Détestée aimée

Moi je suis différent. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais un extra terrestre. Puisque les extra terrestres, on ne les connaît pas vraiment. Pour elle j'étais comme eux. Un énigme sans doute. En effet, à chaque fois que Abayan me brise le cœur, je viens chialer comme une fillette à qui l'on n'a refusé des friandises. Je pleure à chaude larme. Mais dès qu'elle revient. J'ai goût à la vie. On ne dirait pas que je suis un garçon. Vous comprenez maintenant pourquoi ma mère me prend pour un extra terrestre. Pour elle, les femmes, il y a en pagaille. Alors pourquoi pleurer si une décide de partir de son propre gré. Juste parce que j'avais trouvé en une seule rose ce que dix mille rose n'ont pas...
A chaque fois qu'elle me quitte et me fait chialer sur les épaules de maman, elle revient s'excuser. Et comme toujours, nous reprenons à zéro. Mais cette fois ci, je crois bien, non ! Non je ne crois pas, elle est partie pour de vrai. Elle ne reviendra plus. Ça j'en suis sûr. D'habitude lorsque je pleure ça passe. Cette fois-ci, j'ai aussi la rage. La haine et l'envie de tuer. Sauf que dans ma religion, même si tu te réfugiais derrière le jeûne, l'assassinat ne sera pas pardonné. Vous vous demandez sans doute la raison de notre séparation. Elle est simple et banal. Abayan suit le septième messager de Dieu. Et moi le neuvième. Pour elle, nous ne pouvons pas cohabiter. Selon elle, elles s'opposerait. Tel n'est pas le cas. Je dirai juste qu'elles se complètent. Pour nous qui comprenons la vie, nous nous moquons bien de certaines choses. J'aurais aimé vous cacher bien des détails comme ceux de la religion et de l'amour. Tout le monde ne rencontre pas l'amour de sa vie...
Notre dernière conversation remonte à une semaine. Conversation ou dispute ? À vous de voir. Elle m'invita chez elle comme pris d'un doute grave. Je perforai la nuit pour l'y rejoindre. Mais je la trouvai devant la porte à m'attendre.
- Allons faire cent pas, l'ordonna t-elle d'une voix lugubre.
Et nous nous mîmes en route. Pour on ne sait où.
Sans ménagement elle me lança.
- Je voudrais débuter ce jeûne dans la sainteté. Tu as refusé de te convertir. Tu es désormais pour moi un infidèle. Un impure. Tu me souilles. Débute t-elle en me crachant aux pieds. Je viens de prendre conscience que c'est Satan qui t'a mis sur ma route. Je ne veux plus de toi. Convertis-toi et je serai à toi. Au cas contraire, laisse moi partir.
Silence. Je ne sus quoi répondre. Qu'est-ce encore cette histoire. Silence. Nous nous étions arrêtés. Elle me regarda maintenant droit dans les yeux puis continua.
- Je ne veux plus de toi. Tu es un infidèle. J'ai vingt-deux ans. Toi dix huit ans. Je veux refaire ma vie avec un adepte de ma religion. Je travaille. J'ai le Master. Et mon père m'a déjà choisi un homme. Un vieil ami de la fac avec qui il a fréquenté. Un riche polygame. Et je veux honorer la décision de mon père. Lui au moins ne veux que mon bien. Je serai sa cinquième et dernière épouse. Tu le connais bien. Halil. Je ne veux plus de toi. C'est décidé.
Cela ne pouvait être qu'une plaisanterie.
- Cette plaisanterie est de mauvais goût. Parlons d'autres choses, tu veux bien ?
- Non non. Je suis plus que sérieuse. Elle enleva la bague de fiançaille et me la jeta au visage. Prends la. Je n'en veux plus.
Je répliquai finalement après une dizaine de minutes de silence de regard foudroyant, d'une voix mélancolique. Je me sentis l'envie de pleurer. Nous étions à une semaine de notre mariage.
- Tu fais quoi de nos projets ?
Elle ne me répondit pas. Le ciel avait changé de visage. Caché par les nuages. On n'apercevait plus la lune en croissant qui nous éclairait. Torrent de Pluie. Mes larmes s'accouplaient à l'eau ruisselant sur mon visage. Deux destins séparés. Deux destins zigouillés. Son portable sonna. Elle décrocha. Allô Bb, oui, j'arrive.
- Tu n'as plus rien à ajouter ? J'ai froid. Interrogea t-elle. Je peux partir ?
Elle ne m'avait jamais parlé ainsi. Je découvrais une autre face d'elle. Les éclairs me permettaient de voir son visage. Ce si beaux visage. Elle qui m'avait fait voir la vie d'une autre manière. J'avais changé pour toi. J'avais appris à aimer une autre personne que moi. Et voilà ce que tu me fais. Malgré cela. Je bourdonnai quelques mots.
- je ne voudrais prendre la voix d'un moraliste. Mais sache une chose. Je pense que nous devons être libre d'aimer qui bon nous semble. Quel que soit son genre. Quel que soit son âge. Quel que soit sa religion, son ethnie, sa race... Il faut vivre avec une personne en qui on se sent en confiance et en sécurité. Une personne avec qui tu peux rigoler, pleurer, partager tous les bons et les mauvais moments. L'amour ne s'impose pas. On le ressent. Tes choix. Pose les pour toi. Pas pour les autres. Vis pour toi et non vivre pour les autres. Réfléchis toujours aux conséquences de tes actes. Ton père te choisira celui qui lui plaira. Mais ne vivra pas en couple avec toi pour savoir ce que tu vivras. Au final tu lui rejetteras la faute. Parce que tu n'as pas su te défendre au moment opportun. Tes proches aussi. Tu veux honorer un devoir? Je te trouve vile. Du respect auquel je t'ai toujours hissée, tu dégringole. Les parents ne peuvent plus decider de notre avenir quand la raison est développée. L'amour pour toi n'est qu'un jeu. Si Dieu est amour pourquoi va-t-il nous empêcher d'aimer ? L'amour est un sentiment, la religion un moyen de communication avec le Seigneur. Ce sont les hommes, ceux sont eux qui ont créé ces barrières. Je ne suis pas la première victime. Je ne serais la dernière. Mais il faut que cela cesse. Le monde vivrait mieux si l'on acceptait autrui tel qu'il se présente à nous. On ne voit qu'avec le cœur l'essentiel est invisible aux yeux...
Elle s'en fut. Elle ne voulait plus m'écouter. Je l'observai disparaître dans le noir. Elle coulait verticalement dans un abîme sans que je ne puisse rien pour la retenir.
Et maintenant bien sûr, ça fait une semaine qu'elle m'avait abandonné Comme une vieille chaussette. Moi je suis différent. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais un extra terrestre. Parce que j'étais tellement blessé que je décidai de m'abstenir de nourriture, et m'enfermer dans ma chambre pour pleurer comme une gamine. J'étais un peu faible à cause de la faim.
Je pris une plaquette de paracétamol dans mon tiroir. Les mains tremblantes, j'avalai d'affiler,sept, huit, le neuvième, je crois n'a pu atteindre ma bouche. Un acte égoïste. Je sais.