Moi je suis différent. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais un extra-terrestre. Pour mon père, un indésirable. Mais la vérité c'est que je n'ai jamais été doué pour obéir aux ordres, je n'ai toujours fait qu'à ma tête. Et cela m'a toujours valu des disputes avec mes proches, comme ce fut le cas ce soir là. Je me suis encore disputé avec ma compagne et pour décompresser je me suis rendu à un club dansant.
J'étais accoudé au bar, un soda à la main et mon téléphone dans l'autre. J'avais la tête ailleurs quant tout à coup une danseuse hors pair captait toute mon attention sur la piste. Robe moulante, petites bottines, elle se déhanchait sur un certain reggaeton. Ses gestes, sa posture, son allure, tout rythmait avec le morceau. Ses pas, sur le parquet, émettaient des notes inaudibles qui s'accordaient, j'imagine, avec les pulsations de mon cœur.
Pour la danse, je n'ai jamais été doué ; c'est comme si je n'avais que deux pieds gauches. Pourtant, si épris par ses pas magiques je l'invitai à danser. Ce qu'elle fit sans broncher.
- Tu danses merveilleusement bien, lui dis-je en l'enlaçant sur un morceau compas entrainant.
- Merci, tu n'es pas mal non plus.
- Merci de ce compliment que je ne crois pas mériter.
Elle sourit, sans doute pour approuver mon propos. Je lui renvoyai son sourire et en profitai pour l'attirer un peu plus contre ma poitrine. J'osais alors laisser ma main caresser le milieu de son dos que la robe dévoilait de haut jusqu'au-dessus des fesses. J'ai pris du plaisir à toucher, que dis-je, à savourer cette partie mouillée de son corps.
- C'est ta première fois ici ? lui demandai-je toujours accrocher à elle.
- Je suis toujours là. Je viens ici chaque soir et repars chaque matin. J'y viens pour danser. C'est ma manière de me sentir encore vivante à Port-au-Prince, cette capitale où tout être vivant est un macchabée ambulant, un mort en vacances.
Elle n'avait pas tort. Port-au-Prince devient de jours en jours invivable. Une ville de chaos dirigée par des politicards véreux et des groupes de malfrats de plus en plus armés. La faucheuse guette à chaque coin de rue. Dans cette marre de sang et de chair trouée, putréfiée chacun essaie de garder la tête à la surface. Vivre est un luxe pour lequel les gens se battent sans cesse. Chacun d'une façon ou d'une autre s'accroche à la vie. Ainsi, ceux qui peuvent lire, lisent. Ceux qui peuvent chanter, chantent. Ceux qui peuvent aimer, aiment. Ceux qui peuvent forniquer, forniquent et j'en passe. Elle, elle a choisi de danser. Elle dansait du soir jusqu'au matin en attendant que Port-au-Prince l'enterre.
- Pourquoi la danse ?
- Cela peut paraitre banale pour certain, mais pour moi, la danse n'est que la meilleure des thérapies. Elle me permet de panser mes plaies incurables le temps d'une soirée. Elle me permet de faire la paix avec moi-même, avec mon passé, avec...
Elle s'arrêta brusquement, comme si elle faillit me dévoiler un secret qui risquait de la trahir ou de me dévoiler un pan de son passé qu'elle ne voulait pas partager avec l'inconnu que j'étais pour elle. Alors je lui demandai son nom.
Elle sourit. Moi aussi.
- Je m'appelle Fleure, Fleur avec un e et toi ?
- Moi c'est Papillon, Papillon avec un...
- Un n dit-elle en souriant.
- Non, Papillon avec une extrême envie de t'embrasser.
Elle n'eut pas le temps de répondre, et moi, pas le temps de passer de la parole à l'acte. Le morceau fini, elle me lâcha les mains en souriant et reprit sa place auprès de ses amies dont les visages ne m'ont carrément pas intéressé. Je ne saurais les décrire.
Les morceaux se succédèrent, les danses et les couples de danseurs sur la piste également. Mais, mes yeux n'étaient rivés que sur elle. De temps en temps elle recommençait à danser avec de nouveaux cavaliers mais avec la même énergie et la même volonté de vivre. Ses yeux n'arrêtaient pas de croiser les miens. Je la mordais des yeux.
