, les mêmes qui viennent de m'anéantir. Mais observe bien, regarde scrupuleusement autour de toi, comme tu sais si bien le faire; et tu verras que ces couples, ces pigeons, ces cygnes et même les nuages ont trouvé ce que nous deux n'auront jamais. Notre place ne se trouve guère ici, nous sommes sans doute des extra-terrestres, alors rentrons chez nous. »
A ces mots, Bianca s'enroula autour de Hamid et le poussa de toutes ses forces au fond de la falaise au-dessus de laquelle ils étaient assis. Ils disparurent tous deux, dans les profondeurs de l'océan. La légende raconte que, depuis ce jour, tout jeune couple qui s'asseyait sur cette falaise, mettait au monde des jumeaux, un garçon obsessionnel, et une fille sans hymen.
— Mais pourquoi dis-tu cela Hamid ? Tu es pourtant l'une des personnes les plus normales que je connaisse !
— Tu veux savoir pourquoi Bianca ? Alors écoute-moi bien! Répliqua le jeune homme.
D'après ma mère, tout a commencé quand j'ai atteint l'âge d'un an. Selon elle, je trouvais du plaisir à contrôler mes sphincters. Je faisais exprès de m'abstenir à me soulager lorsqu'elle me plaçait sur le pot de chambre, et je faisais ma toilette qu'au moment précis où elle me soulevait et me plaçait sur le canapé, lassée d'attendre. Au début cela ne l'a guère inquiétée, mais ce phénomène se répéta jusqu'à mes deux ans, malgré toutes ses tentatives pour m'apprendre à le faire au bon endroit. Un jour, elle prit la décision d'aller voir le pédiatre qui, ne sachant que faire, après maintes explorations qui sont revenues normales, l'orienta vers un psychiatre. Ce dernier lui fit savoir que la seule corrélation psychologique qui lui venait en tête était un trouble du développement psychosocial basé sur le complexe d'Œdipe. Toujours selon sa théorie, je deviendrai une personne marquée par une ponctualité accrue, une propreté excessive, mais également par l'avarice et l'entêtement.
Ma mère n'y croyait pas vraiment au début, mais plus je grandissais, plus je devenais particulier. Je devins perfectionniste, je ressens toujours le besoin de vérifier répétitivement tout acte que je dois accomplir, avec un souci excessif du détail, m'empêchant parfois de le réaliser complètement. Je suis continuellement habité par une indécision, des doutes et une prudence excessive, une extrême scrupulosité, une méticulosité et des soucis excessifs tant sur le plan matériel, moral que social. De nature peu influençable, obstiné, fidèle à mes idées, je suis incapable d'écouter les idées d'autrui. C'est pour cette raison, Bianca, que je n'ai toujours pas trouvé ma moitié. Je suis pourtant un jeune avocat surdoué, riche et beau, charismatique, à la silhouette imposante, maniant la langue de Molière comme si j'en étais le concepteur, maîtrisant les moindres recoins de la loi, courtisé par une liste interminable de femmes... malgré tout cela, je suis seul et je le resterai sans doute!
— Quoi Hamid ! Et pourquoi donc dis-tu cela ? Penses-tu que je ne pourrai t'aimer comme tu es ? Ne t'ai-je toujours pas dit que je t'aime de tout mon cœur ! Que devrai-je encore faire pour te le prouver ?
— Je ne doute pas de ta bonne foi Bianca ! Laisse-moi te dire pourquoi je ne peux être avec toi. Et je sais qu'à la fin tu me verras comme ma mère, comme un extra-terrestre !
Je veux une femme unique, à l'âme scintillante de beauté et de pureté, moulée par un corps géométrique de Pythagore. Une femme pure, qu'aucun homme n'a touché ni même senti le parfum, qu'aucun œil n'a exploré et dont aucune mémoire ne possède le souvenir d'un moment érotique, une femme parfaite. A vrai dire, des fois, je rencontrais l'âme pure et chaste, mais le corps ne me convenait pas. D'autres fois, je trouvais le corps idéal mais l'âme qui l'habitait ne reflétait pas la lumière que je désirais, quel dilemme! Obstiné de nature, je m'interdis de m'engager dans une relation tant que je n'aurai pas trouvé la perle qui remplirait tous mes critères.
