Moi je suis différent. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais un extra-terrestre. Cette nuit-là, elle ne voulait pas payer l'addition. Un peu marrant : son geste, son refus, car, complètement fauché, moi, je me suis dit, pour répéter les mots de ma société, q'uun homme doit toujours avoir du fric dans sa poche. Hélas ! Ce n'était pas le cas. Il a fallu l'arrivée d'un bon samaritain pour m'aider. Ça ne passe plus comme avant avec elle. La dernière fois, elle avait dit oui. Mais, sa mère, non. Là-bas, il y a que les nuages et le soleil qui fassent l'amour. Les chaises se sont vidées de notre amour. Tout est tombé à l'eau. Rêves. Passions. Folies. Puff ! On ne s'aime plus comme avant.
Ase, cette petite modèle aux yeux bleus et au corps sain rencontrée sur au bord de la mer, alimente mon cœur asséché autre fois par de mauvais soleils. Son petit visage sur lequel grimpait un grain de beauté jette tout le temps des éclats. On parlait de tout. Elle souriait à merveille. Sapiosexuel que je suis, j'admire le monde dans ses mots. Dans ses gestes. L'élégance traverse chaque parcelle de son corps. C'est la joie, à ses côtés. Elle me parlait de Jacques Stéphen Alexis également de René Philoctète, son poète aimant. Une femme amoureuse, c'est un cœur pur qui, pour le moindre geste non-explicite, souffre. C'est ce que j'ai appris grâce à elle. Un jour, elle était invitée à participer à la grande soirée d'anniversaire de son amie. Moi également. Malheureusement ! Quand une mère dit non pour sa fille, il faut s'arrêter. Ce que mon père m'avait appris. Élégance de la vie oblige. On est pas lâche pour autant. C'est un fait. Ase, crispée et désorientée, devient cette fille vidée de son amour de vie, obligeant à se retirer chez elle pour un endroit meconnu. Moi, je reste l'éternel chercheur d'une Ase vers d'autres Horizons.
-Tu ne devrais pas abandonner ! lâcha Bid, son ancienne condisciple de classe devient sa meilleure amie. Elle savait tout, de moi, de lui, de nous. C'est la toujours présente de notre vie. Un peu svelte et aux fesses redondantes, Bid porte la beauté d'une parfaite créole. Elle décida de me rencontrer. Elle aussi intelligente que son amie. Elle m'aimait également. Un vendredi soir, dans le petit resto où moi et Ase avaient l'habitude se rencontrer, elle m'y invitât. Le grand astre de la nuit y était. Vêtue d'une robe de couleur blanche, bien plaquée sur sa silhouette de sphinx. Elle était coquette. Au premier trinquage de verre, j'ai vu dans ses yeux une Ase qui se défile. Une charmante fille au sourire craquant. L'envie de me dire la grosse chose remarquée sur ses lèvres épais.
-Tu m'aimes ? me demanda-t-elle, sous un sourire un peu détendu. Par contrecoup, elle a eu la réponse. Pour 60 minutes de conversation, elle n'arrivait pas à contourner le nom de son amie. Ça revient à chaque fois qu'on parlait d'amour. À chaque fois qu'on parlait du livre. Elle osa quand-même.
-Attends moi ! J'ai quelque chose pour toi. C'est de la part de ton amour, mon amie. Elle me l'avait envoyée avant-hier. Tiens donc. C'est pour toi.
-Est-ce que je peux l'ouvrir maintenant ? demandé-je à la fille.
-À ton vouloir Darlens...

Santo-Domingo, le 22 mai 2021

«Da, comme j'aimais t'appeler mon amour, par cette petite lettre, je voulais t'expliquer tout. Absolument tout. De moi. De nous. De ma famille surtout. Je pars sans te dire au revoir. Je suis donc consciente de ce que j'ai fait. Je sais que cette âme sensible que tu es, ça te fait du mal. Je te demande de bien me pardonner mon chéri. Tout est dû à cause de ma mère.