Après une partie de kizomba avec quelqu'un, elle me fit signe de la tête afin de la suivre à l'extérieur. Je ne me fis pas prier, je la suivi.
- Pourquoi tu ne m'invites plus à danser ? Me questionna-t-elle une fois en dehors du club.
- Parce que je ne veux plus danser avec toi. Répondis-je du tac au tac.
- Pourquoi ? Me demanda-t-elle, étonnée
- Parce que je veux plus que ça...ma foi ! Je veux que mon corps s'imprègne de la sueur qui glisse sur ton corps. Dis-je en manque d'inspiration.
- T'es poète ou quelque chose comme ça ? Me questionna-t- elle avec un sourire moqueur.
- Je suis sincère.
Elle resta pensive pendant un moment, puis me dit :
- Allons à La Colline.
- La colline ?
- C'est un Hôtel, tout en haut de Carrefour-feuille, on a une très belle vue de Port- au-Prince.
Ce fut mon tour d'accepter sa proposition sans broncher. Alors on prit un taxi-moto pour Carrefour feuille et en un temps qui me paru être une éternité on fut à La Colline Hôtel. L'hôtel se trouvait tout en haut de Carrefour- feuille, de la on pouvait voir Port-au-Prince ou plutôt son ombre. À l'arrière-cour de l'hôtel se trouvait une piscine, elle m'y conduit après j'ai eu fini de régler les frais de l'hôtel. La piscine était au beau milieu de fleurs et de plantes décoratives. Elle était en forme de cœur et était éclairée par de petites lumières de faible portée. Il y'avait quelques transats et des parasols un peu sens dessus dessous. Il n'y avait personne d'autres à l'horizon. Elle me fit signe de regarder au loin afin de voir la ville. On avait une vue très poétique de Port-au-Prince là-haut. On pouvait admirer ce bel affrontement perdu d'avance que la lumière (celle projetée par quelques ampoules électriques) menait contre la noirceur de Port-au-Prince.
Un plongeon me tira de ma torpeur. Elle était à moitié nue dans la piscine. C'était la première fois de la soirée que je portais une attention particulière à sa peau. Elle était...arc-en-ciel. Des traces sensuelles de vergetures couraient le long de ses côtes, des grains de beauté parsemés par ci par là sur son corps. Devant la douceur de sa peau je plongeai dans l'eau sans me soucier de mes vêtements. Je m'approchai timidement vers elle, elle passa ses bras autour de mon cou, mes mains enlacèrent sa taille, ses pommes s'agrippèrent à mes pectoraux. Ses yeux dans mes yeux, mes yeux dans ses yeux. Nos bouches s'échouèrent l'une dans l'autre. Nos langues se cherchèrent, se joignirent. Ainsi, se donna-t-elle à moi pour une danse nocturne à ciel ouvert. Une danse effrénée, langoureuse. Une lutte sensuelle entre deux ennemies qui se plaisent. Tantôt nos corps faisaient qu'un avec l'eau, tantôt nous planions au-dessus. La lune, nerveuse, rougit. Les étoiles, timides, fermèrent les yeux. Et le ciel, ému, versa quelques gouttes sur nos corps dont la chaude température faisait frémir l'eau de la piscine.
Un cliquetis derrière les plantes nous sortit de notre étreinte. Un couple de chat dont nos ébats ont peut-être troublés l'intimité a décidé de nous rendre la monnaie de notre pièce. On décida alors d'aller dans la chambre. Ainsi, continua-t-on encore et encore notre danse entraînante jusqu'à ce que fatigue s'ensuivit. Au petit jour elle s'en alla sans au revoir.
Six mois plus tard un test révéla que j'étais séropositif. En effet, j'ai bien contracté le VIH suite à cette aventure. Je n'ai pas tout de suite fait le lien avec elle. Je m'inquiétais plutôt de la manière dont j'allais gérer tout cela Je peux vous dire que sur le coup j'en ai voulu au monde entier. Je voulais me venger en transmettant le virus à toutes celles qui croiseraient mon chemin. Fort heureusement cette envie de meurtre s'estompa rapidement grâce à une travailleuse sociale. J'ai de nouveau repris gout à la vie, Je vais bien et je n'en veux à personne maintenant, même pas à Fleure. Même si je reste persuadée qu'elle était au courant de sa situation.
