Confession

Moi je suis différent. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais un extraterrestre. Elle était mon espérance, ma vie. Je l'ai bien vu dans ses yeux. Je n'y ai retrouvé pendant longtemps qu'un mélange de mépris et d'insulte. C'est une blessure qui a fini par guérir avec le temps. Quand je la vois sur les photos, je vois l'amour de ma vie. Oui! Le premier et grand amour d'une vie difficile.
Toute ma vie, j'ai eu peur qu'elle m'abandonne comme mon père l'a abandonné quand elle était enceinte de moi. A chaque fois elle me laissait avec la voisine, j'étais tiraillé par l'idée qu'elle ne reviendrait plus me chercher. Elle arrivait parfois à onze heures du soir. Parfois, elle s'arrêtait devant l'orphelinat avec moi. Elle m'emmenait souvent à l'hôpital voir des docteurs. Elle ne s'est jamais vraiment décidée. Elle pleurait toutes les nuits. J'avais conscience qu'elle ne m'aimait pas. Être seule avec un petit monstre dans ses bras, quelle dommage! Elle était promise à un brillant avenir. Elle devait se débarrasser de moi à tout prix. Je suis resté patient parce que j'essayais de la comprendre. Quel enfant n'aime pas celle qui l'a porté et chéri dans son sein! Mais cela, elle ne l'a jamais compris. Elle m'a déclaré la guerre parce que j'ai hanté ses nuits, parce que j'ai parlé plus tôt que tous les autres enfants, parce que je n'étais qu'un petit monstre. Elle m'a fait la guerre comme à un ennemi. Elle ne m'a jamais ménagé. Pourquoi autant de haine maman, je n'étais qu'un pauvre nourrisson! Elle m'a brisé comme on brise du verre. Elle ne pouvait même pas avoir un enfant normal comme les autres mamans célibataires. Je l'enervais pour un rien. Quand comprendra-t-elle qu'elle et moi sommes des âmes-soeurs, né d'un même coeur. Je ne voulais pas grandir parce que je l'aimais trop. Nous deux, quel duo terrible! Pourquoi me punit-elle parce que je n'ai pas grandi comme les autres enfants. Les années passaient, je suis resté le même petit garçon qu'elle choyait au tout début. Elle a explosé de joie de me voir marcher pour la première fois. Je pensais que je passerais plus de temps près de son coeur mais je suis devenu pire qu'un monstre sorti de ses entrailles. Les nains aiment aussi leur maman n'est-ce pas? Mais elle aurait préféré les nains à moi. Je n'étais plus son fils. Non, moi j'étais son avorton : petit homme mal fait, mal bâti. Elle se prenait pour celle qui a donné vie à un petit monstre, qu'elle devait être punie. Elle ne parlait jamais de mon père. Je lui obéissais au doigt et à l'oeil pour lui montrer ma reddition. J'agitais mon drapeau blanc sous ses yeux indifférents. Combien de temps allait durer cette fièvre? Je me mettais à espérer que cette fièvre lui passerait comme un cauchemar qu'on dissipe. C'était moi et seulement moi son trouble. Je lui ai apporté la lune et ses yeux ont brillé un instant si minime que j'ai cru rêver de l'impossible. J'étais malade de considération que je brillais dans tout. J'étais numéro un dans tout. J'excellais dans toutes les matières. J'étais partout où ses yeux se posaient. C'était son fils sur les murs comment ne pas être fière? C'était à ne rien y comprendre! C'était ma faute si elle ne souriait plus. Son sourire était mon trésor. Elle était ce genre de maman timide au grand coeur. Elle pansait ses blessures sans dire un mot. Elle m'achetait des vêtements de bébés. Tout geste d'humanité venant d'elle était un baume sur mes blessures. Pourtant les mauvaises mamans ne rivalisaient pas avec son coeur de maman. Elle était comme toutes les mamans. Elle voulait m'aimer. Elle n'avait que moi. Je n'ai jamais désespéré parce que je trouvais ma force dans sa soumission avec son destin. Je faisais mon chapelet tous les soirs espérant que Dieu lui toucherait le coeur. Elle m'a appris à me battre pour ce que je croyais être mon droit: être aimé comme les autres enfants. L'éradication de la peur rend invincible. J'ai entrepris cette bataille avec courage et détermination. Cet océan de malheur qui nous séparait n'était plus qu'une route vers notre bonheur, un avenir meilleur pour nous deux. Elle est entrée dans ma chambre un soir après une messe, elle s'est agenouillée devant moi en larmes pour implorer mon pardon. Elle a pleuré longtemps. Elle m'a dit des mots que je n'oublierais jamais ce soir là: je vais t'aimer, je te le promets! J'ai pleuré comment si elle m'a frappé violemment. La joie m'a fait mal au coeur. Elle m'a serré timidement dans ses bras. Sans elle, je n'aurais su que la tendresse d'une maman pouvait être une force sans égale. La tendresse d'une mère rend courageux et plus sage. Même si elle n'est plus de ce monde, elle est toujours là comme la brise sur un visage. Chaque sourire, chaque rire, chaque mot d'amour et marque d'affection sont un trésor de souvenirs dans mon petit coeur de géant. Ce qui nous a rapproché c'est bien sur le Bon Dieu, car l'élan de sa générosité nous pousse toujours plus haut pour mieux lui ressembler. Ô maman, je vais me souvenir de toi, de ton odeur, de ton amour. Tu étais devenue comme une grande soeur, une amie au fil du temps. Même les extraterrestres peuvent être aimé et trouvé l'amour. Tout ce qui vaut la peine mérite qu'on se batte pour la posséder. Je suis resté physiquement un enfant mais je me suis un peu musclé pour porter ma mallette. J'aime bien traîner ma mallette comme une brouette derrière moi. Ma voix est restée enfantine. Si les gens ne me connaissaient pas, ils croiraient avoir affaire à un enfant qui aime se vêtir en adulte. Cela me rappelle quand l'époque où tout m'était plus sombre, ou j'étais enfin accepté. Je n'ai plus envie de courir maintenant que je sais que toute chose sur terre à son heure. J'ai été finalement pris comme professeur à l'université. Mes étudiants sont bien plus passionnés par moi que mon cours de physique. Les gens aiment toujours faire se prendre en photo avec moi. Je ne connais pas mon futur. Je vis chaque jour comme une grâce d'être enfin accepter. J'ai des amis qui me soutiennent dans ma lutte pour faire respecter le droit des enfants opprimés. Certaines personnes disent que je ne mourrai peut-être jamais parce que je ne grandis pas physiquement. D'autres répliquent que c'est une malédiction d'être un adulte dans le corps d'un bébé. À ces moments là, je me rappelle ces mots de la bible en souriant: si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne, que t'importe, toi suis-moi! Je sais que nous avons tous une maman, la votre est peut-être au ciel comme la mienne avec toutes les étoiles. Elles illumineront toujours les ténèbres de notre vie. C'est leur rôle de mère et s'il mettait permis de lui dire quelque chose aujourd'hui pendant la fête des mamans, je dirais les mêmes que j'ai fait graver sur sa tombe.
"tu me manques, repose en paix, ton fils qui t'aime toujours Didier"