L’enfant déchu

Moi je suis différent. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais un extra-terrestre. Toute ma vie je fus rejeté par mon entourage, les personnes autour de moi me détestent sauf ma mère qui ne comprend pas mon monde. Très chère maman, je voudrais tellement te dénoncer les vices de ce monde absurde et élitiste ne comprenant pas les personnes qui ne font pas partie du système. Cette société, depuis notre plus tendre enfance nous formate et impose une pression pour cette fameuse « réussite » qui ne se soldera que par un plus grand mal-être. Pourquoi lutter ? L'isolement social est mon seul réconfort à moi, rejeté d'une société qui me juge constamment. Tu ne comprendras jamais ma souffrance.
Depuis mon enfance, j'ai le sentiment de ne pas être comme les autres. J'ai l'impression de penser différemment, de ne pas être comme « eux ». Il fut un temps où je vivais ma vie normalement, sans douter du monde autour de moi, mais dorénavant, je ne sais plus ce que je suis, j'ai vraiment l'impression d'être malade psychologiquement. Je n'ai pas d'amis, seulement des connaissances. J'impose un mur entre leur pensée et moi et j'érige aussi une distanciation sociale pour me protéger car je sais ce que les gens pensent de moi. Je veux changer d'existence. En effet je ne parle à personne dans la vie réelle au contraire du monde virtuel et j'ai de plus en plus l'impression de ne pas être comme « eux ». Je me sens si étrange, je sais plus trop ce que je suis, Je doute de ma véritable identité. Je me contredis tout le temps depuis le début car je n'accepterai jamais le fait suivant « je veux être aimé et mener une vie heureuse ». Mais au fond de moi, je méritais tellement cette situation m'engouffrant dans les abysses du désespoir. Il fut un temps où j'avais l'impression d'être plus intelligent que les autres. Plus doué que les autres. Je me considérais meilleur que ces individus étant pourtant meilleur que moi humainement...J'arrivais même à croire que le monde était créé pour moi, comme si j'étais le personnage principal ayant une grande destinée... Mais la vérité, je la connais, je me suis créé une façade pour oublier que j'étais un garçon exclu, non désiré par la société. Plus j'ignorais l'évidence, plus je m'enfonçais dans les abimes les plus sombres de l'existence humaine contrairement au monde autour de moi. C'est comme si j'étais un extraterrestre....
Lorsque je pensais rencontrer mon âme sœur, ma maladresse, et mon inaptitude à vivre socialement ont fait en sorte que la vie nous sépara, pourtant elle me correspondait tellement. Á chaque fois que je pense à elle mon cœur se serre, empli d'une multitude d'émotions liées aux regrets. Après la fuite de nos désirs les plus profonds, seul le regret persiste en nous tuant à petit feu. Si je pouvais refaire ma vie, je ferais tout pour revoir ton sourire étincelant dissipant tous mes doutes, mon anxiété. Je changerais tout ce que j'ai fait et je te dirais au moment convoité « je t'aime » à toi, la femme qui a réchauffé mon cœur glacial et blessé.
Maman, tu fus la seule qui m'a aimé inconditionnellement sans attendre quelque chose en retour. Je sais que tu veux mon bien, mais excuse-moi, je ne pourrais jamais vivre une grande vie comme tu l'espérais. Après tout je suis qu'un misérable humain dont personne ne se soucie. Mais malgré tout cet amour que tu me donnes, je ne peux m'empêcher de penser que tu as joué un certain rôle dans ma chute. Depuis ma plus tendre enfance, tu m'as appris à être un esclave de la société en m'apprenant à me comporter selon les règles établies. Alors que j'étais gaucher, tu as forcé un petit enfant innocent à écrire de la main droite. Tu m'as forcé à être bon à l'école en me répétant sans cesse que c'était pour mon bien alors que tu n'as jamais fait attention à ce que je désirais réellement. Au nom de l'amour maternel, tu m'as surprotégé et ainsi je n'ai jamais pu atteindre ma maturité en tant qu'individu social. Tu m'as contraint à réaliser des choses que je n'ai pas voulues. Tu t'es projeté à travers moi, tu as voulu réaliser des choses que tu n'as pu réaliser. Tu as voulu que je m'inscrive au conservatoire de musique, que je fasse de l'art, que je pratique du tennis, des passions dont tu m'as tant parlé au fil de nos nombreuses discussions. Tu n'as jamais voulu savoir ce que j'aimais, ce que je convoitais, mes rêves ou mes aspirations. Je n'ai jamais pu te parler de la seule femme que je n'ai jamais aimée car tu ne me vois pas réellement car tu portes des œillères en te proclamant agir pour mon bien. Tu m'as privé de la composante la plus importante pour un être humain : « ma liberté » . En somme, tu m'as appris à être un animal de la société n'ayant pas de libre arbitre. J'ai seulement été une autre personne que moi-même. Aujourd'hui je ne suis devenu que le produit de cette société qui t'a tant conformé. Au plus profond de mon être, malgré tout l'amour que je te porte, un mur insondable nous séparera à jamais.
Oui, je suis différent, très différent des standards imposés par ce monde me résignant à accepter cette société humaine me condamnant à une seule chose : l'aliénation.