A défaut de savoir danser, en guise de thérapie, j'écris. Oui, j'écris en attendant que la nuit tombe sur moi à Port-au-Prince
J'étais accoudé au bar, un soda à la main et mon téléphone dans l'autre. J'avais la tête ailleurs quant tout à coup une danseuse hors pair captait toute mon attention sur la piste. Robe moulante, petites bottines, elle se déhanchait sur un certain reggaeton. Ses gestes, sa posture, son allure, tout rythmait avec le morceau. Ses pas, sur le parquet, émettaient des notes inaudibles qui s'accordaient, j'imagine, avec les pulsations de mon cœur.
Pour la danse, je n'ai jamais été doué ; c'est comme si je n'avais que deux pieds gauches. Pourtant, si épris par ses pas magiques je l'invitai à danser. Ce qu'elle fit sans broncher.
- Tu danses merveilleusement bien, lui dis-je en l'enlaçant sur un morceau compas entrainant.
- Merci, tu n'es pas mal non plus.
- Merci de ce compliment que je ne crois pas mériter.
Elle sourit, sans doute pour approuver mon propos. Je lui renvoyai son sourire et en profitai pour l'attirer un peu plus contre ma poitrine. J'osais alors laisser ma main caresser le milieu de son dos que la robe dévoilait de haut jusqu'au-dessus des fesses. J'ai pris du plaisir à toucher, que dis-je, à savourer cette partie mouillée de son corps.
- C'est ta première fois ici ? lui demandai-je toujours accrocher à elle.
- Je suis toujours là. Je viens ici chaque soir et repars chaque matin. J'y viens pour danser. C'est ma manière de me sentir encore vivante à Port-au-Prince, cette capitale où tout être vivant est un macchabée ambulant, un mort en vacances.
Elle n'avait pas tort. Port-au-Prince devient de jours en jours invivable. Une ville de chaos dirigée par des politicards véreux et des groupes de malfrats de plus en plus armés. La faucheuse guette à chaque coin de rue. Dans cette marre de sang et de chair trouée, putréfiée chacun essaie de garder la tête à la surface. Vivre est un luxe pour lequel les gens se battent sans cesse. Chacun d'une façon ou d'une autre s'accroche à la vie. Ainsi, ceux qui peuvent lire, lisent. Ceux qui peuvent chanter, chantent. Ceux qui peuvent aimer, aiment. Ceux qui peuvent forniquer, forniquent et j'en passe. Elle, elle a choisi de danser. Elle dansait du soir jusqu'au matin en attendant que Port-au-Prince l'enterre.
- Pourquoi la danse ?
- Cela peut paraitre banale pour certain, mais pour moi, la danse n'est que la meilleure des thérapies. Elle me permet de panser mes plaies incurables le temps d'une soirée. Elle me permet de faire la paix avec moi-même, avec mon passé, avec...
Elle s'arrêta brusquement, comme si elle faillit me dévoiler un secret qui risquait de la trahir ou de me dévoiler un pan de son passé qu'elle ne voulait pas partager avec l'inconnu que j'étais pour elle. Alors je lui demandai son nom.
Elle sourit. Moi aussi.
- Je m'appelle Fleure, Fleur avec un e et toi ?
- Moi c'est Papillon, Papillon avec un...
- Un n dit-elle en souriant.
- Non, Papillon avec une extrême envie de t'embrasser.
Elle n'eut pas le temps de répondre, et moi, pas le temps de passer de la parole à l'acte. Le morceau fini, elle me lâcha les mains en souriant et reprit sa place auprès de ses amies dont les visages ne m'ont carrément pas intéressé. Je ne saurais les décrire.
Les morceaux se succédèrent, les danses et les couples de danseurs sur la piste également. Mais, mes yeux n'étaient rivés que sur elle. De temps en temps elle recommençait à danser avec de nouveaux cavaliers mais avec la même énergie et la même volonté de vivre. Ses yeux n'arrêtaient pas de croiser les miens. Je la mordais des yeux.
Après une partie de kizomba avec quelqu'un, elle me fit signe de la tête afin de la suivre à l'extérieur. Je ne me fis pas prier, je la suivi.
