« Moi je suis différent. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais un extraterrestre. » Je l'ai souvent admirée. Elle représentait à mes yeux la force tranquille. Son enthousiasme et son optimisme infaillible m'impressionnaient. On se voyait régulièrement et je ne passais jamais une soirée sans causer avec elle. Maman, femme africaine, d'origine tchadienne, me faisait oublier mes petits soucis de la journée. Elle avait toujours une solution pour dédramatiser l'instant. Elle avait pris la place de mon Dieu sur Terre.
Elle me tapotait souvent en disant : « Mon fils, tu travailles comme un robot ».
Je réponds au nom de Bélem, j'ai grandi sans voir mon père. Ma mère a souffert avec moi. On vivait dans une chambre et celle-ci était séparée de l'intérieur par un rideau noir. Je dormais d'un côté et ma maman de l'autre.
Et comme la vie au village n'était pas facile, le rêve de tous les jeunes de mon âge, était d'aller en ville. C'est pourquoi j'ai quitté mon village natal Békorie. Je voulais trouver un travail en ville pour rendre ma mère Rosalie heureuse. La ville où j'allais, d'après la description de mes camarades, était un lieu merveilleux : ronds-points ; aéroports ; voies bitumées ; de beaux statuts sur la place de la nation... Il était miraculeux. Les gens y gagnaient facilement de l'argent et vivaient heureux. Je connaissais un oncle paternel Nadjilengar qui y vivait. Quand il rentrait ici au village, on le prenait pour un riche.
Après mon BEPC, je n'avais plus les moyens financiers pour continuer mes études au lycée de mon village. Je n'avais pas voulu me présenter au concours de l'Ecole Normale Supérieure de mon pays ; la Fonction publique n'était pas ma préférée. Je ne voulais rien d'autre que mon honneur en gagnant de l'argent à la sueur de mon front afin d'économiser et continuer mes études.
Aussi loin que je me rappelle, j'avais toujours été pauvre. J'étais né dans la pauvreté et je n'avais jamais réussi à m'en sortir. J'avais passé mon enfance à essayer de changer cela sans jamais y parvenir. A un moment au village, j'avais fini par me faire une raison. La richesse n'était pas pour moi. Ce qui me faisait plus de peine, et qui me réveillait parfois la nuit, c'était le souvenir d'une vieille promesse que j'avais faite à ma mère. Je lui avais promis le jour de son anniversaire que je la rendrai heureuse. Cette promesse, je n'avais pas pu la tenir, mais jamais elle ne me reprocha cela. Elle avait toujours eu tout ce qu'elle désirait, l'amour de son fils, la santé et un toit sous lequel se reposer. En mai 2008, je quittai le village pour aller chercher un boulot en ville. J'étais accueilli par mon oncle qui décida de me loger chez lui.
Un jour de septembre, pluvieux et froid, alors que je me promenais en ville à la quête du travail, quelque chose attira mon regard. J'arrêtai de marcher, ce qui contraria plusieurs personnes qui arrivaient derrière moi. Mais je n'y prêtai aucune attention, car j'étais entièrement accaparé par ce que j'avais devant les yeux. Je m'étais arrêté devant une boutique dans laquelle on vendait des articles « d'occasions d'Europe ». Dans la vitrine, on pouvait voir une magnifique guitare. Malgré le poids des années, l'instrument était encore tout à fait présentable. Son élégance me plut immédiatement. Sans hésiter, j'achetai la guitare et je l'apportai à la maison de mon oncle.
J'avais passé le reste de la journée à tourner en rond, attendant impatiemment son retour. Quand celui-ci franchit le seuil de la maison, je me précipitai à l'entrée avec tant de force que je le heurtai de plein fouet et le fis tomber. Après maintes et maintes excuses, je l'entraînai dans le salon où trônait la guitare. Je l'avais déposée sur la table placée au coin du salon. Mon oncle se précipita sur la guitare, la prit, et l'huma. Il se tourna vers moi, les yeux remplis de larmes et sans me quitter des yeux, laissa glisser ses doigts sur les cordes. Le son qui émanait de l'instrument et qui se répandait dans la pièce, était la plus belle mélodie, la plus douce musique qui m'avait été permis d'entendre.