Mon amour, ma famille, spécialement ma mère était opposée à notre relation, parce que j'avais refusé d'épouser un homme riche qui vit à l'étranger. Sous sa demande, j'ai dû abandonner mes études. À chaque fois que je refuse cet homme, d'ailleurs plus âgé que moi, ma mère me traite très mal à la maison. Elle me dit souvent que je suis celle qui va l'aider à sortir de la misère. Pour avoir refusé, elle ne me donne pas à manger. Elle me comparait souvent à la fille de notre voisin, qui roule déjà sur une voiture de maison. Elle me fait souffrir. Je deviens cette fille maltraitée et méprisée presque tous les jours dans ma propre famille.
Cet homme qu'elle a voulu que j'ai épousé était un prêtre. Il est prêtre à l'étranger. Mais, ici, c'est un homme d'affaires. Il donna des sacs de riz à ma mère et parfois quelque 5000 mille gourdes. Je ne sais pas pourquoi. Toutefois, selon ma mère, c'était l'un des meilleurs amis de mon père avant sa mort.
La dernière fois, je ne pouvais pas venir te rencontrer à la fête de mon amie, c'est à cause de ma mère qui venait de m'injurier et de jeter tous mes vêtements à la poubelle, parce que, pour une énième fois, je lui avais dit que je n'aime pas monsieur le prêtre. Elle a mis le feu également à mes ouvrages.C'est à partir de cet événement malheureux que j'ai dû quitter sa maison, pour m'installer dans une maison close à Pétion-Ville. Là-bas, j'ai connu l'enfer. C'est là que j'ai rencontré un ancien président de la chambre des députés. Il venait tous les week-ends. Il m'aimait. Moi, non. Il achète des plats sophistiqués et paye des femmes pour une partie jambe en l'air. C'est un libertin.
Mon petit Da chéri, pour l'instant, je me suis retrouvée à l'Est de l'île d'Haïti, en République Dominicaine. C'était grâce à lui. Il m'a donné de l'argent.Ce n'est pas facile pour moi là-bas. Ce n'était pas facile d'y arriver non plus. J'ai brisé l'interdit contre moi-même. Pour traversée de la frontière, j'ai dû coucher avec un soldat dominicain. J'ai payé également quelques pésos. Désolé chéri! Je te dis tout, parce que tu m'es tout.
Pour l'instant, je ne travaille pas. Je vis avec ma cousine Jacqueline. Elle travaille dans un restaurant. Le premier boulot qu'elle a trouvé pour moi, je ne l'aime pas. Je n'ai pas l'aptitude pour être prostituée. Selon ce qu'elle m'a dit, elles (les femmes haïtiennes) sont nombreuses à se jeter dans la prostitution après avoir traversé la frontière. Elles souffrent beaucoup. J'ai vu le grande majorité des artistes haïtiens y vivent également. Da chéri, j'espère que tu vas me comprendre. J'espère un jour te rencontrer pour te reprendre dans mes bras avec ta bouche tremblante et tes yeux remplis d'étincelles.
Je t'embrasse mon amour !
Ta petite Ase depuis Puntacana, République Dominicaine.
-Merci ! Ainsi répondis-je avec mes yeux larmoyants. Ce soir-là, aucun mot pour décrire mon ressentiment après avoir lu cette lettre. J'envie la mère d'Ase. Je la déteste. Bid, voyant la détresse sur mon visage, me prend dans ses bras pour me câliner. Elle le fait fort bien.
-Darlens, est-ce que tu veux que je sois la nouvelle remplaçante de mon amie dans ta vie ?
-Pour l'instant, j'ai pas la tête à ça.
-Tu sais que mon cœur t'appartient.
-Il se fait tard Bid. Il y a que nous dans les rues. Ici, ce n'est pas pour nous. Il faut laisser la place aux 21 bann chanpwèl. Après quoi, elle insiste pour m'embrasser. Nous avons dû échangé un baiser pour qu'on se sépare. Un baiser. C'est fait.
Je repars chez moi. Chaque pas est une victoire. J'ai dû faire l'avion par terre. Les aboiements retentissent. La peur s'installe en moi. Le lendemain, je me réveille avec la lettre de Ase entre mes mains. Je me souviens d'elle pour une énième fois. Je me souviens de cet amour chassé par la misère, par l'humiliation. Je me souviens de cette fille. Je pense à ces jeunes filles deviennent prostituées en terre voisine. Je pense à ces artistes qui laissent leur pays...