Moi je suis différente. Je l'ai toujours été. Pour ma mère c'est comme si j'étais une extra-terrestre. Voilà les premiers mots de la sublime créature qui partageait mon siège depuis cinq heures de voyage.
Il devait être vingt-deux heures et quart lorsque nous franchîmes le dernier contrôle mixte juste au seuil de la ville de Garoua, la capitale de la région du Nord-Cameroun.
-Excuse-moi Mariam ! J'écorchai expressément son nom. J'avais bien lu sur sa carte qu'elle tenait tel un trophée de ses mains moites : Myriam Ibba née le 18 janvier 1994 à Mora.
-C'est Myriam ! dit-elle sans façon.
-D'accord Myriam ! Tu ne m'as pas répondu tout à l'heure, sur ta destination.
Prenant tout son temps.
- Ah ! Mon voyage est loin d'être terminé. Je vais à Maroua.
-vraiment ? Es-tu sûre de rattraper le dernier bus à destination de Maroua ? questionnai-je avec intérêt.
-J'espère.
La voiture rentra en gare. Nous descendîmes. Je vis Myriam se hâter pour aller s'enquérir du départ pour Maroua. Je restai là. Prostré. Elle y mit du temps. J'allai la chercher. Elle était assise sur les sièges d'attente. Le regard fugace. Je l'approchai et la suppliai presque de venir avec moi. Elle accepta. Enfin !
Joni mon cousin nous accueillit dans sa chambre avant de rejoindre son ami mécanicien. Je me proposai de dormir au sol sur le tapis. Mon étrangère devant prendre le lit. Mais contre toute attente Myriam rejeta mon idée. Elle voulut dormir au sol et me laisser le lit. Ces échanges de gentillesse durèrent un moment. Et puis nous tombâmes d'accord d'abandonner le sol et de partager le lit. Le même lit ! Soudain j'eus peur. Elle dut sentir ma peine. Elle m'appela. Je feignais de dormir. Elle me toucha de sa douce main. Je réagis alors croyant saisir son signal libidineux.
- Omar, je sais que tu es quelqu'un de bien. C'est pour ça que j'ai accepté de te suivre jusqu'ici. Et tu m'as offert un toit je t'en serai infiniment reconnaissante. Mais sache que je ne suis pas une bonne femme Omar.
Sur ces mots j'ai voulu l'arrêter pour qu'elle ne se juge pas vite. Après tout on ne se connaissait pas. Elle n'avait pas besoin de se morfondre. Toute mon énergie sexuelle se dissipa comme par enchantement. Elle s'obstina :
-J'ai à peine vingt ans et j'ai été déjà mariée trois fois. Quand j'ai eu mes treize ans mes parents m'ont envoyée en mariage chez un riche commerçant. Ce dernier avait l'âge de mon père et comptait sous son toit trois autres femmes. Ousmane comme il s'appelait ne supporta pas longtemps mes caprices d'enfant en pleine crise d'adolescence. Ma première grossesse se solda par une fausse couche. Il finit par me répudier alors que je venais d'avoir mes quinze ans. Mes parents se sentirent déshonorer. J'étais en proie à leurs insultes. Ne pouvant plus je quittai la maison paternelle pour rejoindre un berger nigérien qui s'était reconverti à l'élevage du gros bétail. Il s'était établi avec ses deux femmes à Maroua. Une nigérienne et une nigériane. Au début tout était paisible. Quelques temps après, les jours commencèrent à devenir difficiles. Ses activités connurent une période de vaches maigres et puis un jour je ne revis plus notre mari. La nigérienne et moi, étions restées, seules. En désarroi. Ma coépouse avait trois enfants, le dernier devait avoir trois ans. Moi j'étais enceinte de six mois. Notre Mari s'en alla avec la nigériane et ses deux fillettes dans le sud du Nigéria à la frontière du Cameroun. A terme, je retournai à la maison rejoindre ma mère. Mon père lui, partit à la Mecque ne revint plus. C'est après qu'on apprit qu'il était mort dans les bousculades. Comme je me vendais aux hommes la nuit pour avoir de quoi nourrir ma fille, j'y ai rencontré Djalal mon dernier mari. Il fréquentait régulièrement les maisons closes. Un jour il décida de me ramener chez lui. Après il m'emmena à Ngaoundéré. Oumou ma fille resta avec sa grand-mère. Djalal est chauffeur de taxi en journée et la nuit j'ignorais ce qu'il faisait. Mais il y a deux jours j'ai découvert qu'il trafiquait des ossements humains.