Mon oncle était un grand guitariste de la capitale. Dans le passé, certains artistes l'invitaient à jouer la guitare lors des concerts et dans les cérémonies de mariages. Par sa manière de jouer à la guitare, Nadjilengar, fut appelé le « dieu de la guitare ». Les gens venaient dans les festivals pour le voir jouer cet instrument de musique. Il avait une voix mélodieuse et lorsqu'il l'accompagnait avec le son de la guitare, les spectateurs se laissaient emporter. Nadjilengar était tellement bon dans la musique, mais c'était juste un moyen pour lui d'aller jouer et gagner de l'argent pour payer son loyer, ses frais universitaires, ses factures d'eau et d'électricité.
Je demandai à mon oncle de m'apprendre à jouer. J'avais une envie ardente de jouer à la guitare, car je voulais me lancer dans la musique. Nadjilengar accepta de m'apprendre.
Après trois mois d'apprentissage, je pouvais enfin jouer n'importe quelle mélodie à l'aide de ma guitare. Elle devenait ma seule source d'espoir. Lorsque j'eus cherché le boulot en vain, mon oncle m'inscrivit dans une école de musique non loin de chez lui. Dans cette école, je me perfectionnai. Mon oncle m'aidait à travailler au maximum ma voix.
Je pouvais passer de longues heures à chanter et jouer une belle musique, si douce, si pure qu'elle semblait être jouée par un ange. Je frottais mes doigts sur les cordes avec une aisance et une dextérité que mon oncle ne me reconnaissait plus. Je progressais chaque jour.
Quatre mois plus tard, au beau milieu de la nuit, toute la maison était plongée dans l'obscurité et le silence. Nadjilengar dormait profondément. Son corps se soulevait régulièrement au rythme de sa respiration. Soudain, brisant le silence nocturne, une musique forte résonna entre les murs de la maison. Le pauvre Nadjilengar brutalement arraché à ses rêves, se réveilla en sursaut, perdu et déboussolé. Au salon, la guitare jouait de plus en plus fort accompagnée d'une voix mélodieuse. Mon oncle jeta la couette et sortit de son lit aussi vite. Il marcha en titubant, pas encore tout à fait réveillé. Il alluma la lumière du salon en arrivant, il s'arrêta, stupéfait. J'étais en tenue de nuit, mes doigts caressaient ces cordes. Il y avait quelque chose de pur, de plus belle dans ma manière de jouer. Il n'y avait rien de brutal et de violent dans ma façon de toucher les cordes. Je ne semblais pas avoir remarqué l'arrivée de mon oncle, ni même que celui-ci venait d'allumer la lumière. Comment pouvait-il jouer à la guitare dans le noir ? Se demanda-t-il.
- Bélem, Bélem mon neveu ? Appela-t-il. Aucune réponse. C'était comme si je ne l'entendais pas. Il s'approcha en soufflant d'impatience. Je continuai à jouer, malmenant les cordes sans même un regard vers mon oncle. Celui-ci posa une main sur mon épaule afin de me manifester sa présence. Mais je poursuivis à jouer sans y prêter attention. Mais... que lui arrive donc ? Se demanda Nadjilengar inquiet. Exaspéré par cette musique qui devenait assourdissante, il poursuivit ses efforts pour me toucher. Après de longues minutes à essayer de m'interrompre sans résultat, mon oncle commençait à être à court d'idées. Il attrapa mes mains et m'empêcher de jouer. Sans même le regarder, je luttai, cherchant désespérément à me défaire de son emprise. Il réussit néanmoins à me maintenir les mains suffisamment longtemps pour qu'il émerge de sa torpeur. Quand je le regardai enfin, mes yeux étaient remplis de surprise, d'incompréhension et même de peur. Je n'avais aucun souvenir de ce qui venait de se passer.
