Comme mon père

« Moi je suis différente. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais une extra-terrestre.»
Je m'appelle Kadidja mais tout le monde m'appelle Kadi. Je suis orpheline de père depuis mes treize ans. Que j'étais encore naïve! Durant tout ce temps, je devrais suivre tout ce que me disait maman. Ma grande sœur Adétona, très souvent appelée d'un diminutif : Adé était la ‘'paresse'' incarnée. Pour elle, elle avait déjà l'âge adulte pour qu'on lui dicte quoi faire. Tout ceci lui semblait un harcèlement ? Des fois, elle quittait la maison juste pour éviter d'être envoyée pour des achats.
Mon père : monsieur HABIB Akim; un homme svelte et d'une taille environnant deux mètres. Il fut agent de sécurité dans les locaux de la SBEE (Société Béninoise d'Energie Electrique) après obtention de son BAC. Après s'être fait une mince fortune dans cette agence, il continua plus tard sur le campus d'Abomey-Calavi à la Faculté de droits. Après ses études, il devint greffier à la Cour Suprême de Porto-Novo.
Ma mère était une femme de rêve. Je ne le dis pas pour lui jeter des fleurs, mais vous confirmerez ma thèse d'ici peu. ‘'Madame HABIB Akim'' ; ‘'la femme d'Akim'' ou encore ‘'Akimath'' comme elle souhaitait être appelée. Son nom n'était pas le bon ; disait-elle souvent. Ma mère était de teint claire contrairement à mon père bronzé. Elle était ni grosse, ni mince mais dotée de tous les ingrédients que Dieu pouvait donner à sa propre femme. Elle était belle à l'excès ; un corps potelé sans la moindre tâche. Non, pas qu'elle les effaçait avec ces produits des bonnes dames mais n'aimait pas de blessures ni de cicatrices sur sa peau. Tellement elle veillait à cela qu'elle ne se permit point de laisser les ongles à la taupe sur ses doigts. Des yeux fines et plus ou moins gros pour des clins d'œil. Elle avait l'art de convertir avec sa voix. Je parie que mon père n'avait pu résister en son temps. Elle ne savait pas faire la séduction forgée. Dans sa simplicité, elle emportait pleins de gens. Sa coiffure préférée était celle des hommes mais mon père lui demandait de souvent se tresser pour nous permettre d'être dans la tendance. Peu importe la coiffure, c'était une fée. Dieu avait mis dans ses phalanges l'art culinaire et celui du massage. Ses fessées et paires de gifle étaient électriques ; il fallait jamais prier les croiser une deuxième fois. De ces derniers, ma sœur Adé était un centre d'accueil. Ma mère, était tout ce qu'on pouvait prier avoir sur terre. Son nom est Martine. 
Ma mère avait des ennuies au service avec son patron. Ce dernier lui réclamait le sexe afin de lui offrir une promotion. Ma mère faisait le compte rendu à mon père au fur et à mesure que les choses évoluaient. Un jour ce monsieur essaya de violer ma mère du fait qu'elle s'y opposait toujours face à sa proposition. Mon père porta plainte contre lui; il fut arrêté des suites des preuves d'enregistrements faites par ma mère à l'appui.
Mon père décida donc qu'elle arrête d'aller au service ; pour devenir femme de ménage ; s'occuper de lui et de nous. Ce qui fut. Des années après, mon père lui ouvrir une boutique dans la maison pour vente de produits d'alimentation générale.
Ma mère était une femme battante et tout ce que j'ai reçu d'elle était sa beauté, sa forme, son courage, sa bravoure, son amour et son esprit social. Elle était toujours surprise par mon désir trop poussé à vouloir ressembler à mon père ; dans ma façon de faire : on dirait des hommes. Très souvent elle m'appelait « extra-terrestre ». Et me dit des fois, du retour, de la ferme avec papa : « femme d'un homme marié, toujours différente. Tu as une notoriété hors du commun des filles ».
