Elle courut, courut...courut aussi loin qu'elle put. Au fond d'elle, elle le savait : elle n'avait que peu de temps, il reviendrait... Elle traversa le sentier, trop peu éclairé malgré la nuit qui s'était invitée, et de ses mains grelottantes ouvrit le portail. Enfin ! Elle vit après de longs mois d'isolement les premières lueurs de la lune. La lune, cela faisait bien trop longtemps qu'elle n'avait pu l'observer. Elle fut un instant enivrée par cette fraîche brise qui venait la caresser. Mais il n'était pas encore temps de profiter. Elle dut se remettre à fuir, telle la faible proie qui essaye d'échapper à l'horrible prédateur. Son souffle était saccadé et ses jambes n'arrêtaient pas de s'entrechoquer : elle devait s'arrêter. Accompagnée de ses dernières forces, elle parcourut les immenses ruelles à la recherche d'un signe de vie, de quelqu'un qui puisse l'aider. Personne, rien : les ruelles étaient vides. Seuls les ombres venaient danser sur les murs.
À bout de souffle, elle vit sa dernière chance, sa seule échappatoire, le parc où ils s'étaient rencontrés. L'entrée du parc refléta la lumière émise par sa vieille connaissance, la lune. Trop fatiguée pour se questionner sur la sûreté de ce lieu, elle se dirigea vers celui-ci. Elle entra dans les magnifiques jardins, qu'elle avait tant de fois parcourus le sourire aux lèvres, et les observa. Encore une fois, personne, seuls les grands arbres aux ombres menaçantes furent témoins de son arrivée. Elle jeta un coup d'œil à l'entrée. Pour une fois, elle fut ravie de ne voir que les portes en métal, stoïques malgré le vent frais du printemps. Cependant elle le savait : elle n'était pas en lieu sûr, sa voix intérieure, son instinct, ne cessait de lui rappeler « Il est là, tout proche, fuis ! ». Plus lentement, elle reprit sa fuite. À coté des somptueuses fleurs qui malgré la noirceur de la nuit ne faisaient que rayonner, elle faisait peine à voir. Sa mine était d'un affreux teint blafard dont même la lune ne pouvait être tenue responsable. Cette dernière ne fit que mettre en évidence les étranges taches bleutées qui parsemaient son corps terrorisé. Ses bras étaient pris de spasmes inarrêtables, quant à ses jambes, recouvertes d'une simple robe blanche aux détails écarlates, elles usèrent du peu d'énergie qu'ils leur restait pour survivre à cette situation.
Alors que son esprit, tout embrumé par le mélange de stress et de fatigue, essayait de résister à l'envie de dormir, elle entendit quelque chose d'inespéré. Des gens ! Elle se cacha derrière l'un des immenses arbres qui entouraient le lieu et regarda. Un jeune couple, heureux, batifolant des premières joies que créait leur amour. Les deux personnes se promenaient, s'échangeaient des mots doux, rigolaient niaisement. Tout deux étaient loin de s'imaginer que quelqu'un les observait dans le noir le plus obscur. Elle observa, par jalousie ou par mélancolie, les deux amoureux : elle devait les interpeller, leur faire part de la situation. Tout était à portée de main, elle devait juste leur faire un signe. Son corps commença à trembler, non pas de peur mais de joie, elle pouvait enfin sortir de ce calvaire, enfin reprendre le cours normal de sa vie. Elle essaya de sortir de sa cachette, mais rien ne se fit. Son corps ne bougea pas, quant aux deux jeunes gens ils commencèrent à partir. Le stress revint et en dernier recours elle prit une grande respiration et cria de toutes ses forces. Néanmoins ses cordes vocales ne furent pas du même avis, un affreux soupir sortit de sa bouche. Affolée elle toucha son cou, du sang coula le long de ses bras. Comment faire ? Que devait-elle faire ? Elle entendit des bruits de pas s'approchant. L'avaient-ils entendue malgré son extinction de voix ? Était-ce enfin le jour de sa libération ? Une main, qui lui était bien trop familière, agrippa son bras ensanglanté. Le rire qu'émit la personne lui semblait monstrueux. Elle leva la tête, une larme longea sa joue, elle soupira. Sa seule amie, celle qui avait tant de fois essayé de l'aider, vint illuminer de ses doux reflets blancs son visage résolu.