« Moi, je suis différente. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais une extra-terrestre. »
L'officier venait à peine d'entrer chez la psychologue avec Sasha qu'elle se mit à déclamer, telle une récitation ces quelques mots. Elle était pâle, le regard fouilleur et curieux, comme analysant tout ce qui était autour d'elle.
« Je vais vous laisser. » chuchota l'officier, avant de refermer cliniquement la porte derrière lui.
« Comment vas-tu ma puce ? Tu t'appelles Sacha c'est ça ? » demanda aussitôt Auréole.
« Oui, et lui c'est Christian, on est né le même jour. »
« Bonjour Christian, comment tu vas ? »
« Il est muet, mais moi je peux savoir ce qu'il pense. C'est parce que c'est mon autre moi ; comme on est né au même moment. C'est pour ça qu'on est venu ensemble, on ne se quitte jamais. »
« D'accord mon choux ! Asseyez-vous juste là mes bébés ! » répliqua la jeune femme, en montrant un canapé du doigt.
S'étant assise juste en face, elle baladait son regard de gauche à droite tout en prenant soin de sourire le plus naturellement possible. C'était la base de son métier : se familiariser avec son client et premièrement faire connaissance avec ce dernier.
« Moi c'est Auréole, on va juste discuter de quelques petits trucs, Sasha. Ça te va ? »
« Je n'ai pas le droit de discuter avec des personnes que je ne connais pas. Je ne dois pas continuer à vous parler. Vous ne m'aimez pas. »
« Pourquoi ? C'est maman qui l'a dit ? »
La jeune Sasha resta silencieuse, tout comme l'était Christian. Elle était légèrement tremblante, comme un enfant qui a fait une bêtise et qui n'attend plus qu'à être puni.
Se levant tout à coup du canapé, elle courut vers la porte :
« Je veux voir maman, je veux rentrer à la maison ! » s'écria-t-elle, agitée.
Auréole la suivit dans son mouvement en essayant tant bien que mal de la calmer.
« Viens te rasseoir ma chérie, je ne te veux aucun mal. On va juste discuter quelques minutes. T'inquiète c'est maman qui m'a demandé de te parler. »
« Maman dormait quand on nous a ramené ici »
« Oui, mais elle m'a téléphoné avant. Elle s'appelle Naomi n'est pas ? »
« Oui c'est vrai »
« Tu vois que je la connais ! Elle m'a dit beaucoup de chose sur toi. Viens alors t'asseoir ma chérie. »
« Elle t'a aussi parlé de Christian ? »
« Oui oui ma puce, elle m'a parlé de lui aussi. »
A ces mots qui la mettaient en confiance, Sasha baissa sa garde. Et une fois qu'elles furent à nouveau assises, Auréole proposa à la jeune fille un verre d'eau et des friandises, ce qu'elle déclina aussitôt, par un geste de la tête.
En psychologue aguerrie, Plutôt que de se laisser noyer dans la surprise, elle analysait minutieusement le comportement de cette jeune fille de onze ans en essayant de la comprendre. On lui avait fournie au préalable quelques informations sur cet enfant, mais il fallait la cerner le plus complètement possible. Elle décida donc de l'interroger à nouveau, au risque de quelques silences de la part de la jeune fille:
« C'est maman qui t'a dit que je te veux du mal ? »
« Non, mais elle a dit que personne ne peut me comprendre, parce que je ne suis pas comme les autres. Elle dit que je suis comme une extra-terrestres et que les gens, ils n'aiment pas les extra-terrestres. »
« Pourquoi est-ce que tu n'es pas comme les autres ? »
« C'est à cause de Christian »
« Explique-moi davantage ma chérie »
Et ce fut à nouveau un silence. Ce dernier était plus prolongé que le premier. A ce moment-là, seuls les regards parlaient et c'était dans celui de Sasha qu'Auréole essayait de puiser quelques informations qui pouvaient l'aider. Elle prêtait aussi fortement attention à ses gestes. Elle en avait bien besoin car à cet instant-là, elle n'avait pas de piste concrète.
