Moi je suis différent. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais un extra-terrestre.
Alors parfois, je m'imagine venant d'une autre planète. Cela m'arrive plus souvent que je ne voudrais me l'avouer. Par exemple, quand ma mère me dit « bleu » et que moi je comprends « rouge ». Quand certain concept m'échappe et qu'elle me l'explique patiemment. Ou bien quand je la surprends entrains de me regarder, confuse, surprise même face à mes habitudes, mes façons d'agir ou mes passe-temps qui me paraissent banale mais pourtant l'intrigue.
On pourrait presque voir les rouages tourner péniblement, et les calculs mathématiques dans ses yeux, pour me comprendre. Dans ses moment-là, je m'imagine avec des yeux incroyablement gros. Des antennes au sommet du crâne et peut-être même des écailles multicolores.
Petit, quand j'étais trop silencieux à son goût, elle me prenait dans ses bras. Et en passant une main dans mes cheveux, elle me chuchotait :
« Mais qu'es que tu caches sous tous ses cheveux ?! Va s'y, raconte-moi un peu. »
Cependant, ma mère n'est pas totalement en terre inconnue puisqu'elle a marié mon père.
Et lui aussi, c'est un extra-terrestre.
Je plains ma mère qui doit supporter nos blagues d'homme-vert et nos démonstrations ostensibles de notre logique, pas si logique que ça. Mon père et moi, nous avons les mêmes problèmes et les mêmes joies. Nos façons d'être ne nous étonnent pas et nous paraissent naturelles. Maintes fois, autour d'un repas, il est arrivé que ma mère nous regarde silencieusement parler comme si elle était attablée avec deux carpes qui glougloutent avec enthousiasme sur des sujets complètement perchés !
Margés cela, nous formons une belle équipe. Ma mère nous ramène fréquemment les pieds sur terre. Elle nous encre et chasse à coup de balais les moutons de mélancolie qui se loge dans les coins de nos cerveaux.
Et en retour nous l'emmenons découvrir des horizons autre que la courbe si familière de la terre. Mon père, meneur de nos expéditions, nous propulse loin. Au-delà de notre système solaire, des exoplanètes qui l'entourent. Au-delà de la voie lactée, vers de nouvelles galaxies. Il fonce, toujours plus loin, toujours plus vite.
Jusqu'as la panne moteur.
« Huston, nous avons un problème »
Moi, je suis un peu entre les deux. Contrairement à ma mère, j'ai rarement les pieds sur terre et contrairement à mon père, j'aime prendre mon temps et apprécier la singularité des objets que je rencontre. Je me souviens encore de cette sortie au Zoo qui reflète parfaitement notre vie quotidienne. Ma mère qui nous disait qu'il était l'heur de rentrer. Mon père qui avait déjà fait 3 fois le tour de la boutique de souvenir. Et moi qui étais perdu parce que, distrait comme je suis, je n'avais pas réussi à suivre mon père.
Elle a du mérite ma mère. C'est elle, savante, qui avec un télescope arrive à déchiffrer mes humeurs. Elle n'hésite jamais à enfiler un scaphandre pour partir en mission de sauvetage quand je me sens à la dérive dans le vide. Ma mère et moi, la plupart du temps, on ne se comprends pas. Toutefois, à elle seule, elle arrive à faire tout le travail de la salle de contrôle Jupiter. Cela m'amuse l'écouter parler des trivialités de la vie parce que grâce à elle, depuis mon hublot une nouvelle perspective s'ouvre à moi. La Terre des terriens. J'observe. Mais surtout, je prends note.
Chez entre nous, on a le droit d'être différent. Mais face aux étrangers, c'est une autre affaire.
Il faut faire rentrer les antennes, camoufler les écailles et les gros yeux doivent disparaître. Alors, tous les matins, nous sortons la malle à costume. On se prépare pour le monde extérieur. Devant un miroir, je répète mon scripte gardant en tête tous les scénarios possibles. Je sais ce qui est approprier de dire et ce que l'on attend de moi.
Dehors, on adopte les manières d'être des autre, nous sommes des terriens ! Ou du moins, nous en avons l'image... Tout est calculer et millimétré. Malheureusement, les accidents arrivent. Il se peut qu'un postiche se décolle ou qu'une antenne resurgisse.
