La fin de la nuit

Le noir. 
Encore et toujours ce noir profond qui n'avait ni fond ni forme ni fin, juste du noir. Ce noir n'était pas le même que tous les autres. Lui il était plus sombre et beaucoup plus effrayant. Mon noir était différent. 
Différent du voile sombre qui se déposait sur la moitié de notre planète et qui faisait venir le plus belle astre du système solaire : la lune. 
Le seul être capable de faire fuir le soleil. Même si ce n'était que pour dix heures. 
Le temps d'une nuit. 
Je ne m'en rappelais plus en détails mais mon corps se souvient de la sensation du vent frais et humide caressant ma peau frêle. Des millions de frissons qui parcouraient mon échine en voyant ces millards de boules de feux qui brillaient, plus que n'importe quelles guirlandes de mon sapin. 
Ces boules de feux qui s'alignaient toutes les nuits sur un tracé exacte pour former différents dessins tous plus farfelues les uns que les autres. Toutes ces étoiles qui me faisaient penser à chaque être que j'avais perdu et qui eux même avaient décidé de rejoindre leurs aïeux. 
Maintenant je ne peux plus rien voir. 
J'étais prisonnière d'un très long rêve. 
Un cauchemar où il ne fallait pas juste se pincer pour se réveiller.
Un cauchemar qui durait bien plus que le temps d'une nuit ou même d'un jour complet. Mais je ne savais pas exactement, il n'y avait aucun point de repère pour compter les heures, juste du vide. Juste la nuit.
J'avais beau crier, courir, hurler, sauter, me coucher, marcher en long en large en travers, rien absolument rien. 
Même quand je commençais à pleurer, papa et maman ne venaient pas me chercher. 
Pourquoi me laisser ici ? Je n'avais ni sali le canapé, ni cassé une assiette. 
Je m'étais assise après avoir dépensée toute mon énergie à courir pour sortir de cette pièce sombre sans mur et sans plafond. 
Parfois j'entendais des voix inconnues, toutes plus différentes les unes que les autres. Est-ce qu'elles me parlaient ? Je n'en suis pas sûre. Certaines étaient très graves et difformes. D'autres n'étaient qu'un petit cris aigus très désagréable mais celle que je préférais, ressemblait aux murmures d'une voix que je connaissais. 
Je ne comprenais absolument pas ce qu'elle me chuchotait à l'oreille mais cette fois je savais que c'était pour moi, juste pour moi. Je n'étais pas certaine mais elle venait très souvent. Je pense une fois par jour mais je n'en étais pas sûre non plus. Je l'attendais. 
Je crois qu'elle venait depuis le tout début. Le début de ce cauchemar infernale. J'aimerais retourner courir pied nus dans l'herbe humide éclairée par les faibles lueurs de la lune. J'aimerais passer mes nuits à dessiner les représentations exactes de différents animaux ou objets que les étoiles formaient. 
Cette obscurité menaçante qui faisait frémir tous les enfants, moi elle me rendait nostalgique. 
Oh! Le chuchoteur est revenu à mon oreille. 
Je me concentrais pour l'écouter. Quelle belle voix ! Étais-je sûre de la connaître ? Une lueur discrète apparue devant mes yeux. Je l'observais mais ne bougeais pas de peur de l'effrayer. Cela faisait très longtemps que je n'avais pas vu autre chose que la nuit. J'appellerai cette lueur : Bonheur. Je me levais tout de même et m'avançais à petit pas dans sa direction sans arriver à destination. 
Je me rapprochais encore et encore mais toujours rien. Elle me fuyait. Je courais. J'avais mal. Puis plus rien. Plus que du vide. Encore. Encore et toujours ma nuit.
Je ne pouvais plus rester ici. Je devais sortir. Avec ou sans l'aide du chuchoteur. 
Mon noir était aussi bien présent devant mes yeux que dans mon cerveau. Je ne réfléchissais pas assez ou beaucoup trop. Il me fallait un moyen pour que mes neurones ne disjonctent pas pendant cette longue et interminable nuit. 
Un, deux, trois...douze, je ne comptais pas plus loin. 
Peut-être qu'en me remémorant toutes les choses de ma réalité je pourrais sûrement y revenir ?
 
Je me souviens de la sensation de la ceinture de sécurité sur mon ventre et sur mon cou qui me serrait un peu trop d'ailleurs. De papa et maman qui se disputaient encore pour des raisons qui n'étaient pas de mon âge. En tous cas c'est ce qu'ils disaient. Je me souviens aussi de mes tympans maltraités à cause du haussement de ton de papa et des cris de maman. Je me souviens aussi de l'impact de mon front contre le siège avant, en cuir noir, juste après un virage sec. Une douleur insoutenable qui m'était parvenue, même si je ne la ressentais plus. Je ne ressentais plus grand chose. J'aimerais me réveiller. Ne plus rester dans cette autre monde. 
Madame la nuit ne voulait pas faire place à monsieur le soleil.  Donc je devais attendre.
Tiens, pourquoi le chuchoteur revenait maintenant ? Je le comprends parfaitement. Étrange. Pourquoi me dit-il qu'il tient a moi ? Je suis si importante pour lui ? 
« Adieux petit coeur, je vous aimerais pour toujours avec papa ».
 
Petit coeur. Le surnom que maman me donnait tout le temps. 
Maman ? Je criais de toute mes forces son prénom.  Qu'est-il arrivé à Papa? 
Mon papa?
 
Un homme avançait vers moi. Il était entouré de Bonheur : la lueur qui me réchauffait le coeur. Il me tendait la main. Papa ? C'était papa. Il m'attendait. Je savais qu'il viendrait me chercher. Je saisis sa main et couru dans ses bras. Il me porta et m'emmena dans cette lueur. Je savais qu'il ne m'aurait pas laisser seule.
 
Le cauchemar de ma nuit était enfin fini.
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