La nuit, plutôt cette nuit-ci, je me réveille, peu après minuit. J'ai le souffle court, le cœur s'emballant, le corps tremblant. Un cauchemar m'a joué un tour, et j'ai pensé un instant, imbécilement, que la fille que j'aime tant, m'avait quittée définitivement. Mais fort heureusement, je la trouve endormie, là, tranquillement, au creux de ma vie. J'ai eu l'impression le temps d'un assoupissement, de vivre l'abandon qui m'aurait tué vivant.
Mes gouttes de sueur s'estompent et je m'approche d'elle. Je peux affirmer sans honte qu'elle est la plus belle. Je dépose un baiser sur son front, et je lui jure fidélité. C'est ainsi que se font dit-on, les amours d'éternité.
La nuit passe et je n'arrive pas à me rendormir. Je crains qu'au premier soupir, le cauchemar ne reprenne sa mauvaise farce. Ce cauchemar, cette inquiétude, ne me quitte ni le jour, ni le soir. C'est devenu une habitude de craindre son départ.
L'amour libère, la confiance embellit, mais la peur met des fers et l'angoisse assombrit. Elle dort tendrement, ne se doute de rien, et moi je l'aime infiniment, et encore plus chaque matin. L'attachement aux choses, aux personnes, fait entrer dans une psychose qui pèse des tonnes, qui ne fait pas de trêve et qui amène des mauvais rêves.
Je glisse ma main dans la sienne, mon cœur s'emballe : c'est dans ce lien physique et mental que nos deux vies tiennent. Cette fille qui se trouve à mes côtés, pour cette nuit et je l'espère pour des centaines d'autres nuitées ; je l'aime plus que jamais je ne pourrai aimer, et je l'enserre délicatement dans mes bras pour la protéger. Elle ne parle qu'avec son cœur, et ses caresses me guérissent de toutes les douleurs. Ses yeux bleus font fondre les miens et ravivent mon feu, sa voix calme berce mon cœur et invente mon bonheur. S'il faut lui conter combien je l'aime, je lui réciterais alors un poème de Verlaine : Lune blanche. Lune blanche de ma nuit, lune vers laquelle mon cœur penche lorsque son regard luit. Lune qui éclaire ma vie, lune éclair qui électrise mon envie.
Soudain, elle bouge et vient caler son bassin contre le mien. Dos à moi, en contact avec ma peau et mes bras, elle procure dans mon cerveau quelque chose qui ne s'explique pas. L'amour c'est si beau quand celle que j'aime s'appelle Célia.
Cette nuit ne ressemble pas vraiment aux autres, il me semble pour la première fois que ce lit est enfin le nôtre. Cette longue nuit passe si vite car près d'elle mon cœur palpite et l'horloge s'excite. Le temps n'a plus de valeur et les années deviennent des heures. Je laisse parcourir mes doigts sur son corps endormi et il me semble l'entendre dire « continue mon chéri ».
Ca fait du bien de se savoir aimé. Le câlin est le plus grand pouvoir de l'humanité. Il procure une confiance auparavant jamais atteinte et assure un niveau de conscience qui console toutes les craintes. Positivisme permanent, ode au sentimentalisme débordant. Cette odyssée nocturne immobile, on la vie à deux aussi intensément qu'à mille. Elle est le cygne blanc de mon lac noir et je prends chaque signe, chaque instant, comme un percement de mon brouillard.
Je m'approche de son oreille pour lui chuchoter quelques merveilles au sujet de mes pensées. « Laisse-moi, si te plait, t'emmener dans des endroits secrets, aux milles splendeurs, où il n'y aura que toi, moi et le bonheur. Un lieu où la peur n'existe nullement, où l'on vivra vieux et heureux, sans se soucier ni de l'heure, ni du temps. Laisse-moi t'emmener dans une vallée perdue, emprunte des paysages perdus que l'on ne voit plus. Il y aura un ruisseau clair aux reflets d'or, un plateau de primevères multicolore, un mazot de l'ancienne ère que le temps dévore, une forêt de bouleaux centenaires et de jeunes sycomores. Des animaux tranquilles et prospères, vivant en symbiose avec la flore. Tu verras, le temps n'aura plus de valeur, la paresse ne sera plus un défaut. Je passerai des heures à te faire des caresses au bord de l'eau. »
Ma déclaration n'est peut-être pas la plus belle, loin de là, mais elle est formelle et juste pour toi. Je n'ai jamais été doué pour écrire mais si tu écoutes mon cœur, tu entendras la mélodie des lyres venues d'ailleurs.
Je continue mes déclarations silencieuses, mon esprit les envoie dans ta tête rêveuse. L'atmosphère semble étrange, comme si je vis un rêve où tout change. La réalité semble trop belle pour être vraie, la nuit trop paisible pour que ce ne soit pas fait exprès.
J'ai soudain l'impression de quitter le sommeil, que mon corps mollasson s'éveille. Je crois comprendre ce qu'il se passe mais je continue de me voiler la face.
Je panique, je comprends la vérité et c'est dramatique ce qui est entrain de m'arriver. Dernier espoir, dernière tentative, pour ne pas finir ma vie en cauchemar qui démotive : je crie, je hurle même : Célia ma chérie, je t'aime !
Mon réveille sonne, mon lit est froid. Il n'y a personne ici à part moi. La fille que j'aime tant n'est plus là, et ce depuis des mois. La morne vie continue, les longs jours passent, mais mon cœur déchu refuse que son doux(loureux) souvenir ne s'efface.
Un rêve dans un rêve, c'est la première fois. La vie refuse de faire la trêve et se moque de moi. L'amour m'a humilié avec cette fille trop parfaite pour le garçon que je suis. Mon cœur s'est comprimé et me fait souffrir le matin, la journée et surtout la nuit...
Je suis mort intérieurement, mais vivant pour les autres gens. Personne ne se doute vraiment que moi, le garçon souriant, célibataire depuis maintenant quelques mois, puisse vouloir profondément sauter depuis sa fenêtre dans le jardin d'en bas.
La vie n'a rien de très drôle quand celle que l'on aime s'en va, et aujourd'hui mon rôle c'est de vous dire que ça ira. Ça s'arrange toujours, vous finirez par retrouver l'amour. C'est une perte éphémère, et vous retrouverez votre romantisme littéraire.
Attendez patiemment, tout vient à point à qui sait attendre. Il viendra le bon moment, vous retrouverez à coup sûr les bras de votre tendre.