Est-ce qu'on décrochera la lune ?

Moi je suis différent. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais un extra-terrestre.
Je suis un garçon comme tous les autres garçons de mon âge : j'aime le chocolat, les jeux vidéos et le football. Je suis comme tout garçon ordinaire. Mais, ma mère me voit différent parce que contrairement aux autres garçons de mon âge, j'aspire à des choses qui pour elle sont inaccessibles pour une personne de mon statut social ou de ma communauté.
Si le fait de croire que ; je suis destiné à quelque chose de beaucoup plus grand, que c'est mon but d'être une personne influente, que je serai un exemple pour les jeunes de ma communauté, est la définition de extra-terrestre ou d'une « personne différente »... alors là, je pense que ma mère a bel et bien raison de me voir comme un extra-terrestre.
La vie n'est pas très facile et la réalité diffère toujours des rêves. Ça, j'en suis bien conscient. Mais, cela ne rend pas pour autant la réalisation de mes rêves impossible, car, je crois qu'avec une bonne dose de détermination, motivation et avec le soutien des personnes qui me sont très chères (ma mère), je pourrais décrocher la lune.

Je partage presque tout sur ma vie avec ma maman ; mes aventures, mes craintes, mes échecs, et surtout mes projets. Son soutien et son approbation sont très importants à mes yeux. Du plus loin que je me souvienne, elle m'a toujours soutenu, conseillé, réprimandé et encouragé. Mais, je me suis rendu compte que plus le temps passe, moins elle a confiance en moi ou en mes capacités. A chaque fois que je lui parle de mes projets, des choses que j'aimerais essayer, malgré la lueur d'espoir qui illumine mon visage lorsque j'en parle, je peux ressentir dans ses yeux ; du désespoir, de la peine et de la peur.

Peut-être que je n'ai pas été un bon fils ou que je n'ai pas fait assez pour qu'elle puisse croire en moi, mais cela ne change pas le fait que ses doutes envers mes projets, mon futur et ses paroles négatives (bien qu'elle croit bien faire en voulant m'encourager à choisir une vie comme celle que nous et nos connaissances ont et d'oublier mes grands rêves qui seront peut-être inaccessibles pour moi) m'affectent beaucoup. J'ai parfois l'impression de n'être qu'un bon à rien. j'ai parfois souvent envie de céder à ses conseils d'une vie simple et ordinaire, mais je n'arrive pas à me faire à cette idée, car ma motivation vient de mon plus cher désir qui est d'accomplir quelque chose de très grand pour qu'elle puisse être fière de son petit extra-terrestre et pour qu'elle puisse être enfin convaincue que réussir ou faire une différence est possible, malgré nos origines ou statuts.

Faire partie de la communauté internationale ici au Brésil m'apporte beaucoup plus que ce à quoi je m'attendais. Dans cette communauté j'ai rencontré beaucoup de personnes. J'ai compris que nous traversons des difficultés, peu importe si nous sommes français, brésiliens, anglais, portugais, etc. Cela renforce ma détermination, et je pense que plus que jamais, je suis prêt à saisir toutes opportunités qui pourront m'aider à atteindre mon objectif final.

J'apprends le français, l'anglais, l'espagnol, l'allemand et le russe. Malgré cette nouvelle énergie qui me vient de ma collaboration avec des personnes venant d'autres cultures, ma foi en prend un grand coups à chaque fois que ma maman me répète « -Ce que tu fais est une perte de temps. »

Cette situation avec ma mère m'amène à me poser des questions existentielles, telles que : « pourquoi suis-je si dissemblable à ma mère ? Et pourquoi mes plans sont pour elle comme des objectifs inatteignables ? »

En fait, je ne lui donne pas tort. Je ne pourrais jamais le faire. Je pense que bien qu'il soit difficile d'accepter ses perspectives, ses peurs et craintes je comprends d'où elles viennent ou même pour elle les a. Enfant, ma mère n'a pas eu la meilleure des vies ou même la moitié des opportunités ou confort dont j'ai la chance d'en profiter aujourd'hui.