Je restai pantois. Elle s'arrêta et me dit.
-Nous devons dormir un peu. A quatre heures du matin nous serons de nouveau réveillés pour la prière.
C'était la période de Ramadan. Myriam me prenait pour un musulman à cause de mon nom. Alors qu'Omar n'était que le diminutif d'Omaric. Elle soupira, se leva et demanda à aller aux toilettes. Je l'accompagnai malgré moi. Les toilettes étaient à l'extérieur de la chambre. Elle revint, s'assit au bord du lit près de moi. Soudain elle se mit à pleurer comme si elle s'était rappelé un mauvais souvenir. Je voyais des larmes perlaient sur ses belles joues scarifiées. Je me levai brusquement et commençai à la calmer. Elle arrêta de pleurer, je m'allongeai et lui demandai de poser sa tête sur ma poitrine. Je l'étreignis fort contre moi comme pour l'aider à dissiper ses sentiments violents. Quand elle fut dans les bras de Morphée, je libérai mes pectoraux, doucement. J'observai son joli corps couvert de pagne. Sur l'étoffe était marqué en écriture d'imprimerie : Femme, mère de l'humanité. J'observai cette beauté violentée et violée par la société. Sa société, avec ses règles et coutumes hypocrites. Je me tournai. Avec pitié. Et m'efforçai de dormir. En vain !
A l'aurore, le muezzin déchira le voile encore obscur de la nuit. Myriam déjà debout s'apprêtait à faire sa prière. Je me levai lourdement et allai lui trouver un peu d'eau pour ses ablutions. Quand elle me demanda si je ne priais pas pour entamer le jeûne, je lui mentis. J'inventai une raison pour passer rapidement sur le sujet. Après une demi-heure, je l'accompagnai chercher une voiture pour Maroua. A l'agence, le premier départ était programmé à six heures. Nous dûmes attendre un peu. Je voulus lui dire quelque chose. Mais l'appel des passagers pour l'embarquement commença. A la vérité je ne savais quoi lui dire. Elle s'en allait. Et revint aussitôt presqu'en courant me demandant de prendre un numéro qui devait-être celui de sa mère. Je pris le numéro sur un tesson de papier. Elle entra dans la voiture. Je faillis écraser une larme. Je me retins et la voiture se déroba de ma vue. Je regardai le numéro écrit sur le papier. Je remarquai qu'il manquait un chiffre. Consterné, je retournai à la maison, rapidement pour aller assister à la dernière étape de recrutement à la gendarmerie.
Deux mois après, je fus admis. J'oubliai Myriam après avoir raconté abondamment son histoire à mes amis.
Ma formation dura deux ans environ. A la sortie, je fus envoyé en complément d'effectif à Maroua au moment où la crise sécuritaire due à la secte terroriste Boko haram était à son comble. J'étais en poste à la 5ème légion de gendarmerie.
Un samedi soir alors que j'étais en détachement avec un collègue de service au niveau de l'avenue des banques, nous entendîmes des détonations. Nous intervînmes aussitôt. Il y'avait plusieurs victimes gisant au sol. L'enquête ouverte sur le champ permit de savoir qu'il s'agissait d'un attentat suicide. Le corps du suicidé cintré d'explosifs fut identifié parmi ses victimes.
-Il s'agit d'une jeune femme, la nommée Mariam...Non pardon !
Le commandant réajusta ses lunettes. Et poursuivit.
-Je disais que la suicidée s'appelle Myriam Ibba.
Le PV s'échappa de mes mains. Je le ramassai d'un geste furtif pour cacher mon trouble. Son image éplorée me revint dans toute sa beauté bue. Quand je pris la pièce des mains de mon supérieur, je réussis à lire la suite sauf le lieu de naissance qui avait perdu deux lettres. Il était clairement marqué en écriture cendre : Myriam Ibba née le 18 janvier 1994 à Mo... la suite était carbonisée.
Quand je suis rentré, je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. Je la revoyais encore au bord de ce lit à Garoua, pleurant. Ses premiers mots me revinrent telle une réminiscence cathartique. Je n'ai pas su qu'elle fuyait une mort pour une autre. Un moment, j'ai eu envie de retrouver les parents de Myriam et ses maris successifs pour leur dire qu'ils ont fabriqué une bombe humaine.
