La chute

Moi je suis différent. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais un extra-terrestre. Elle n'a jamais réussi à comprendre ce que je ressentais. Il faut dire que nous sommes très différents l'un de l'autre. A chaque fois qu'il a pu m'arriver des bricoles, elle me disait très souvent "Je te trouve très courageux, mon fils." comme si pour elle c'était quelque chose de très dur à surmonter. Tandis que pour moi, ces épreuves me paraissaient obligatoires. Car c'est soit je surmonte ces épreuves, soit je meurs.

J'aimerais d'abord commencer par raconter mes dernières années dans le cycle secondaire. La filière dans laquelle je m'étais immiscée en première était la STI2D. Je suis parti dans cette filière car je craignais la S. J'eu l'idée de la STI2D, je me suis dit que ça n'avait pas l'air trop dur. Tout le monde disait que c'était une matière où l'on ne bossait pas, qu'il n'y avait pas de devoirs, que ce bac était "gratuit". Il ne fallait pas que j'aille en S car cela paraissait trop dur et ce fut l'unique raison. A force de faire du chantage, mon père céda, non sans rester en rogne pendant encore plusieurs mois avec mon passage en STI2D.

Mes deux dernières années de cycle secondaire furent parmi les meilleures années de ma vie. Je me sentais épanoui et intégré dans ce que j'entreprenais. Les personnes qui étaient dans ma classe venaient quasiment tous d'un autre établissement car il n'y avait pas beaucoup de lycée proposant la filière STI2D. Ce point commun nous a permis de nous réunir car personne ne se connaissait. Pour la première fois de ma vie, je me sentais réellement intégré et impliqué dans ce que je faisais. Je ne paraissais pas invisible aux yeux des personnes que j'appréciais. Maintenant ça y est, j'étais devenu quelqu'un d'intégré et impliqué dans mon travail. J'étais prêt à en découdre avec les études supérieures. Le mois de juin passe. J'obtiens mon baccalauréat avec mention Très Bien. J'étais très fier de moi.

Vint ensuite les vacances d'été, et celles-ci commençaient plutôt bien. Je partis en vacances pour trois semaines durant le mois d'août. Les jours passèrent, tout se passait pour le mieux. J'attendais paisiblement le retour des études. Jusqu'au moment où un sentiment étrange commença à monter en moi. Peut-être un sentiment de culpabilité en pensant à mon choix d'étude. Il faut savoir que lors de mon choix d'école, j'ai eu énormément d'hésitation et j'avais décidé d'en choisir une spécialisé uniquement dans l'informatique sachant que je souhaitais plutôt m'orienter dans l'électronique. Mais je m'en étais rendu compte trop tard. Plus le temps passe, plus ce sentiment grandit. Un jour avant la rentrée, j'eu dû m'installer chez mon parrain qui habitait non loin de l'école. C'était un quartier assez déprimant mais je me disais que ce n'est qu'éphémère et que je pourrai vite déguerpir une fois les études finies. Je m'allonge sur mon lit et dormi.

La nuit passa. Je n'étais ni excité ni stressé. Je me demandais presque ce que j'avais à faire ici. Ce sentiment de culpabilité que j'essayais de me cacher en relativisant était en réalité toujours en moi, mais je me convainquais du contraire. Je me dis que beaucoup de jeunes doivent être dans mon cas. Je ne dois pas être différent de beaucoup. Je suis quelqu'un de normal. Je n'ai rien à craindre. Je vis une vie comme les autres. Alors je n'ai pas à être triste de me voir dans cette situation, bien que loin de ce que j'imaginais. Je vis comme un étudiant banal qui commence le supérieur. Oui c'est ça. Je suis un étudiant comme les autres. Je dois y aller. Après 1h de trajet, j'arrivais devant l'école. A ce moment-là, je ne pouvais l'ignorer. Avant même de rentrer dans l'établissement, j'avais une envie soudaine... de pleurer. Je me retenais énormément bien que j'eusse comme une boule au ventre qui m'était insupportable. Mon corps me pesait réellement. Le simple fait de marcher m'épuisait.