Dans sa démarche, elle remarqua que Sasha portait un pull-over dont elle rabaissait la manche gauche à chaque fois que celle-ci se soulevait. Cependant bien qu'il faisait froid à l'extérieur, le chauffage de la pièce était en principe assez élevé pour donner l'envie d'ôter ce pull. C'était sûr, Auréole tenait une piste.
« Tu as chaud, ma puce ? » Demanda la psychologue.
« Oui ! »
« Enlève alors ton pull-over, tu te sentiras mieux !»
« Non non ça va aller. »
Les doutes d'Auréole se confirmaient. S'approchant de Sasha, elle réussit par la ruse à soulever la manche gauche de son vêtement et y découvrit une marque ; comme si elle avait été frappée à cet endroit.
« Qui t'a fait ça ? » demanda-t-elle aussitôt.
Une fois de plus, Sasha resta silencieuse.
« Tu peux me faire confiance, je suis là pour t'aider ma chérie. »
« C'est à cause de Christian, balbutia la petite fille. Maman n'aime pas quand je sors avec lui, ni que je parle de lui. »
« Et c'est pour ça que maman t'a frappé ? »
« Oui » répondit Sasha, hésitante. « Maman dit que personne ne doit savoir qu'il existe. Elle dit que c'est pour mon bien. »
« Et elle te frappe régulièrement pour ça ? »
« Oui mais c'est parce qu'elle m'aime et elle veut mon bien. Mais elle fait du mal à Christian. »
Sacha était si craintive dans ses paroles, elle semblait apeurée et parlait avec difficulté. Mais rassurée par la psychologue au ton maternel, elle lui faisait de plus en plus confiance et lui montrait les marques situées un peu partout sur son corps, des épaules jusqu'au bas ventre.
« Je comprends maintenant ! » s'extasia Auréole en elle-même. Ce qui avait jusqu'à lors échappé à sa compréhension était l'identité de ce Christian. Elle avait bien compris que ce n'était pas son frère jumeau car il n'y avait personne à côté de Sacha depuis le début de la conversation. Même sa thèse de personnage imaginaire ne correspondait plus vraiment.
« C'est parce que maman fait du mal à Christian que tu as aussi fait du mal à maman ? » demanda elle, ultimement.
Sacha, coupable, hocha lentement la tête et chuchota :
« Elle n'a jamais voulu de lui. Elle aurait préféré qu'il n'existe pas. Et pourtant je préfère Christian. »
« Par rapport à Sasha ? »
L'enfant hocha à nouveau la tête. Tout était clair à présent. Auréole conversa encore avec Sasha jusqu'à l'arrivé de l'officier. Dès qu'elle lui eut ouvrit la porte, sa question ne se fit pas attendre :
« Avez-vous pu déterminer pourquoi cette fillette a assassiné sa mère ? »
« Cette fillette ? » rigola son interlocutrice « ce n'est que pour sa mère qu'il était une fille, et pour ceux qui s'en tiennent à l'allure de son visage ; cependant il a toujours été un garçon de sexe et d'esprit. Vous pourrez vérifier par vous-même. »
« Je crois que je ne vous comprends pas bien » répliqua L'officier, perplexe.
« Il est atteint d'une sorte de dysphorie du genre, vous aurez tous les détails dans mon rapport. Et si vous voulez une réponse a votre question, ce n'était que de la légitime défense. Cet enfant ne doit en aucun cas être condamné ; Et je m'assurerais moi-même qu'il soit affecté dans une famille où on ne le forcera pas à être ce qu'il n'a jamais été. »
« Allez viens Christian ! » rajouta la psychologue.
Puis ayant pris le petit par la main, Auréole tourna son visage vers lui ; elle obtint en réponse le sourire inestimable d'un enfant heureux.
