Chants créoles

Chant I

Moi l'ai cherchée.



Moi mener triste vie

Les jours;

Moi chercher une amie

Toujours.



Moi planter doux ombrage,

Et croire lui parler;

Sur le bord du rivage

Sans cesse l'appeler.



Croire qu'elle vient belle,

L'attendre chaque soir;

Dire: ce n'est pas elle!

Et moi perdre l'espoir.



Puis, errer dans ma case

Les nuits,

Et n'avoir pour extase

Qu'ennuis.



Moi haïr ma cabane,

Et le son de ma voix,

Et la rouge liane

Des bois.



Moi haïr la montagne

Et le bruit de mes pas,

Car moi vis sans compagne,

Hélas!







Chant II

Moi l'ai trouvée.



Plus mener triste vie,

Oh! plus que doux espoir;

Moi trouvé belle amie

Ce soir.



Pour couvrir nos cabanes,

Des feuilles de palmier,

Et vite des bananes,

Et des fruits d'amandier!



Des mauves demi-closes

Des tulipes, des fleurs,

Des jasmins et des roses,

Et de douces senteurs!



Moi puiser de l'eau pure

Dans le creux du rocher;

Et pour elle chercher

Quelque grenade mûre



Puis venir tout joyeux,

Auprès d'elle, et lui dire:

Quand toi viens me sourire,

Moi baiser tes beaux yeux.



Pour toi donner ma vie,

Oh! plus que doux espoir,

Moi trouvé belle amie

Ce soir.





Chant III

Je l'ai perdue



Oh! ne l'ai plus revue!

Moi veux quitter ce lieu;

Rivage où l'ai perdue,

Adieu...



Dans ma douleur amère,

N'avais plus que sanglots;

La cherchais sur la terre,

La demandais aux flots...



Moi la trouvais si belle!

Oh! moi, moi l'aimais tant!

Près d'elle

Passais si doux instant.



Mais l'ai perdue amie,

Mes pleurs me font effroi;

Plus douce voix chérie:

Echo méchant, tais-toi.



Tais-toi sur mes alarmes;

Non, non,

Toi ne dis plus mes larmes,

Quand moi voudrais son nom...



Oh! tiens, dans ma patrie,

Sans toi que désespoir...

Viens, viens, veux te revoir,

Marie!



Oh! comme t'aimerai...

T'aimerai plus encore

Que notre belle aurore,

Et toujours te dirai...



Mais ne l'ai plus revue,

Moi veux quitter ce lieu...

Rivage où l'ai perdue,

Adieu!



On ne le revit plus cherchant sa bien-aimée;

Sa cabane aux enfants inspirait des terreurs,

Et l'on ne put jamais répondre aux voyageurs

Qui demandaient pourquoi la case était fermée.



Février 1840