Je rentre dans l'établissement. Le hall était très petit, on était assez serré. Je regarde dans quelle salle je devais me rendre. Une fois arrivé devant la salle, j'entre. Il y avait toute la promo. Je m'asseyais sur une chaine et attendait. Le principal parle. Il nous explique les règles ainsi que ce qui nous attend. Beaucoup d'étudiants souriaient, d'autres écoutaient avec un air sérieux. Je ne faisais parti d'aucun des deux camps. J'écoutais juste en ayant l'air fatigué avec un visage sans réelle expression. Constatant cela, ma boule au ventre gonfla et mon envie de pleurer revint. A ce moment, je me dis qu'il y a un problème. Depuis quand regrette-t-on son choix alors que les cours n'ont pas commencé ? On est qu'au stade où le directeur nous explique les règles et je suis déjà en train de regretter.

La journée passa. Toujours perdu dans mes pensées. Ai-je fait le bon choix ? Peut-être que le fait d'être triste était normal car tout cela est nouveau pour moi. Je suis logé loin de chez mes parents, bien que le coin ne me plaise absolument pas. C'était peut-être juste pour cela. Ça doit donc être normal. Je ne suis pas si différent. Mais voyant les autres étudiants plutôt heureux avec certains ayant la même situation que moi, je n'en étais pas réellement convaincu. Je sortais de l'établissement et reprit le même trajet pour rentrer. Une fois rentré, je pouvais enfin libérer tout ce poids en moi. Je me plongeai sur mon lit, en larmes. Bien que j'essayais de me le cacher, j'étais mal et triste. Tandis que les autres étudiants avaient l'air sérieux et sans regret. Je commençais à me dire que je n'étais pas normal. Je me posais des tas de questions. Pourquoi parais-je être le seul à regretter cette situation ? J'y pensais toute la nuit à ne pas en dormir.

Plusieurs semaines s'écoulèrent et ce fut de pire en pire. Je constatais chaque jour que j'étais de plus en plus triste. Le quartier dans laquelle je logeais me déprimait. C'était sale, lugubre, triste. Je rentrais chez mes parents tous les week-ends, c'étaient les seuls moments où je me sentais un peu mieux. Je retrouvais ma chambre dans laquelle j'étais tous les jours. Mais ces moments me faisaient aussi regretter. Il m'arrivait aussi de pleurer devant ma mère. Elle savait que je ne me sentais pas bien car je lui ai simplement tout dit. Je regrettais ce choix d'étude. Les matières générales m'étaient impossibles à suivre et les matières techniques qui nécessitait de coder plusieurs heures tous les jours me rendaient fou. Ma mère ne cessa de me dire qu'elle me trouvait courageux mais je ne le pensais point. Serais-je courageux car je pleure en me questionnant sans cesse et regrette mon choix tout en continuant à me rendre en cours ?

Les jours passèrent, nous sommes mi-novembre, et ce fut toujours de pire en pire. J'en étais cette fois-ci sûr. Je n'arriverai jamais à m'adapter à ma situation. Je ne pourrai jamais me sentir bien là où je loge bien que les étudiants logés seuls paraissent tous sans regret. Du jour au lendemain, je décidais d'arrêter cette école. Après une semaine sans aller en cours, je rentrai définitivement chez moi. Je compris que je n'étais pas comme les autres étudiants. Cette situation ne pouvait pas me plaire et je le sentis avant même que la rentrée ne commence. Ce sentiment de culpabilité n'était pas là pour rien. Je me sentais déjà coupable de ce choix durant les grandes vacances. Je savais que j'avais en quelque sorte creuser ma propre tombe en ayant choisi cette école. Les différences que je notais entre moi et mes camarades ne faisaient que me le confirmer.