L'officier venait à peine d'entrer chez la psychologue avec Sasha qu'elle se mit à déclamer, telle une récitation ces quelques mots. Elle était pâle, le regard fouilleur et curieux, comme analysant tout ce qui était autour d'elle.
« Je vais vous laisser. » chuchota l'officier, avant de refermer cliniquement la porte derrière lui.
« Comment vas-tu ma puce ? Tu t'appelles Sacha c'est ça ? » demanda aussitôt Auréole.
« Oui, et lui c'est Christian, on est né le même jour. »
« Bonjour Christian, comment tu vas ? »
« Il est muet, mais moi je peux savoir ce qu'il pense. C'est parce que c'est mon autre moi ; comme on est né au même moment. C'est pour ça qu'on est venu ensemble, on ne se quitte jamais. »
« D'accord mon choux ! Asseyez-vous juste là mes bébés ! » répliqua la jeune femme, en montrant un canapé du doigt.
S'étant assise juste en face, elle baladait son regard de gauche à droite tout en prenant soin de sourire le plus naturellement possible. C'était la base de son métier : se familiariser avec son client et premièrement faire connaissance avec ce dernier.
« Moi c'est Auréole, on va juste discuter de quelques petits trucs, Sasha. Ça te va ? »
« Je n'ai pas le droit de discuter avec des personnes que je ne connais pas. Je ne dois pas continuer à vous parler. Vous ne m'aimez pas. »
« Pourquoi ? C'est maman qui l'a dit ? »
La jeune Sasha resta silencieuse, tout comme l'était Christian. Elle était légèrement tremblante, comme un enfant qui a fait une bêtise et qui n'attend plus qu'à être puni.
Se levant tout à coup du canapé, elle courut vers la porte :
« Je veux voir maman, je veux rentrer à la maison ! » s'écria-t-elle, agitée.
Auréole la suivit dans son mouvement en essayant tant bien que mal de la calmer.
« Viens te rasseoir ma chérie, je ne te veux aucun mal. On va juste discuter quelques minutes. T'inquiète c'est maman qui m'a demandé de te parler. »
« Maman dormait quand on nous a ramené ici »
« Oui, mais elle m'a téléphoné avant. Elle s'appelle Naomi n'est pas ? »
« Oui c'est vrai »
« Tu vois que je la connais ! Elle m'a dit beaucoup de chose sur toi. Viens alors t'asseoir ma chérie. »
« Elle t'a aussi parlé de Christian ? »
« Oui oui ma puce, elle m'a parlé de lui aussi. »
A ces mots qui la mettaient en confiance, Sasha baissa sa garde. Et une fois qu'elles furent à nouveau assises, Auréole proposa à la jeune fille un verre d'eau et des friandises, ce qu'elle déclina aussitôt, par un geste de la tête.
En psychologue aguerrie, Plutôt que de se laisser noyer dans la surprise, elle analysait minutieusement le comportement de cette jeune fille de onze ans en essayant de la comprendre. On lui avait fournie au préalable quelques informations sur cet enfant, mais il fallait la cerner le plus complètement possible. Elle décida donc de l'interroger à nouveau, au risque de quelques silences de la part de la jeune fille:
« C'est maman qui t'a dit que je te veux du mal ? »
« Non, mais elle a dit que personne ne peut me comprendre, parce que je ne suis pas comme les autres. Elle dit que je suis comme une extra-terrestres et que les gens, ils n'aiment pas les extra-terrestres. »
« Pourquoi est-ce que tu n'es pas comme les autres ? »
« C'est à cause de Christian »
« Explique-moi davantage ma chérie »
Et ce fut à nouveau un silence. Ce dernier était plus prolongé que le premier. A ce moment-là, seuls les regards parlaient et c'était dans celui de Sasha qu'Auréole essayait de puiser quelques informations qui pouvaient l'aider. Elle prêtait aussi fortement attention à ses gestes. Elle en avait bien besoin car à cet instant-là, elle n'avait pas de piste concrète.