Il devait être vingt-deux heures et quart lorsque nous franchîmes le dernier contrôle mixte juste au seuil de la ville de Garoua, la capitale de la région du Nord-Cameroun.
-Excuse-moi Mariam ! J'écorchai expressément son nom. J'avais bien lu sur sa carte qu'elle tenait tel un trophée de ses mains moites : Myriam Ibba née le 18 janvier 1994 à Mora.
-C'est Myriam ! dit-elle sans façon.
-D'accord Myriam ! Tu ne m'as pas répondu tout à l'heure, sur ta destination.
Prenant tout son temps.
- Ah ! Mon voyage est loin d'être terminé. Je vais à Maroua.
-vraiment ? Es-tu sûre de rattraper le dernier bus à destination de Maroua ? questionnai-je avec intérêt.
-J'espère.
La voiture rentra en gare. Nous descendîmes. Je vis Myriam se hâter pour aller s'enquérir du départ pour Maroua. Je restai là. Prostré. Elle y mit du temps. J'allai la chercher. Elle était assise sur les sièges d'attente. Le regard fugace. Je l'approchai et la suppliai presque de venir avec moi. Elle accepta. Enfin !
Joni mon cousin nous accueillit dans sa chambre avant de rejoindre son ami mécanicien. Je me proposai de dormir au sol sur le tapis. Mon étrangère devant prendre le lit. Mais contre toute attente Myriam rejeta mon idée. Elle voulut dormir au sol et me laisser le lit. Ces échanges de gentillesse durèrent un moment. Et puis nous tombâmes d'accord d'abandonner le sol et de partager le lit. Le même lit ! Soudain j'eus peur. Elle dut sentir ma peine. Elle m'appela. Je feignais de dormir. Elle me toucha de sa douce main. Je réagis alors croyant saisir son signal libidineux.
- Omar, je sais que tu es quelqu'un de bien. C'est pour ça que j'ai accepté de te suivre jusqu'ici. Et tu m'as offert un toit je t'en serai infiniment reconnaissante. Mais sache que je ne suis pas une bonne femme Omar.
Sur ces mots j'ai voulu l'arrêter pour qu'elle ne se juge pas vite. Après tout on ne se connaissait pas. Elle n'avait pas besoin de se morfondre. Toute mon énergie sexuelle se dissipa comme par enchantement. Elle s'obstina :
-J'ai à peine vingt ans et j'ai été déjà mariée trois fois. Quand j'ai eu mes treize ans mes parents m'ont envoyée en mariage chez un riche commerçant. Ce dernier avait l'âge de mon père et comptait sous son toit trois autres femmes. Ousmane comme il s'appelait ne supporta pas longtemps mes caprices d'enfant en pleine crise d'adolescence. Ma première grossesse se solda par une fausse couche. Il finit par me répudier alors que je venais d'avoir mes quinze ans. Mes parents se sentirent déshonorer. J'étais en proie à leurs insultes. Ne pouvant plus je quittai la maison paternelle pour rejoindre un berger nigérien qui s'était reconverti à l'élevage du gros bétail. Il s'était établi avec ses deux femmes à Maroua. Une nigérienne et une nigériane. Au début tout était paisible. Quelques temps après, les jours commencèrent à devenir difficiles. Ses activités connurent une période de vaches maigres et puis un jour je ne revis plus notre mari. La nigérienne et moi, étions restées, seules. En désarroi. Ma coépouse avait trois enfants, le dernier devait avoir trois ans. Moi j'étais enceinte de six mois. Notre Mari s'en alla avec la nigériane et ses deux fillettes dans le sud du Nigéria à la frontière du Cameroun. A terme, je retournai à la maison rejoindre ma mère. Mon père lui, partit à la Mecque ne revint plus. C'est après qu'on apprit qu'il était mort dans les bousculades. Comme je me vendais aux hommes la nuit pour avoir de quoi nourrir ma fille, j'y ai rencontré Djalal mon dernier mari. Il fréquentait régulièrement les maisons closes. Un jour il décida de me ramener chez lui. Après il m'emmena à Ngaoundéré. Oumou ma fille resta avec sa grand-mère. Djalal est chauffeur de taxi en journée et la nuit j'ignorais ce qu'il faisait. Mais il y a deux jours j'ai découvert qu'il trafiquait des ossements humains.