Quelques jours après, mon oncle était mort suite d'un accident de circulation. Et mon seul espoir, était ma guitare. Grâce à celle-ci, on m'appelait de partout. Je devins un guitariste recherché de la capitale. Je gagnais beaucoup d'argents. Je fis venir ma mère près de moi. J'avais tenu ma promesse.
Elle me tapotait souvent en disant : « Mon fils, tu travailles comme un robot ».
Je réponds au nom de Bélem, j'ai grandi sans voir mon père. Ma mère a souffert avec moi. On vivait dans une chambre et celle-ci était séparée de l'intérieur par un rideau noir. Je dormais d'un côté et ma maman de l'autre.
Et comme la vie au village n'était pas facile, le rêve de tous les jeunes de mon âge, était d'aller en ville. C'est pourquoi j'ai quitté mon village natal Békorie. Je voulais trouver un travail en ville pour rendre ma mère Rosalie heureuse. La ville où j'allais, d'après la description de mes camarades, était un lieu merveilleux : ronds-points ; aéroports ; voies bitumées ; de beaux statuts sur la place de la nation... Il était miraculeux. Les gens y gagnaient facilement de l'argent et vivaient heureux. Je connaissais un oncle paternel Nadjilengar qui y vivait. Quand il rentrait ici au village, on le prenait pour un riche.
Après mon BEPC, je n'avais plus les moyens financiers pour continuer mes études au lycée de mon village. Je n'avais pas voulu me présenter au concours de l'Ecole Normale Supérieure de mon pays ; la Fonction publique n'était pas ma préférée. Je ne voulais rien d'autre que mon honneur en gagnant de l'argent à la sueur de mon front afin d'économiser et continuer mes études.
Aussi loin que je me rappelle, j'avais toujours été pauvre. J'étais né dans la pauvreté et je n'avais jamais réussi à m'en sortir. J'avais passé mon enfance à essayer de changer cela sans jamais y parvenir. A un moment au village, j'avais fini par me faire une raison. La richesse n'était pas pour moi. Ce qui me faisait plus de peine, et qui me réveillait parfois la nuit, c'était le souvenir d'une vieille promesse que j'avais faite à ma mère. Je lui avais promis le jour de son anniversaire que je la rendrai heureuse. Cette promesse, je n'avais pas pu la tenir, mais jamais elle ne me reprocha cela. Elle avait toujours eu tout ce qu'elle désirait, l'amour de son fils, la santé et un toit sous lequel se reposer. En mai 2008, je quittai le village pour aller chercher un boulot en ville. J'étais accueilli par mon oncle qui décida de me loger chez lui.
Un jour de septembre, pluvieux et froid, alors que je me promenais en ville à la quête du travail, quelque chose attira mon regard. J'arrêtai de marcher, ce qui contraria plusieurs personnes qui arrivaient derrière moi. Mais je n'y prêtai aucune attention, car j'étais entièrement accaparé par ce que j'avais devant les yeux. Je m'étais arrêté devant une boutique dans laquelle on vendait des articles « d'occasions d'Europe ». Dans la vitrine, on pouvait voir une magnifique guitare. Malgré le poids des années, l'instrument était encore tout à fait présentable. Son élégance me plut immédiatement. Sans hésiter, j'achetai la guitare et je l'apportai à la maison de mon oncle.
J'avais passé le reste de la journée à tourner en rond, attendant impatiemment son retour. Quand celui-ci franchit le seuil de la maison, je me précipitai à l'entrée avec tant de force que je le heurtai de plein fouet et le fis tomber. Après maintes et maintes excuses, je l'entraînai dans le salon où trônait la guitare. Je l'avais déposée sur la table placée au coin du salon. Mon oncle se précipita sur la guitare, la prit, et l'huma. Il se tourna vers moi, les yeux remplis de larmes et sans me quitter des yeux, laissa glisser ses doigts sur les cordes. Le son qui émanait de l'instrument et qui se répandait dans la pièce, était la plus belle mélodie, la plus douce musique qui m'avait été permis d'entendre.
