Moi je suis différente. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais une extra-terrestre. Ce n'est pas comme cela que je me définirais mais elle semble aimer me qualifier ainsi. J'ai remarqué assez tôt que quelque chose dans mon comportement ne se retrouvait pas dans celui des autres. Je prends les évènements comme ils viennent, avec une surdose d'émotions, ce qui peut être assez déroutant pour mon entourage mais je pense, enfin je crois, qu'ils ont fini par s'y faire. Au fond ce n'est pas si difficile que ça de me laisser vivre de cette manière.
Cela a commencé vers mes 8 ans, au décès de ma grand-mère. Depuis, je pense que j'ai développé une sorte de bulle dans laquelle je me laisse aller. Être dehors est pour moi absolument nécessaire et primordial, c'est dans un environnement proche de la nature que je me retrouve avec moi-même et que je m'épanouie. Au début, il a été très difficile pour moi de faire le deuil, surtout que je ne réalisai pas tellement ce qui était arrivé. La seule chose que j'ai compris c'est que je ne reverrai plus ma grand-mère mais qu'elle, elle ne cessera jamais de m'observer « assise dans les nuages », voilà ce que mes parents me disaient à chaque fois que l'on parlait d'elle. En grandissant j'ai compris l'impact que cela avait eu sur moi. Je me suis toujours sentie par la suite obligée de passer au moins une heure dehors chaque jour afin que ma maminette, surnom que je lui donnais quand j'étais enfant, puisse me regarder.
Pour ma mère, ce qui est difficile à concevoir c'est qu'une simple chose me touche. Pour moi, tout ce qui apparait dans le paysage que j'observe est un signe de ma grand-mère et cela me bouleverse. Je crois qu'elle me manque d'une façon assez spéciale. Ce n'est pas un manque quotidien qui se manifeste par des souvenirs, des anecdotes, des photos... mais c'est plutôt un manque ponctuel. Sa non-présence m'est rappelée à chaque début d'automne quand les feuilles tombent. J'y vois là le signe de sa mort. Sa disparition devient alors plus profonde et me creuse à l'intérieur.
Pour ma mère, l'extra-terrestre que je suis ne peut imaginer vivre différemment et je pense que c'est en cela qu'elle me trouve différente. Je ne ressens pas ce besoin qui est dit ‘naturel' de vivre dans un monde où tout serait programmé et automatique. Je n'ai pas beaucoup d'amis. J'en ai même qu'une seule pour dire vrai. Je pense que ce qui nous lie et nous relie c'est ce manque qui est à la fois constant et décousu. Le manque d'une vie partagée avec ceux qui nous manque. Pour Mia c'est plus récent, cela s'est déclenché avec la perte de sa sœur il y a 5 ans. Nous nous sommes rencontrées en 2017 dans un groupe de soutien et d'écoute qui accompagne dans le deuil. Le décès de ma grand-mère ayant été un vrai choc pour moi, il m'était devenu nécessaire d'aider les autres dans cette étape de leur vie.
L'avoir dans ma vie m'est très bénéfique, elle y est une lumière. Entre nous ça a tout de suite été une évidence, je la comprenais et je voyais qu'elle aussi me comprenait seulement en écoutant les conseils que je lui prodiguais.
Ma mère voyait ma solitude comme un enfermement, à chaque discussion elle me le reprochait et un jour elle a même fini par me dire que je la rendais malheureuse. Alors oui je ne suis pas souvent là avec elle, je pars parfois des semaines sans donner de nouvelles mais jamais je ne m'étais imaginée la rendre triste car moi, en vivant de cette manière, je suis la plus heureuse. Je pense que le sentiment qu'elle ressent vient de la différence de ma vie par rapport à celle de mes frères et aussi car elle me voit surement comme sa mère, morte à des moments. Le fait de me rapprocher de ma grand-mère par le souvenir est pour ma mère une manière d'être morte avec elle.
Elle n'a surement jamais fait son deuil mais elle refuse d'en parler, elle se met des barrières. Je pense plutôt que c'est elle l'extra-terrestre. Elle manque cruellement de sentiments. Nous sommes les opposées et c'est cela qui la rend malheureuse. Pour elle, une fille doit être comme sa mère. Elle espérait arriver à cet objectif avec moi car entre elle et sa mère ça n'a jamais été le cas.
Je profite des choses simples, deux fois plus car je le fais pour ma grand-mère et à chaque perte c'est pareil, je me divise pour faire vivre mes proches en moi et apprécier les moments de vie car j'ai la chance d'être toujours vivante.
Au moment où j'écris, ma mère ne me parle plus, elle trouve cela préférable pour sa santé à elle. Je pense que ne plus me voir ne l'aide pas vraiment à aller mieux mais elle ne se l'avouera jamais alors je respecte son choix même si c'est dur pour moi. Finalement elle a perdu sa mère et sa fille en faisant cela, mais je suis sûre que ça ne va pas durer infiniment. Elle m'envoie des lettres parfois me disant d'attendre, qu'elle finira par revenir mais qu'il lui faut du temps. Malheureusement le temps n'est pas infini et j'ai peur qu'elle ne le comprenne que trop tard.
Je pense finalement que je suis trop différente de l'image qu'elle s'était faite de moi. Elle a toujours rêvé d'avoir une famille parfaite où chacun présente bien. C'est l'image que donne les gens qui intéresse ma mère. C'est par rapport à cela que je suis différente et imparfaite pour elle car j'ai décidé de vivre pour moi en acceptant de faire tout ce qui me rendrait meilleure sans penser à ce que les autres allaient en penser.