Dans sa démarche, elle remarqua que Sasha portait un pull-over dont elle rabaissait la manche gauche à chaque fois que celle-ci se soulevait. Cependant bien qu'il faisait froid à l'extérieur, le chauffage de la pièce était en principe assez élevé pour donner l'envie d'ôter ce pull. C'était sûr, Auréole tenait une piste.
« Tu as chaud, ma puce ? » Demanda la psychologue.
« Oui ! »
« Enlève alors ton pull-over, tu te sentiras mieux !»
« Non non ça va aller. »
Les doutes d'Auréole se confirmaient. S'approchant de Sasha, elle réussit par la ruse à soulever la manche gauche de son vêtement et y découvrit une marque ; comme si elle avait été frappée à cet endroit.
« Qui t'a fait ça ? » demanda-t-elle aussitôt.
Une fois de plus, Sasha resta silencieuse.
« Tu peux me faire confiance, je suis là pour t'aider ma chérie. »
« C'est à cause de Christian, balbutia la petite fille. Maman n'aime pas quand je sors avec lui, ni que je parle de lui. »
« Et c'est pour ça que maman t'a frappé ? »
« Oui » répondit Sasha, hésitante. « Maman dit que personne ne doit savoir qu'il existe. Elle dit que c'est pour mon bien. »
« Et elle te frappe régulièrement pour ça ? »
« Oui mais c'est parce qu'elle m'aime et elle veut mon bien. Mais elle fait du mal à Christian. »
Sacha était si craintive dans ses paroles, elle semblait apeurée et parlait avec difficulté. Mais rassurée par la psychologue au ton maternel, elle lui faisait de plus en plus confiance et lui montrait les marques situées un peu partout sur son corps, des épaules jusqu'au bas ventre.
« Je comprends maintenant ! » s'extasia Auréole en elle-même. Ce qui avait jusqu'à lors échappé à sa compréhension était l'identité de ce Christian. Elle avait bien compris que ce n'était pas son frère jumeau car il n'y avait personne à côté de Sacha depuis le début de la conversation. Même sa thèse de personnage imaginaire ne correspondait plus vraiment.
« C'est parce que maman fait du mal à Christian que tu as aussi fait du mal à maman ? » demanda elle, ultimement.
Sacha, coupable, hocha lentement la tête et chuchota :
« Elle n'a jamais voulu de lui. Elle aurait préféré qu'il n'existe pas. Et pourtant je préfère Christian. »
« Par rapport à Sasha ? »
L'enfant hocha à nouveau la tête. Tout était clair à présent. Auréole conversa encore avec Sasha jusqu'à l'arrivé de l'officier. Dès qu'elle lui eut ouvrit la porte, sa question ne se fit pas attendre :
« Avez-vous pu déterminer pourquoi cette fillette a assassiné sa mère ? »
« Cette fillette ? » rigola son interlocutrice « ce n'est que pour sa mère qu'il était une fille, et pour ceux qui s'en tiennent à l'allure de son visage ; cependant il a toujours été un garçon de sexe et d'esprit. Vous pourrez vérifier par vous-même. »
« Je crois que je ne vous comprends pas bien » répliqua L'officier, perplexe.
« Il est atteint d'une sorte de dysphorie du genre, vous aurez tous les détails dans mon rapport. Et si vous voulez une réponse a votre question, ce n'était que de la légitime défense. Cet enfant ne doit en aucun cas être condamné ; Et je m'assurerais moi-même qu'il soit affecté dans une famille où on ne le forcera pas à être ce qu'il n'a jamais été. »
« Allez viens Christian ! » rajouta la psychologue.
Puis ayant pris le petit par la main, Auréole tourna son visage vers lui ; elle obtint en réponse le sourire inestimable d'un enfant heureux.