Je restai pantois. Elle s'arrêta et me dit.
-Nous devons dormir un peu. A quatre heures du matin nous serons de nouveau réveillés pour la prière.
C'était la période de Ramadan. Myriam me prenait pour un musulman à cause de mon nom. Alors qu'Omar n'était que le diminutif d'Omaric. Elle soupira, se leva et demanda à aller aux toilettes. Je l'accompagnai malgré moi. Les toilettes étaient à l'extérieur de la chambre. Elle revint, s'assit au bord du lit près de moi. Soudain elle se mit à pleurer comme si elle s'était rappelé un mauvais souvenir. Je voyais des larmes perlaient sur ses belles joues scarifiées. Je me levai brusquement et commençai à la calmer. Elle arrêta de pleurer, je m'allongeai et lui demandai de poser sa tête sur ma poitrine. Je l'étreignis fort contre moi comme pour l'aider à dissiper ses sentiments violents. Quand elle fut dans les bras de Morphée, je libérai mes pectoraux, doucement. J'observai son joli corps couvert de pagne. Sur l'étoffe était marqué en écriture d'imprimerie : Femme, mère de l'humanité. J'observai cette beauté violentée et violée par la société. Sa société, avec ses règles et coutumes hypocrites. Je me tournai. Avec pitié. Et m'efforçai de dormir. En vain !
A l'aurore, le muezzin déchira le voile encore obscur de la nuit. Myriam déjà debout s'apprêtait à faire sa prière. Je me levai lourdement et allai lui trouver un peu d'eau pour ses ablutions. Quand elle me demanda si je ne priais pas pour entamer le jeûne, je lui mentis. J'inventai une raison pour passer rapidement sur le sujet. Après une demi-heure, je l'accompagnai chercher une voiture pour Maroua. A l'agence, le premier départ était programmé à six heures. Nous dûmes attendre un peu. Je voulus lui dire quelque chose. Mais l'appel des passagers pour l'embarquement commença. A la vérité je ne savais quoi lui dire. Elle s'en allait. Et revint aussitôt presqu'en courant me demandant de prendre un numéro qui devait-être celui de sa mère. Je pris le numéro sur un tesson de papier. Elle entra dans la voiture. Je faillis écraser une larme. Je me retins et la voiture se déroba de ma vue. Je regardai le numéro écrit sur le papier. Je remarquai qu'il manquait un chiffre. Consterné, je retournai à la maison, rapidement pour aller assister à la dernière étape de recrutement à la gendarmerie.
Deux mois après, je fus admis. J'oubliai Myriam après avoir raconté abondamment son histoire à mes amis.
Ma formation dura deux ans environ. A la sortie, je fus envoyé en complément d'effectif à Maroua au moment où la crise sécuritaire due à la secte terroriste Boko haram était à son comble. J'étais en poste à la 5ème légion de gendarmerie.
Un samedi soir alors que j'étais en détachement avec un collègue de service au niveau de l'avenue des banques, nous entendîmes des détonations. Nous intervînmes aussitôt. Il y'avait plusieurs victimes gisant au sol. L'enquête ouverte sur le champ permit de savoir qu'il s'agissait d'un attentat suicide. Le corps du suicidé cintré d'explosifs fut identifié parmi ses victimes.
-Il s'agit d'une jeune femme, la nommée Mariam...Non pardon !
Le commandant réajusta ses lunettes. Et poursuivit.
-Je disais que la suicidée s'appelle Myriam Ibba.
Le PV s'échappa de mes mains. Je le ramassai d'un geste furtif pour cacher mon trouble. Son image éplorée me revint dans toute sa beauté bue. Quand je pris la pièce des mains de mon supérieur, je réussis à lire la suite sauf le lieu de naissance qui avait perdu deux lettres. Il était clairement marqué en écriture cendre : Myriam Ibba née le 18 janvier 1994 à Mo... la suite était carbonisée.
Quand je suis rentré, je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. Je la revoyais encore au bord de ce lit à Garoua, pleurant. Ses premiers mots me revinrent telle une réminiscence cathartique. Je n'ai pas su qu'elle fuyait une mort pour une autre. Un moment, j'ai eu envie de retrouver les parents de Myriam et ses maris successifs pour leur dire qu'ils ont fabriqué une bombe humaine.