Hallucinations précoces

Moi je suis différente. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais une extra-terrestre. Pas seulement pour ma mère, lui aussi, il ne me voit pas, ne me parle jamais comme si je n'existe plus. Aujourd'hui il est différent en me regardant directement dans les yeux il m'a adressé un "bonjour" timide et bref quand je l'accueillais ce matin comme d'habitude à la porte de notre maison, à force de la surprise j'ai laissé la porte ouverte pendant toute la matinée. À l'école je suis discrète on m'appelle "chouette blanche", les professeurs pensent que j'ai des "problèmes" et ils ont planté cette idée dans le cerveau de ma mère aussi, elle, une veuve qui travaille tout le temps pour oublier son malheur, n'a pas le temps de réfléchir sur sa fille, est-elle normale ? Un jour, le voisin apparait encore une fois, il était aussi différent que moi, aussi discret, aussi disparu. Il m'a regardé pour un bon moment comme s'il était en train de chercher quelque chose dans mes traits.

J'ai dit "bonjour" en essayant d'apparaitre le plus polit que possible, mais lui en ne me donnant aucune réponse il tourne le dos et part, laissant derrière lui une fille de 12 ans déçue et chagrinée. J'ai porté pour quelques jours une haine contre notre voisin que je saurais par la suite qu'il s'appelle Gabrielle il avait 50 ans et n'a pas de famille vivant seul dans un appartement à Casablanca dans un quartier de pauvres espérant que sa vie s'achève par elle-même sans qu'il ait besoin d'intervenir. Cette homme était vraiment un objet d'obsession pour moi, je préférais lui appeler "Gab", au lieu de passer mon temps comme les autres à jouer et trainer dans les différents coins de notre quartier je passe tous les après-midi après l'école à l'observer depuis notre fenêtre j'étais folle, j'étais curieuse à la folie mais je voulais coute que coute moi-même qui tremblait dans la solitude et l'obscurité savoir qu'est ce qui peut mener l'homme à détester sa vie qu'est ce qui peut priver l'homme de sa grande volonté de survivre.

Jour après jour et moi je suis dans mon observation intensive de mon voisin mystérieux. Il était calme comme un cadavre il dort où il veut dans sa maison dans n'importe quelle position debout, assis ou même en train de manger, il prenait un repas par jour, ce qui lui suffit pour maintenir envie, n'avait pas de télévision ni de téléphone pas de livre ou de journal aucun moyen de divertissement dormant toute la journée , chaque soir à 22 h il part et ne revient qu'à 06 h du matin, le meuble est fermée alors il a besoin d'un volontaire qui descend pour lui ouvrir la porte , c'était moi ce volontaire puisque personne ne le connait ou ne lui aime suffisamment pas pour se lever de son lit pour lui. Quand il rentre chez lui il dort immédiatement.

Les jours se suivent et moi j'ai une flamme en moi qui me permet pas de vivre en paix si je ne découvrirai pas le secret derrière cette personne, qui mène une vie sans vivre, une vie morte, une vie où il n'y a plus de rêves plus de demain ou d'hier juste un seul jour qui se répète, j'ai voulu lui parler lui poser de nombreuses questions mais je n'ai pas pu j'ai pensé que c'est parce que je suis sans ami , sans frère ou sœur et ne portant aucun intérêt à la vie social, j'éprouve cette obsession par notre voisin juste pour le seul but de combler ce vide, mais parfois encore je sens comme si c'est mon devoir de chercher la vérité de "Gab", c'est comme si en résolvant son mystère je pourrai résoudre le mien aussi, il y avait un peu d'espoir derrière cette histoire il y avait un peu de lumière que je vois derrière la pièce sombre où "Gab" demeure. Alors une idée folle a sauté dans ma tête c'était irraisonnable mais je croyais qu'il vaut le coup, j'ai besoin de savoir où Gab passe-t-il ces soirées ? avec ma mère à la maison c'était impossible, elle ne me laissera jamais passer la nuit dehors surtout qu'elle est convaincue que je suis une fille atypique qu'on peut attendre tous d'elle. Parfois, j'ai l'impression que ma mère ne me connait pas, qu'elle n'arrive pas encore à me comprendre et à me connaitre, peut-être elle n'a jamais essayé, peut-être elle ne veut même pas essayer.

