La nuit. Celle qu'on voit mais dont on ignore beaucoup, celle qu'on pense connaître mais qui nous surprend chaque soir, celle qui nous apprivoise mais qui reste mystérieuse à chaque regard. Piquée de minuscules perles d'or, comme des gouttes de rosée matinale sur un brin d'herbe, elle attend avec patience toute la journée que le soleil ne se meurt à l'horizon, telle une flamme malgré tout vaincue par la bruine, par l'averse passagère, puis se répand avec aise sur les dernières cendres de l'astre éteint.

Elle en profite alors pour semer la peur sur la ville, sur les personnes se demandant si le soleil renaîtra demain, s'il apportera de nouveau sa pluie de lumière sur l'obscurité régnante. Si certains savent pourquoi la nuit revient tous les soirs, d'autres croient à une ouverture des cieux, à une fissure dans la voûte céleste. Après tout, peut-être n'ont-ils pas tort.

Mais si un beau jour l'aube ne revenait pas, si nous restions coincés dans l'obscurité d'une mauvaise journée, si le jour en avait marre d'être poursuivi par la nuit, que se passerait-il ?

Adieu les rayons pâles et réchauffants d'une matinée de printemps, adieu l'éblouissement de la lumière en regardant par la fenêtre tout en se frottant les yeux, adieu même les pique-niques au soleil dans un champ de blé, au bronzage devant la mer sur du sable brûlant durant l'été, aux rouges cerises de la belle saison, au chant des cigales, adieu à tous les clichés ratés à cause du contre-jour, aux doux couchers de soleil derrière les montagnes sur une plage de galets, au crissement des feuilles mortes par mauvais temps sous les bottes de pluie, aux ricochets sur le lac, adieu aux traces de pas dans la boue, adieu aux crépuscules descendants sur les grandes forêts, à la recherche d'animaux sauvages dans les sous-bois, à la cueillette de champignons, aux batailles de boules de neige, adieu aux éternuements des rhumes des foins...

Adieu au début, adieu à la fin, adieu à la Vie, adieu à la mort, adieu à tous nos souvenirs d'enfance, et au bon temps passé.

 

Profitons de chaque instant, tant que la lune ne l'emporte pas sur le soleil.