La nuit, tout est silencieux.
Tout est calme.
Calme ?
Non, écoute ces pleurs. Ce sont les miens.
Ce sont ceux d'une femme recroquevillée sur elle-même qui vient de subir la désillusion de la vie.
Là, seule dans un champ de lavande à l'odeur apaisante, je meurs.
Lentement d'abord.
Je me remémore les paroles de mes camarades et de mes parents qui, comme des monstres tapies dans l'ombre de cette soirée, viennent hanter mon esprit:
《 Tu es ridicule... 》
《 Une fille de riches ! 》
《 Choisis mieux ton avenir ! 》
《 Encore en train de pleurer ? 》
《 Sois sage, ne crie pas. 》
《 Tu n'as pas le droit d'avoir de complexes, tu es mince ! 》
《 Espèce d'idiote. 》
D'un geste rageur, j'envoie valser mon pied dans une touffe de fleurs.
Je peste ma peine à coups de jurons puis je me relève, l'adrénaline et la haine désespérée vibrant à plein régime dans mon sang.
Et je cours.
Je cours sans m'arrêter, vite, traversant ces allées provinciales.
Je file, le vent sifflant à mes joues.
Le noir me mord, il m'engloutit toute entière.
Personne ne me cherche à cette heure.
Je me laisse perdre dans ce néant, le visage bercé par la clarté de la lune.
On ne m'a jamais demandé comment j'allais et je n'ai jamais prétendu être heureuse.
Fatiguée, mes muscles tendus à l'extrême, je m'écroule sur la terre.
Mes mollets ont été griffés par les herbes indésirables, mes traits sont déformés par la douleur.
Une souffrance psychique qui perdurera bien plus tard que lorsque ces plaies se fermeront au petit jour.
Je ne porte qu'une petite veste sur moi qui couvre à peine le bas de mon dos.
Les températures chutent en même temps que les étoiles dans le ciel.
Je frissonne, claquant doucement des dents.
Inspire. Expire.
Je croise mes mains derrière ma nuque et m'allonge sur ce sol fertil.
Mes paupières papillonnent et sans que je ne m'en aperçoive, je m'endors profondément parmi les bourgeons mauves, dans la fraîcheur du soir qui m'accueille en son sein mieux que n'importe lequel de ces sourires hypocrites appartenant au soleil.
Non, tout n'a pas été silencieux cette nuit-là, mais moi je me suis tu.