Je suis différente, une extra-terrestre comme elle aime le dire, mais au moins je suis pleinement moi et je ne me cache pas, je n'enfouis pas mes émotions et je vie comme je l'entends.
Cela a commencé vers mes 8 ans, au décès de ma grand-mère. Depuis, je pense que j'ai développé une sorte de bulle dans laquelle je me laisse aller. Être dehors est pour moi absolument nécessaire et primordial, c'est dans un environnement proche de la nature que je me retrouve avec moi-même et que je m'épanouie. Au début, il a été très difficile pour moi de faire le deuil, surtout que je ne réalisai pas tellement ce qui était arrivé. La seule chose que j'ai compris c'est que je ne reverrai plus ma grand-mère mais qu'elle, elle ne cessera jamais de m'observer « assise dans les nuages », voilà ce que mes parents me disaient à chaque fois que l'on parlait d'elle. En grandissant j'ai compris l'impact que cela avait eu sur moi. Je me suis toujours sentie par la suite obligée de passer au moins une heure dehors chaque jour afin que ma maminette, surnom que je lui donnais quand j'étais enfant, puisse me regarder.
Pour ma mère, ce qui est difficile à concevoir c'est qu'une simple chose me touche. Pour moi, tout ce qui apparait dans le paysage que j'observe est un signe de ma grand-mère et cela me bouleverse. Je crois qu'elle me manque d'une façon assez spéciale. Ce n'est pas un manque quotidien qui se manifeste par des souvenirs, des anecdotes, des photos... mais c'est plutôt un manque ponctuel. Sa non-présence m'est rappelée à chaque début d'automne quand les feuilles tombent. J'y vois là le signe de sa mort. Sa disparition devient alors plus profonde et me creuse à l'intérieur.
Pour ma mère, l'extra-terrestre que je suis ne peut imaginer vivre différemment et je pense que c'est en cela qu'elle me trouve différente. Je ne ressens pas ce besoin qui est dit ‘naturel' de vivre dans un monde où tout serait programmé et automatique. Je n'ai pas beaucoup d'amis. J'en ai même qu'une seule pour dire vrai. Je pense que ce qui nous lie et nous relie c'est ce manque qui est à la fois constant et décousu. Le manque d'une vie partagée avec ceux qui nous manque. Pour Mia c'est plus récent, cela s'est déclenché avec la perte de sa sœur il y a 5 ans. Nous nous sommes rencontrées en 2017 dans un groupe de soutien et d'écoute qui accompagne dans le deuil. Le décès de ma grand-mère ayant été un vrai choc pour moi, il m'était devenu nécessaire d'aider les autres dans cette étape de leur vie.
L'avoir dans ma vie m'est très bénéfique, elle y est une lumière. Entre nous ça a tout de suite été une évidence, je la comprenais et je voyais qu'elle aussi me comprenait seulement en écoutant les conseils que je lui prodiguais.
Ma mère voyait ma solitude comme un enfermement, à chaque discussion elle me le reprochait et un jour elle a même fini par me dire que je la rendais malheureuse. Alors oui je ne suis pas souvent là avec elle, je pars parfois des semaines sans donner de nouvelles mais jamais je ne m'étais imaginée la rendre triste car moi, en vivant de cette manière, je suis la plus heureuse. Je pense que le sentiment qu'elle ressent vient de la différence de ma vie par rapport à celle de mes frères et aussi car elle me voit surement comme sa mère, morte à des moments. Le fait de me rapprocher de ma grand-mère par le souvenir est pour ma mère une manière d'être morte avec elle.
Elle n'a surement jamais fait son deuil mais elle refuse d'en parler, elle se met des barrières. Je pense plutôt que c'est elle l'extra-terrestre. Elle manque cruellement de sentiments. Nous sommes les opposées et c'est cela qui la rend malheureuse. Pour elle, une fille doit être comme sa mère. Elle espérait arriver à cet objectif avec moi car entre elle et sa mère ça n'a jamais été le cas.
Je profite des choses simples, deux fois plus car je le fais pour ma grand-mère et à chaque perte c'est pareil, je me divise pour faire vivre mes proches en moi et apprécier les moments de vie car j'ai la chance d'être toujours vivante.
Au moment où j'écris, ma mère ne me parle plus, elle trouve cela préférable pour sa santé à elle. Je pense que ne plus me voir ne l'aide pas vraiment à aller mieux mais elle ne se l'avouera jamais alors je respecte son choix même si c'est dur pour moi. Finalement elle a perdu sa mère et sa fille en faisant cela, mais je suis sûre que ça ne va pas durer infiniment. Elle m'envoie des lettres parfois me disant d'attendre, qu'elle finira par revenir mais qu'il lui faut du temps. Malheureusement le temps n'est pas infini et j'ai peur qu'elle ne le comprenne que trop tard.
Je pense finalement que je suis trop différente de l'image qu'elle s'était faite de moi. Elle a toujours rêvé d'avoir une famille parfaite où chacun présente bien. C'est l'image que donne les gens qui intéresse ma mère. C'est par rapport à cela que je suis différente et imparfaite pour elle car j'ai décidé de vivre pour moi en acceptant de faire tout ce qui me rendrait meilleure sans penser à ce que les autres allaient en penser.
Je suis différente, une extra-terrestre comme elle aime le dire, mais au moins je suis pleinement moi et je ne me cache pas, je n'enfouis pas mes émotions et je vie comme je l'entends.