Et puis je t'ai vue, en ce matin chaud d'été. Entre les paperasses routinières de mon travail, la sueur profuse qui se dégageait de mes pores et le bruit des vieux klaxons des voitures, je ne voyais point ce jour-là ce qui aurait pu me mettre de bonne humeur. Et puis tu ouvris la porte de mon bureau, ce moment-là, lorsque mes yeux croisèrent les tiens, nos âmes se sont cherchées, nos cœurs se sont trouvés. Tu es de loin la fille la plus parfaite que je n'avais jamais aperçue. Ton teint clair illuminant ton petit visage timide recouvert, au tiers, par ta majestueuse chevelure noire et lisse. Un nez centré entre deux yeux arrondis dont les pupilles bleues me rafraichissaient de loin. Ce frisson que je ressentis, lorsque tes deux lèvres roses et pétillantes laissèrent échapper « excusez-moi je me suis trompée de bureau», me figea.
— Oh Hamid ! Tu te rappelles donc de tout ça ? L'interrompit Bianca toute rougissante.
— Comment l'oublier ? Reprit celui-ci. Je n'ai jamais été si proche de la perle que je cherchais. Heureusement que le destin m'a poussé ce jour-là à te rattraper lorsque tu es ressortie en toute hâte. Oui heureusement ! Car j'ai su que c'était bien possible de trouver ce que je cherchais, et que la patience paye toujours ! J'ai vu en toi une lumière qui dégageait plus d'ardeur que je n'imaginais. Tu semblais être cette perfection que mon être attendait.
— Si je suis si parfaite à tes yeux alors pourquoi as-tu tantôt dit que tu ne pourrais être avec moi ? Laissa échapper Bianca, les larmes aux yeux.
— Parce que... comme je te l'ai dit, il me faut non seulement la perfection du corps, de l'âme, mais également la chasteté. J'ai creusé dans ta vie Bianca, j'ai creusé très loin, murmura Hamid. Et j'ai constaté que tu as toujours fui les hommes, qu'aucun homme étranger ne t'avait jamais touché ni souillé.
— Cela m'étonne que tu aies fait tout ça, mais tu as raison, aucun homme étranger ne m'a jamais touché, aucun homme sauf...
— Sauf ton père... L'interrompit Hamid. J'ai su que tu as été abusée par ton père quand tu avais douze ans, et ce fut la raison pour laquelle tu étais venue dans notre cabinet ce jour-là, lassée de traîner ce lourd fléau avec toi.
— Alors tu savais tout... Vois-tu? Tu n'es pas le seul que l'on voit comme étant différent. Toi ta mère te prenait pour un Alien ou je ne sais quoi, moi mon père me regardait comme un outil de plaisir, venu au monde que pour satisfaire ses pulsions animalières.
— Tu as raison, on n'est pas si différent que ça. C'est pour cette raison, pour la première fois de ma vie, je me sens mal de dire à une femme que je ne peux être avec elle parce qu'elle n'est vierge. Me comprendras-tu ? C'est plus fort que moi !
Bianca ne dit mot, elle resta longtemps à fixer les pigeons gris qui dégustaient en famille les morceaux de pain que les couples, tout heureux, prenaient plaisir à les lancer. Puis elle observa le ciel et contempla un moment les nuages blancs et gris se mouvoir par pair. Enfin elle baissa le regard vers l'océan au loin où s'enlaçait affectueusement deux cygnes aux becs dorés. Puis, elle se leva, affronta un moment le regard de Hamid, se pencha près de son oreille droite et lui murmura ceci : « Je ne suis peut-être pas chaste, je me suis peut-être faite violée par mon père, mais toi... pire que le viol, pire que d'avoir perdu ma virginité, tu as abusé de mon cœur et défloré mon âme, tu m'as laissé être amoureuse de toi en sachant, depuis le début, que nos destins ne peuvent fusionner. J'ai succombé à tes mots, les mêmes qui viennent de m'anéantir. Mais observe bien, regarde scrupuleusement autour de toi, comme tu sais si bien le faire; et tu verras que ces couples, ces pigeons, ces cygnes et même les nuages ont trouvé ce que nous deux n'auront jamais. Notre place ne se trouve guère ici, nous sommes sans doute des extra-terrestres, alors rentrons chez nous. »
A ces mots, Bianca s'enroula autour de Hamid et le poussa de toutes ses forces au fond de la falaise au-dessus de laquelle ils étaient assis. Ils disparurent tous deux, dans les profondeurs de l'océan. La légende raconte que, depuis ce jour, tout jeune couple qui s'asseyait sur cette falaise, mettait au monde des jumeaux, un garçon obsessionnel, et une fille sans hymen.