Différent

Moi je suis différent. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais un extra-terrestre. Un extra-terrestre ,parce qu'elle ne comprend pas et n'accepte pas la personne que je suis, un extra-terrestre, parce que ma vie est totalement le contraire des autres garçons de mon âge, mes passes temps, mes goûts pour certaines choses, oui je suis un extra terrestre parce que quand je plonge dans un livre, je peux disparaitre pendant des jours entiers et prendre des mois avant de me décider à réapparaître dans le monde des gens ordinaires, bref petite parenthèse, les gens ordinaires : c'est ainsi que j'appelle tous ceux qui ne lisent pas et qui cherchent absolument à tout comprendre et tout contrôler, les gens qui harcèlent ceux qui sont différents d'eux et qui posent des questions auxquelles personne n'a envie de répondre, [Règle #1] -Ce n'est qu'en lisant qu'on comprend le monde.
Un extra-terrestre parce que je n'ai pas de petite amie, que je n'en ai jamais eu et que ça ne m'intéresse pas d'en avoir non plus. Mais encore, c'est parce que ma chambre, dans son étroitesse et sa subversivité, est mon meilleur lieu de vacance, l'endroit où je m'y plais le mieux. Quand je connecte mon téléphone à mon appareil Bluetooth en sélectionnant les meilleures chansons ajoutées à ma Playlist, et que les seuls mots que j'arrive à entendre sont ceux de la chanson, la terre peut disparaitre, ma mère peut devenir folle, la 3ème guerre mondiale peut se faire, la mort peut arriver, je m'en fous, pendant un moment j'oublie qu'il y'a les autres qui me font tous chier, dans ma tête ,il n'existe que ma musique ,mes livres ,et moi. Manifestation de bonheur !
Mon nom c'est Eugène Roy Maxence, j'ai 17 ans, non presque, je suis en secondaire 3, et en dehors des livres, je n'ai jamais eu de vie, enfin ! il faut dire que ma vie a commencé quand j'ai rencontré les livres, c'est que je suis nourri de ces derniers, et ils prennent toute la place à eux seuls...Ma mère dit que je manque terriblement de jouvence, elle dit aussi qu'elle n'arrivera pas dans ma vie plus tard, et que chaque âge a ses plaisirs, ses moments, et qu'il faut toujours être presser de vivre un maximum de choses et se faire pleins de bons souvenirs, parce que le temps ça passe trop vite, et que la vie est extrêmement courte.
A dire franchement, si je n'ai aucun copain au lycée, c'est parce que je préfère rester seul dans mon coin, toujours un bouquin à portée de main, comme si rien ni personne d'autre ne m'intéressait, comme si c'est la seule chose qui me satisfaisait le plus ,me procurait le plus grand bien ,lire, comme si dans ma vie ,il n'y avait que les livres et moi, ma mère n'est pas encore là. Si je n'ai jamais partagé aucune relation à la longue avec certaines filles qui m'ont approchées, c'est parce que je ne leur ai jamais donné la possibilité d'apprendre à me connaître, et découvrir la personne bizarre que je suis. C'est vrai que je suis bizarre, un peu trop sérieux pour un garçon de mon âge, mais ça ne me dérange pas d'être comme je suis, moi je l'assume et c'est tout..
Très tôt, j'ai compris que je préférais les livres aux gens, la musique au confort. Les livres sont tout ce qui nous restent quand il n'y a plus rien ni personne, et la musique nous accompagne dans tous les moments de notre vie, ce sont les meilleurs amis. Le bonheur c'est de lire un bon livre un après midi d'été, le finir et pleurer si fort, mais tellement, parce qu'il y'a ce personnage si extraordinaire par ses sentiments ,par ses manières, ce personnage auquel vous vous êtes attaché et que vous devrez vous en passer durant les prochains jours de votre vie,,,pleurer si fort mais tellement parce que vous avez finit le bouquin et que dans votre tête vous vous dites, jamais je ne connaîtrai quelque chose de comparable, jamais quelqu'un ne me parlera ainsi, ne me regardera avec ses yeux, portant en soi cet appétit d'amour et de vivre qui ne se perd jamais, mais qui s'amplifie, non jamais je n'aurai une conversation pareille, une histoire de ce genre....Et je vis dans l'attente, de très belles attentes, mais ça je ne le dis à personne.