Mon oncle était un grand guitariste de la capitale. Dans le passé, certains artistes l'invitaient à jouer la guitare lors des concerts et dans les cérémonies de mariages. Par sa manière de jouer à la guitare, Nadjilengar, fut appelé le « dieu de la guitare ». Les gens venaient dans les festivals pour le voir jouer cet instrument de musique. Il avait une voix mélodieuse et lorsqu'il l'accompagnait avec le son de la guitare, les spectateurs se laissaient emporter. Nadjilengar était tellement bon dans la musique, mais c'était juste un moyen pour lui d'aller jouer et gagner de l'argent pour payer son loyer, ses frais universitaires, ses factures d'eau et d'électricité.
Je demandai à mon oncle de m'apprendre à jouer. J'avais une envie ardente de jouer à la guitare, car je voulais me lancer dans la musique. Nadjilengar accepta de m'apprendre.
Après trois mois d'apprentissage, je pouvais enfin jouer n'importe quelle mélodie à l'aide de ma guitare. Elle devenait ma seule source d'espoir. Lorsque j'eus cherché le boulot en vain, mon oncle m'inscrivit dans une école de musique non loin de chez lui. Dans cette école, je me perfectionnai. Mon oncle m'aidait à travailler au maximum ma voix.
Je pouvais passer de longues heures à chanter et jouer une belle musique, si douce, si pure qu'elle semblait être jouée par un ange. Je frottais mes doigts sur les cordes avec une aisance et une dextérité que mon oncle ne me reconnaissait plus. Je progressais chaque jour.
Quatre mois plus tard, au beau milieu de la nuit, toute la maison était plongée dans l'obscurité et le silence. Nadjilengar dormait profondément. Son corps se soulevait régulièrement au rythme de sa respiration. Soudain, brisant le silence nocturne, une musique forte résonna entre les murs de la maison. Le pauvre Nadjilengar brutalement arraché à ses rêves, se réveilla en sursaut, perdu et déboussolé. Au salon, la guitare jouait de plus en plus fort accompagnée d'une voix mélodieuse. Mon oncle jeta la couette et sortit de son lit aussi vite. Il marcha en titubant, pas encore tout à fait réveillé. Il alluma la lumière du salon en arrivant, il s'arrêta, stupéfait. J'étais en tenue de nuit, mes doigts caressaient ces cordes. Il y avait quelque chose de pur, de plus belle dans ma manière de jouer. Il n'y avait rien de brutal et de violent dans ma façon de toucher les cordes. Je ne semblais pas avoir remarqué l'arrivée de mon oncle, ni même que celui-ci venait d'allumer la lumière. Comment pouvait-il jouer à la guitare dans le noir ? Se demanda-t-il.
- Bélem, Bélem mon neveu ? Appela-t-il. Aucune réponse. C'était comme si je ne l'entendais pas. Il s'approcha en soufflant d'impatience. Je continuai à jouer, malmenant les cordes sans même un regard vers mon oncle. Celui-ci posa une main sur mon épaule afin de me manifester sa présence. Mais je poursuivis à jouer sans y prêter attention. Mais... que lui arrive donc ? Se demanda Nadjilengar inquiet. Exaspéré par cette musique qui devenait assourdissante, il poursuivit ses efforts pour me toucher. Après de longues minutes à essayer de m'interrompre sans résultat, mon oncle commençait à être à court d'idées. Il attrapa mes mains et m'empêcher de jouer. Sans même le regarder, je luttai, cherchant désespérément à me défaire de son emprise. Il réussit néanmoins à me maintenir les mains suffisamment longtemps pour qu'il émerge de sa torpeur. Quand je le regardai enfin, mes yeux étaient remplis de surprise, d'incompréhension et même de peur. Je n'avais aucun souvenir de ce qui venait de se passer.
Quelques jours après, mon oncle était mort suite d'un accident de circulation. Et mon seul espoir, était ma guitare. Grâce à celle-ci, on m'appelait de partout. Je devins un guitariste recherché de la capitale. Je gagnais beaucoup d'argents. Je fis venir ma mère près de moi. J'avais tenu ma promesse.