Un Lundi du mois d'Avril Maman m'a laissé seul à la maison pour aller voir une amie qui était "désespéramment en besoin d'aide , c'était une urgence" , il m'avait expliqué, maman m'a demandé pardon avant de sortir , c'est bizarre, puisque maman ne sait pas que j ‘était tout le temps seule et non pas seulement à la maison mais partout, avec et sans sa présence, en tout cas je n'avais pas besoin de la présence de quiconque pour survivre ce que dont j'avais besoin c'était de savoir et de connaitre qui suis-je et qui sont les autres ?

J'ai décidé d'exécuter mon plan, je vais suivre cet homme, n'importe où il part cette nuit, quand j'ai franchi le seuil de la porte j'avais aucun sentiment de regret ou de peur j'avais un courage inattendu, parfois je crois que je suis plus la même personne, parfois je me surprends, je me dépasse. "Gab" sort comme d'habitude, il marche lentement la tête basse comme s'il plonge dans un autre monde. Des fois il accélère comme s'il cherche à fuir de ces idées, il était un homme captif dans un monde indifférent qui l'a oublié, lui-même il a éradiqué de sa mémoire tout ce qu'il a vécu et ce qu'il voulait vivre, il s'est permet de s'oublier devant les ouragans massifs que sa vie a provoqués. J'étais derrière lui tout le temps, en train d'errer dans toute la ville. J'étais perplexe, il ne se dirige nulle part tous ce qu'il fait c'est promener toute la nuit d'un quartier à l'autre.

Quand il a commencé à devenir tard j'avais peur c'est presque minuit et je suis seule dans la rue suivant un homme que je ne connais pas, mon courage m'a trahi en ce moment-là. Surtout quand un homme suspicieux a commencé de me suivre à son tour, c'était une scène épouvantable et inintentionnellement j'ai poussé un cri en tremblant du moment où l'homme m'a approché. Là, le voisin s'est retiré de ses réflexions profondes pour se retourner en m'entendant crier son nom. En me voyant dans cet état il m'a reconnu, je lui supplié secrètement de faire quelque chose spécialement lorsque mon cri n'avait aucun effet sur l'homme qui me suive. Après un moment d'hésitation, Gab courrait vers moi.

Gab n'a rien compris, pourquoi je suis là à cette heure ? Et pourquoi ? Comment connais-je son prénom ? Pour une raison que j'ignore j'ai commencé à pleurer, peut-être parce que tous ce que dont j'avais planifié depuis des mois avait effondré devant mes yeux. J'ai cru qu'il y avait un grand secret derrière son comportement, j'ai même imaginé les places où il est susceptible de venir et que je fais du bien en essayant de fixer sa vie. J'avais tort et j'ai senti la plus grande honte de ma vie. Gabrielle n'était qu'un écrivain qui prépare un roman sur la vie à Casablanca, les promenades la nuit les aident à se familiariser avec la ville et trouver de l'inspiration. Il ne m'a pas caché sa stupéfaction et son sourire quand je lui ai raconté que je croyais qu'on est semblables tous les deux dans notre solitude et notre caractère inhabituel, je pense qu'il n'était pas d'accord avec moi.

Gabrielle m'a accompagné chez moi, heureusement maman n'était pas encore de retour. J'ai demandé pardon à lui en baissant les yeux, c'était là quand il m'a dit " écoute, je ne pense pas que ce que tu as fait est mal, téméraire ? Oui, étrange ? Peut-être, mais, je vois que c'était digne d'une héroïne insouciante d'un roman intéressant que tout le monde veut lire. Parfois ce qui est différent chez les uns fait l'objet de la passion des autres, bonne nuit chère Alia". La honte a disparu, je n'ai pas dormi cette nuit en pensant à ce que cet écrivain m'a dit, deux semaines plus tard il a déménagé de notre quartier, j'étais reconnaissante il m'a aidé à trouver un rêve, c'est ça ce que je veux, je veux être une héroïne, l'héroïne de ma propre histoire.