La vie réelle est si fade et monotone pour la plupart des gens, tellement plate, la vie de tous les jours, nos conversations habituelles, on rencontre si rarement des personnes qui savent allumées notre flamme de vie intérieure et qui débordent de cette énergie qui est en chacun de nous, mais qui attend le bon moment, la bonne rencontre pour se manifester enfin..La liberté d'être, de choisir, de devenir ce que l'on désire, et d'aimer ce que le cœur choisit d'aimer, de ne pas accepter ce que l'esprit n'admet pas...Moi Si j'aime la lecture, c'est parce que c'est le plus stimulant des plaisirs esseulés, n'est ce pas merveilleux, ce pouvoir qu'ont les lecteurs d'être seul avec plusieurs personnes à la fois, et se mélanger à leur vie, capter des émotions, voyager, partir à la découverte, disparaitre, réapparaitre, se fondre dans la foule.
Quand je dis le livre, la musique, je vois mon être, l'essence de ma vie, mes principaux desseins tournent autour de cela, ils sont en relation avec cette ivresse pour les mots. Bref !!! Ma mère me répète continuellement que l'excès en tout nuit, qu'on ne peut pas faire uniquement les mêmes choses tous les jours, elle appelle ça de l'obsession, et dit que je souffre de paranoïa. Elle ne comprendra jamais.
-Mon amour, ne sens tu pas que tu as besoin de présence. Ne sais tu pas que si tu ne t'ouvres pas à la vie, elle ne s'ouvrira jamais à toi.
Je revois la psy que ma mère m'oblige à voir toutes les deux semaines pendant 2 heures, je lui parle du lycée ,de tous ces visages inconnus ,ces gens que je trouve encore plus bizarre que moi, que je n'ai pas la moindre envie de connaître, je lui parle aussi du quartier ,de ce silence qui ne se réveille jamais, de ma nouvelle prof de communication française ,une vieille bique, la pire des profs que j'ai jamais connu ,parce qu'elle nous a formellement interdit de lire des romans ,et nous a plutôt suggérer de vivre nos romans. Je lui raconte à quand remonte la dernière visite de mon père, qu'il me manque et que c'est la seule personne qui me laisse être, elle me demande si j'ai revu Becca, ma partenaire pour les expos de chimie, je lui réponds que je n'en ai pas envie, que cette fille pose beaucoup trop de question, elle me regarde fixement, puis elle me dit : «  fais comme tu veux, tu en as tout à fait le droit ».Jamais elle ne me suggère quoi que ce soit ,jamais elle ne me dit tu as tort, tu n'aurais jamais dû dire une chose comme ça. Je me demande si c'est cela être un psy. Se taire et écouter, tout encaisser.
19 juillet, moment de tristesse, de lassitude immense, la mort de Tonia, Tonia la plus jeune sœur de ma mère, la plus supportable des autres sœurs. Je n'ai jamais vu ma mère aussi triste, je ne l'ai jamais vu pleuré non plus. Je sens qu'elle a mal dans tout son être, qu'elle voudrait pleurer pendant longtemps pour soulager sa douleur. Elle me regarde, m'attire dans ses bras, et recommence à pleurer, à hurler de plus belle, -jamais je ne lui disais que je l'aimais, qu'elle me manquait, jamais je ne la prenais dans mes bras, lui faisais des câlins, jamais je ne la remerciais quand elle m'encourageait, me motivait. Plus jamais, je ne la reverrais. Non, plus jamais.
Dans l'après midi, sur le mur Whatsapp de mon oncle Robert...Des photos de Tonia à tous les âges, des petites vidéos et des commentaires en bas des publications..Que des mots doux, toutes les meilleures phrases qu'on pourrait écrire dans une lettre d'amour. Bref ! Je voudrais lui dire que ça ne sert plus à rien maintenant qu'elle n'est plus, que c'est une mauvaise habitude de vouloir célébrer les morts. C'est fou le nombre d'amis qu'on peut se faire quand la vie nous quitte et que la mort nous rattrape. J'ai horreur de ces gens et je vomis sur ce qu'ils appellent humanité. Quelle humanité ! Ah oui bien sûr, celle qui est à réinventer pour certains.