Insomnie

Mon réveil affiche 2h43 du matin. Je ne dors toujours pas. Ce n'est pas faute d'avoir essayé. Simplement les insomnies me sont familières. Quoique, pour une fois je ne suis pas en train de dessiner ou de lire. J'écoute, simplement allongée sur mon lit, ce silence assourdissant qui emplit mon appartement : le léger vrombissement de ma machine à laver, celui plus rare des voitures dans la rue en contrebas, l'autre plus régulier de l'horloge du salon qui accompagné de celui de mon robinet qui goutte marque le tempo de cette musique nocturne. La lumière de la rue filtrant à travers mes volets forme un ballet sur le carrelage qui se reflète au plafond comme les néons d'une boite de nuit. Je plisse les yeux, laisse mon imagination divaguer et je les vois.
Les gens dansent sur une musique entrainante. Cet homme, là au milieu de la foule mouvante doit avoir la quarantaine, si ce n'est plus. Il doit fuir un foyer ennuyeux, une vie monocorde, quoiqu'aux vues de son état d'ivresse j'opterais plutôt pour une vie de famille trop mouvementée. Et là-bas, cette jeune fille qui doit tout juste avoir 20 ans est seule. Etrange à son âge, je me demande pourquoi ? Ces yeux brillants de larmes et le nombre de verres vides devant elle me soufflent alors la réponse : elle noie de vieux souvenirs douloureux, sûrement l'amour qui n'a pas su rester, qui est parti trop vite, trop brutalement, en détruisant tout sur son passage. Un homme l'accoste. Elle sèche ses larmes, lui offre un sourire séducteur et accepte une danse. Cet endroit a un effet étrange, chacun y va pour fuir ses problèmes mais une fois arrivé chacun fait comme si de rien n'était, comme si tout allait pour le mieux alors que tous fuient la même réalité. Il est plus facile de sourire que d'expliquer d'où nous viennent nos larmes. D'ailleurs là-bas un jeune garçon qui ne doit pas avoir l'âge de se trouver ici arrive et.... BIP BIP BIP
Je me réveille en sursaut. Mon réveil affiche 7h30. Et merde, je suis encore en retard. Je saute de mon lit, m'habille en vitesse et part au café où je travaille. Je mangerai là-bas. La patronne va encore râler mais moins que si j'arrive après l'ouverture. En chemin je croise un homme d'une quarantaine d'années qui emmène ses enfants surexcités à l'école. Ses yeux rougis traduisent une longue nuit de fête. Plus loin, cette fille un grand café à la main. Elle a les yeux bouffis de celle qui a pleuré toute la nuit mais son sourire et l'homme d'une vingtaine d'années qui l'accompagne indique le contraire. Je souris. La nuit est le théâtre de choses bien étranges. Certaines s'éteignent lorsque le soleil reparaît et d'autres durent toute une vie.
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