- Pourquoi tu ne m'invites plus à danser ? Me questionna-t-elle une fois en dehors du club.
- Parce que je ne veux plus danser avec toi. Répondis-je du tac au tac.
- Pourquoi ? Me demanda-t-elle, étonnée
- Parce que je veux plus que ça...ma foi ! Je veux que mon corps s'imprègne de la sueur qui glisse sur ton corps. Dis-je en manque d'inspiration.
- T'es poète ou quelque chose comme ça ? Me questionna-t- elle avec un sourire moqueur.
- Je suis sincère.
Elle resta pensive pendant un moment, puis me dit :
- Allons à La Colline.
- La colline ?
- C'est un Hôtel, tout en haut de Carrefour-feuille, on a une très belle vue de Port- au-Prince.
Ce fut mon tour d'accepter sa proposition sans broncher. Alors on prit un taxi-moto pour Carrefour feuille et en un temps qui me paru être une éternité on fut à La Colline Hôtel. L'hôtel se trouvait tout en haut de Carrefour- feuille, de la on pouvait voir Port-au-Prince ou plutôt son ombre. À l'arrière-cour de l'hôtel se trouvait une piscine, elle m'y conduit après j'ai eu fini de régler les frais de l'hôtel. La piscine était au beau milieu de fleurs et de plantes décoratives. Elle était en forme de cœur et était éclairée par de petites lumières de faible portée. Il y'avait quelques transats et des parasols un peu sens dessus dessous. Il n'y avait personne d'autres à l'horizon. Elle me fit signe de regarder au loin afin de voir la ville. On avait une vue très poétique de Port-au-Prince là-haut. On pouvait admirer ce bel affrontement perdu d'avance que la lumière (celle projetée par quelques ampoules électriques) menait contre la noirceur de Port-au-Prince.
Un plongeon me tira de ma torpeur. Elle était à moitié nue dans la piscine. C'était la première fois de la soirée que je portais une attention particulière à sa peau. Elle était...arc-en-ciel. Des traces sensuelles de vergetures couraient le long de ses côtes, des grains de beauté parsemés par ci par là sur son corps. Devant la douceur de sa peau je plongeai dans l'eau sans me soucier de mes vêtements. Je m'approchai timidement vers elle, elle passa ses bras autour de mon cou, mes mains enlacèrent sa taille, ses pommes s'agrippèrent à mes pectoraux. Ses yeux dans mes yeux, mes yeux dans ses yeux. Nos bouches s'échouèrent l'une dans l'autre. Nos langues se cherchèrent, se joignirent. Ainsi, se donna-t-elle à moi pour une danse nocturne à ciel ouvert. Une danse effrénée, langoureuse. Une lutte sensuelle entre deux ennemies qui se plaisent. Tantôt nos corps faisaient qu'un avec l'eau, tantôt nous planions au-dessus. La lune, nerveuse, rougit. Les étoiles, timides, fermèrent les yeux. Et le ciel, ému, versa quelques gouttes sur nos corps dont la chaude température faisait frémir l'eau de la piscine.
Un cliquetis derrière les plantes nous sortit de notre étreinte. Un couple de chat dont nos ébats ont peut-être troublés l'intimité a décidé de nous rendre la monnaie de notre pièce. On décida alors d'aller dans la chambre. Ainsi, continua-t-on encore et encore notre danse entraînante jusqu'à ce que fatigue s'ensuivit. Au petit jour elle s'en alla sans au revoir.
Six mois plus tard un test révéla que j'étais séropositif. En effet, j'ai bien contracté le VIH suite à cette aventure. Je n'ai pas tout de suite fait le lien avec elle. Je m'inquiétais plutôt de la manière dont j'allais gérer tout cela Je peux vous dire que sur le coup j'en ai voulu au monde entier. Je voulais me venger en transmettant le virus à toutes celles qui croiseraient mon chemin. Fort heureusement cette envie de meurtre s'estompa rapidement grâce à une travailleuse sociale. J'ai de nouveau repris gout à la vie, Je vais bien et je n'en veux à personne maintenant, même pas à Fleure. Même si je reste persuadée qu'elle était au courant de sa situation.
A défaut de savoir danser, en guise de thérapie, j'écris. Oui, j'écris en attendant que la nuit tombe sur moi à Port-au-Prince