« Moi, je suis différente. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais une extra-terrestre ».
Ma mère ne parle pas français, et elle ne maîtrise pas les nouvelles technologies. Elle n'a jamais réussi à intégrer la France. Elle n'a jamais aimé la France. Mais c'est aussi les barrières langagières et son âge qui l'ont empêchée de progresser, peut-être. Je lui cherche toujours des excuses, pour essayer de comprendre ce qu'il se passe dans ma vie. Pour elle, moi, comme les nouvelles générations, nous sommes les extra-terrestres. Elle ne comprend pas notre manière de penser, mes études, mes goûts. La différence d'âge peut-être, le manque d'éducation peut-être. Le manque d'empathie peut-être
J'ai demandé à ma mère pourquoi j'étais différente des autres. Elle me répond, parce que tu es raisonnable, intelligente, je ne m'inquiète jamais pour toi. Tu n'es pas comme les autres enfants. Elle parle des voisins, des enfants de ses amis, bien sûr que je sais qu'elle me compare à eux, elle parle tout le temps des voisins et de ses amis, des intrigues.
Donc, je suis différente par rapport aux références de ma mère, je suis une fille relativement bonne pour elle. Une bonne fille mais, une extra-terrestre !
Je suis en effet, différente des autres enfants. J'ai pris la place de mes parents et eux m'ont volé ma place d'enfant. Je gère les dossiers : banque, impôts, toutes les tâches administratives de mes parents. J'ai pris la plupart de ses responsabilités, je m'occupe de la famille de ma petite sœur, l'interroge sur ses études, écoute ce qu'il se passe dans sa vie.
Mais je suis une enfant, fine, une enfant toujours, devant ses parents. L'insouciance de l'enfance me manque, et je pense que cela me rend différente, une extra-terrestre pour les autres aussi. Je suis peut-être plus sensible et mature pour cette raison.
Cependant, cette différence m'effraie. La plupart du temps dans ma vie, je suis les autres. j'ai peur de prendre un chemin différent de celui qu'emprunte la plupart des gens, parce que c'est peut-être un mauvais choix. Je me sens appartenir à une minorité.
Mais en même temps, c'est ironique, je veux réussir ma vie, et c'est la minorité qui réussit dans la vie, or j'ai peur de cela.
J'ai peur du jugement des gens, j'attache de l'importance aux regard des autres. Je ne supporte pas quand les autres parlent de moi, qu'ils médisent. Bien sûr, je sais que l'on ne peut pas être aimé par tout le monde. Le savoir, ce n'est pas pareil que de l'accepter.
On peut choisir comment être différent par rapport aux autres. C'est absurde, mais en même temps, c'est faire le choix d'une différence par rapport aux autres, c'est choisir sa vie de la manière que l'on préfère.
J'ai rarement fait mes choix par moi-même et certains ont totalement changé ma vie.
Le premier a été de venir en France. J'ai dû changer complètement de camarades de collège. J'ai enfin rejoint mes parents qui étaient en France. A partir de là, j'ai commencé à prendre leur place, petit à petit, au fur et à mesure que j'apprenais le français, au fur et à mesure que je poursuivais mes études.
Comment cette situation a-t-elle été possible ?
En Chine, ma grand-mère s'occupait de moi. Je n'étais pas proche de mes grands-parents. J'ai toujours eu envie de les quitter. L'année où je suis venu en France, j'étais en 3ème en Chine, cette année-là, je subissais beaucoup de pression, le brevet était très important pour mon choix de lycée, et j'ai beaucoup pleuré pendant la nuit. Et ma grand-mère est morte justement cette année-là, juste deux semaines avant mon arrivée en France. J'ai envie de parler de ma grand-mère, mais je ne me souviens que de sa mort et de notre dernière dispute. Pourtant, j'ai pleuré comme une enfant de 3 ans lors de ses funérailles. Le lendemain, pour moi, ma grand-mère n'était pas morte, elle était toujours chez elle, c'est moi qui ne pouvait pas lui rendre visite.
Pour ma grand-mère, j'étais aussi une extra-terrestre, tout comme elle l'était pour moi. Elle est une extra-terrestre maintenant. Je ne sais pas comment les autres vivent leur douleur et acceptent la mort, moi, je fuis la douleur de la mort de ma grand-mère.
Revenons en France. Je suis partie en classe préparatoire. J'ai loué un logement et commencé ma vie d'étudiante. Comme tous les jeunes, au début, c'était la liberté. Mais le sentiment de liberté était bizarre. J'ai reçu beaucoup d'appels de ma mère, et j'ai accueilli ma sœur de temps en temps. Ma sœur est devenue la deuxième moi au bout d'un moment aussi. Elle se plaignait de sa fatigue et de la complexité de ma mère. Elle déprimait. J'ai remarqué les messages suicidaires dans son journal, je l'ai amenée chez le psychologue. Les choses ont changé.
J'ai finalement choisi de quitter la classe préparatoire pour revenir dans ma famille car je ne pouvais gérer l'équilibre familial. Je me sens mieux de faire ma vie, mes études tout en m'occupant de ma famille.
C'est ainsi que je suis devenue une extra-terrestre pour ma mère.