Née dans une famille de 14 enfants et vivant dans une situation d'extrême pauvreté dans la ville rurale brésilienne de « Mamanguape », elle n'a pas eu la chance de faire des études. Le maigre revenu d'agricultrice que gagnait sa mère n'était déjà pas suffisant pour subvenir aux besoins de la famille, et encore moins pour payer sa scolarité, couplé au fait que le seul établissement scolaire qui existait dans « le petit Mamanguape » à cette époque, se trouvait à des kilomètres de leur maison.
Alors, il devient évident que son regard, sa vision sur la vie et sur la réalisation des rêves ne peuvent qu'être assez négatives. Je pense qu'elle en a eu des rêves à un moment de sa vie, mais contrairement à moi elle a fait le choix d'accepter et de subir la vie au lieu de la vivre.
Elle n'est pas une exception, comme elle beaucoup de Brésiliens manquent une bonne éducation, beaucoup ont accepté la médiocrité, beaucoup ont perdu espoir.

Selon une étude réalisée en 2015 par l'ONU pour l'UNESCO au Brésil, il y avait 269,941 illettrés parmi les jeunes d'entre 15 à 24 ans. De plus, selon L'Indicateur d'Alphabétisation Fonctionnelle (L'INAF) préparé par « Instituto Paulo Monténégro » et par « Ação Educativa » en 2018, trois sur dix jeunes et adultes brésiliens âgés d'entre 15 à 64 ans - 29% au total, soit environ 38 millions de personnes - sont considérés comme fonctionnellement analphabètes.
C'est une triste réalité, car tous ces individus ont des difficultés à comprendre des textes et à utiliser des informations écrites avec de bonnes réflexions.
Pour redresser cette situation horrifiante, il faudrait l'engagement de toutes les nations à éduquer leurs citoyens, parce que cela n'existe pas uniquement au Brésil, mais aussi dans presque tous les pays en voie de développement, et voir même dans certains pays développés.

- « Vouloir n'est pas pouvoir. » Il y a même beaucoup de choses que je voudrais, cependant je ne peux pas les avoir.
Quand j'entends ce commentaire, mon cœur s'alourdit, mais ensuite ça me donne plus de force pour surmonter ces propos fatigants et démotivants faits par ma mère.

Elle ne sait pas l'importance de la valeur culturelle et communicative que l'apprentissage des langues étrangères peut créer. Ça m'a appris à m'ouvrir sur d'autres horizons. De plus, c'est très important pour le développement de la société.

Mon podcast favori en langue française est « Autour de la question » présenté par Caroline Lachowsky. Au début de chaque émission, des questions telles que :
-D'où ça vient ? Est-ce que ça va changer ? C'est pour qui ? À quoi ça sert ?
... Sont posées.
J'ai appris dans la vie que quand on pose des questions correctes, c'est plus facile de cerner les problèmes et ensuite avoir des réponses pour les solutionner.

Par ailleurs, je suis passionné par le cinéma francophone. Alors, en 2019 j'ai participé au projet « Cycle et débats sur le cinéma francophone : esthétique, pouvoir et relations interculturelles ». Ce projet a été offert par « Instituto Federal da Paraíba - campus João Pessoa » en partenariat avec « Universidade Federal da Paraíba » et à travers le Programme des Lecteurs Français de L'Ambassade de France au Brésil.

En participant aux débats j'ai approfondi mes connaissances dans des divers domaines : dont des aspects esthétiques non hégémoniques, des aspects anthropologiques, critiques, esthétiques, philosophiques, historiques, politiques et sociologiques.

Si j'écris cet ouvrage, ça signifie que je ne veux pas laisser mourir mon espoir par l'ignorance. Cependant, d'où viennent mes forces ? En effet, je ressens qu'apprendre d'autres idiomes m'a élevé dans le développement personnel, dans ma communication et dans ma connaissance culturelle.
Après tout, je pense que mes rêves seront chaque fois plus accessibles et je pourrai montrer à des personnes comme ma mère que c'est possible de devenir ce qu'on veut.