Quant à mon père, il était ce qu'on pouvait appeler le ‘'lion''. Brave et ne baissait jamais les bras ; pour lui chaque objectif doit être atteint ; et pour y arriver, il fallait travailler à fond ; donner le maximum de soi. « La paresse ne conduit pas à bon port » dixit à ma sœur chaque fois qu'elle ramenait une note en dessous de 13/20. Il n'y a pas d'excuse à donner quand on n'avance pas. Il était mon exemple, je le suivais à la lettre, je ne lui donnais pratiquement plus le temps. Il devrait m'apprendre à être lui. Il ne permettait pas les amusements qui ne tenaient pas la route et ceux qui ne participaient pas à notre développement moral, intellectuel, psychique et physique. Sa définition du repos était celle-ci : « le repos, c'est le changement d'activité et la régulation de l'allure d'exercice».
Sa distraction préférée était de jouer avec ses enfants. Disons que je l'aime malgré tout ; ma mère y voyait aussi des fois de l'exagération. J'étais trop jeune pour avoir un système pour garder toutes ces connaissances mais je voulais coûte que coûte remporter la bataille face à mon père. Très tôt, il eut une promotion et un transfert vers le nord Bénin pour le tribunal de Parakou. Je décidai de l'accompagner pour qu'il ne soit seul là-bas. Je devrais l'aider à faire la cuisine, la lessive et tout ; à représenter ma mère. Aussi à continuer ma formation ‘'militaire'' afin d'être la réincarnation de mon père et de ma mère à la fois. Cette partie du pays, pour moi était la meilleure ; c'était exactement tel décrit dans Le rêve étranglé.
Des vacances et congés se mêlaient à notre séjour à Parakou. Nous revenions voir notre famille à chaque fois que papa en trouvait l'occasion. Très vite, le CEP (Certificat d'Etude Primaire) se retrouva dans ma poche. Je commençai à devenir une ‘'lionne imbattable'' dans les concours et jeux ‘'épelle-moi''. Les mots étaient stockés dans mon méninge ; jamais je ne manquais de mots lors d'une discussion ou d'un devoir.
Deux mois avant l'examen du BEPC, mon père céda sa place sur terre suite à un mal de tête dont il s'était plaint la veille. Je ne pleurais pas durant les obsèques ; ce qui étonnait tout le monde et confirmait aussi la thèse : « extra-terrestre » de ma mère. Je ne m'inquiétais non plus à outrance ; j'étais différente de tous : je le savais. Mon mal habitait à l'intérieur, mes larmes coulaient au fond de moi. Mon père m'avait appris à dominer le mal, à ne point permettre aux gens de connaitre notre faiblesse car ils pourraient en abuser. Ses derniers propos la nuit de sa mort étaient:«Si tu voulais commettre un acte, demande toi si en ma présence tu le faisais. A chaque fois que tu devras abandonner, pose toi la question de savoir si ton objectif est atteint. Je sais Kadi que tu es la fusion de ta mère et moi ; tu as tout ce que l'homme le plus heureux de la terre possède. La joie que tu m'as procurée mes derniers jours a augmenté mon séjour ici bas. Sois courageuse, sois le père de ta famille, joue mon rôle, aide ta mère et ta sœur à bien et mieux grandir. C'est toi qui a plus eut de moi ; transmet mes enseignements au reste des tes frères et cousins. Tout ce qui est en mon nom est déjà en ton nom. Ta sagesse m'a toujours étonné ; je n'ai jamais su que tu y arriveras jusqu'à ce que tu décides de m'accompagner ici et de représenter ta mère à mes cotés. Tu m'as vaincu en intelligence. Sois sage et respecte la nature ; respecte Dieu ; travaille dur ; ne baisse jamais les bras que pour manger ; aucun travail ne peut t'amputer les bras ; toute personne qui travaille trouve bonheur sur son chemin. Que l'argent ne soit pas ton objectif. Que ta mère soit moi, ton seul père. Apprend à ta sœur à être toi, à suivre tes pas. Remporte moi tous les concours et arrache moi le Baccalauréat. Prouve-moi que tu es une HABIB.
Depuis le départ de mon père, ma mère était et restera le soleil de ma vie. Celle que je copie ; puisqu'il fallait jouxter la perfection pour rendre la couronne à mon père. La fierté d'un parent c'est de voir ses enfants réussir. Aujourd'hui,« je puis tout par celui qui me fortifie»: Philippiens 4 :13 dixit. J'ai essayé de ramener ma sœur à la raison très tôt
Et si l'on a la possibilité ; Il ne faut jamais s'interdire de bien faire.