Ma mère ne parle pas français, et elle ne maîtrise pas les nouvelles technologies. Elle n'a jamais réussi à intégrer la France. Elle n'a jamais aimé la France. Mais c'est aussi les barrières langagières et son âge qui l'ont empêchée de progresser, peut-être. Je lui cherche toujours des excuses, pour essayer de comprendre ce qu'il se passe dans ma vie. Pour elle, moi, comme les nouvelles générations, nous sommes les extra-terrestres. Elle ne comprend pas notre manière de penser, mes études, mes goûts. La différence d'âge peut-être, le manque d'éducation peut-être. Le manque d'empathie peut-être
J'ai demandé à ma mère pourquoi j'étais différente des autres. Elle me répond, parce que tu es raisonnable, intelligente, je ne m'inquiète jamais pour toi. Tu n'es pas comme les autres enfants. Elle parle des voisins, des enfants de ses amis, bien sûr que je sais qu'elle me compare à eux, elle parle tout le temps des voisins et de ses amis, des intrigues.
Donc, je suis différente par rapport aux références de ma mère, je suis une fille relativement bonne pour elle. Une bonne fille mais, une extra-terrestre !
Je suis en effet, différente des autres enfants. J'ai pris la place de mes parents et eux m'ont volé ma place d'enfant. Je gère les dossiers : banque, impôts, toutes les tâches administratives de mes parents. J'ai pris la plupart de ses responsabilités, je m'occupe de la famille de ma petite sœur, l'interroge sur ses études, écoute ce qu'il se passe dans sa vie.
Mais je suis une enfant, fine, une enfant toujours, devant ses parents. L'insouciance de l'enfance me manque, et je pense que cela me rend différente, une extra-terrestre pour les autres aussi. Je suis peut-être plus sensible et mature pour cette raison.
Cependant, cette différence m'effraie. La plupart du temps dans ma vie, je suis les autres. j'ai peur de prendre un chemin différent de celui qu'emprunte la plupart des gens, parce que c'est peut-être un mauvais choix. Je me sens appartenir à une minorité.
Mais en même temps, c'est ironique, je veux réussir ma vie, et c'est la minorité qui réussit dans la vie, or j'ai peur de cela.
J'ai peur du jugement des gens, j'attache de l'importance aux regard des autres. Je ne supporte pas quand les autres parlent de moi, qu'ils médisent. Bien sûr, je sais que l'on ne peut pas être aimé par tout le monde. Le savoir, ce n'est pas pareil que de l'accepter.
On peut choisir comment être différent par rapport aux autres. C'est absurde, mais en même temps, c'est faire le choix d'une différence par rapport aux autres, c'est choisir sa vie de la manière que l'on préfère.
J'ai rarement fait mes choix par moi-même et certains ont totalement changé ma vie.
Le premier a été de venir en France. J'ai dû changer complètement de camarades de collège. J'ai enfin rejoint mes parents qui étaient en France. A partir de là, j'ai commencé à prendre leur place, petit à petit, au fur et à mesure que j'apprenais le français, au fur et à mesure que je poursuivais mes études.
Comment cette situation a-t-elle été possible ?
En Chine, ma grand-mère s'occupait de moi. Je n'étais pas proche de mes grands-parents. J'ai toujours eu envie de les quitter. L'année où je suis venu en France, j'étais en 3ème en Chine, cette année-là, je subissais beaucoup de pression, le brevet était très important pour mon choix de lycée, et j'ai beaucoup pleuré pendant la nuit. Et ma grand-mère est morte justement cette année-là, juste deux semaines avant mon arrivée en France. J'ai envie de parler de ma grand-mère, mais je ne me souviens que de sa mort et de notre dernière dispute. Pourtant, j'ai pleuré comme une enfant de 3 ans lors de ses funérailles. Le lendemain, pour moi, ma grand-mère n'était pas morte, elle était toujours chez elle, c'est moi qui ne pouvait pas lui rendre visite.
Pour ma grand-mère, j'étais aussi une extra-terrestre, tout comme elle l'était pour moi. Elle est une extra-terrestre maintenant. Je ne sais pas comment les autres vivent leur douleur et acceptent la mort, moi, je fuis la douleur de la mort de ma grand-mère.
Revenons en France. Je suis partie en classe préparatoire. J'ai loué un logement et commencé ma vie d'étudiante. Comme tous les jeunes, au début, c'était la liberté. Mais le sentiment de liberté était bizarre. J'ai reçu beaucoup d'appels de ma mère, et j'ai accueilli ma sœur de temps en temps. Ma sœur est devenue la deuxième moi au bout d'un moment aussi. Elle se plaignait de sa fatigue et de la complexité de ma mère. Elle déprimait. J'ai remarqué les messages suicidaires dans son journal, je l'ai amenée chez le psychologue. Les choses ont changé.
J'ai finalement choisi de quitter la classe préparatoire pour revenir dans ma famille car je ne pouvais gérer l'équilibre familial. Je me sens mieux de faire ma vie, mes études tout en m'occupant de ma famille.
C'est ainsi que je suis devenue une extra-terrestre pour ma mère.