C'est dans ses moment-là que je ressens le plus ma différence. Il y a quelque chose d'humiliant de devoir ramasser le bout d'un masque durement confectionné et de le remettre à sa place en crainte de se faire démasquer comme imposteur. Certains diront que c'est malhonnête et faux. Moi je dis que ma survie dépend de toute cette mascarade. Sans mon masque, je trouverais difficilement du travail. Je serais pointer du doigt par des enfants dans la rue et je verrais leurs mères les tirer un peu plus près d'eux. Je verrais la pitié sur leurs visages et le soulagement qu'elles n'aient pas mis un enfant comme moi au monde. En classe, je serais victime de rumeur et de mensonge. Je n'aurais plus d'amis.
Et tel un paria, j'irais manger seul dans ma navette spatiale que j'aurais garé sur le parking du lycée. Je me ferais surement renvoyer parce que je l'aurais garé sur la place du proviseur. Par accident, bien évidemment.
(Ma mère pense aussi que je suis dramatique.)
C'est de cette manière que je vie ma vie. Je n'ai pas toujours été comme ça, notamment quand j'étais petit. Quand on est gamin, ce n'est pas que l'on ne voit pas la différence. On l'accepte assez naturellement sans trop de question. Mais nous sommes constamment influencés par le regard que portent les adultes sur le monde.
Leurs préjugés changent un enfant. Parfois du jour au lendemain.
Pourtant, ce n'est pas de ma faute si je suis née avec des écailles et des antennes sur le front. J'aime la terre mais j'aime aussi les étoiles. Est-ce un crime ? Nous sommes nombreux sur terre à être diffèrent, mais nous continuons à faire semblant. Nous continuons à sortir les costumes et les phrases toute faites. Mais qui sais peut-être un jour j'oserais sortir les antennes dehors, et sur mes écailles se lèveront un jour nouveau.
Alors parfois, je m'imagine venant d'une autre planète. Cela m'arrive plus souvent que je ne voudrais me l'avouer. Par exemple, quand ma mère me dit « bleu » et que moi je comprends « rouge ». Quand certain concept m'échappe et qu'elle me l'explique patiemment. Ou bien quand je la surprends entrains de me regarder, confuse, surprise même face à mes habitudes, mes façons d'agir ou mes passe-temps qui me paraissent banale mais pourtant l'intrigue.
On pourrait presque voir les rouages tourner péniblement, et les calculs mathématiques dans ses yeux, pour me comprendre. Dans ses moment-là, je m'imagine avec des yeux incroyablement gros. Des antennes au sommet du crâne et peut-être même des écailles multicolores.
Petit, quand j'étais trop silencieux à son goût, elle me prenait dans ses bras. Et en passant une main dans mes cheveux, elle me chuchotait :
« Mais qu'es que tu caches sous tous ses cheveux ?! Va s'y, raconte-moi un peu. »
Cependant, ma mère n'est pas totalement en terre inconnue puisqu'elle a marié mon père.
Et lui aussi, c'est un extra-terrestre.
Je plains ma mère qui doit supporter nos blagues d'homme-vert et nos démonstrations ostensibles de notre logique, pas si logique que ça. Mon père et moi, nous avons les mêmes problèmes et les mêmes joies. Nos façons d'être ne nous étonnent pas et nous paraissent naturelles. Maintes fois, autour d'un repas, il est arrivé que ma mère nous regarde silencieusement parler comme si elle était attablée avec deux carpes qui glougloutent avec enthousiasme sur des sujets complètement perchés !
Margés cela, nous formons une belle équipe. Ma mère nous ramène fréquemment les pieds sur terre. Elle nous encre et chasse à coup de balais les moutons de mélancolie qui se loge dans les coins de nos cerveaux.
Et en retour nous l'emmenons découvrir des horizons autre que la courbe si familière de la terre. Mon père, meneur de nos expéditions, nous propulse loin. Au-delà de notre système solaire, des exoplanètes qui l'entourent. Au-delà de la voie lactée, vers de nouvelles galaxies. Il fonce, toujours plus loin, toujours plus vite.
Jusqu'as la panne moteur.
« Huston, nous avons un problème »
Moi, je suis un peu entre les deux. Contrairement à ma mère, j'ai rarement les pieds sur terre et contrairement à mon père, j'aime prendre mon temps et apprécier la singularité des objets que je rencontre. Je me souviens encore de cette sortie au Zoo qui reflète parfaitement notre vie quotidienne. Ma mère qui nous disait qu'il était l'heur de rentrer. Mon père qui avait déjà fait 3 fois le tour de la boutique de souvenir. Et moi qui étais perdu parce que, distrait comme je suis, je n'avais pas réussi à suivre mon père.
Elle a du mérite ma mère. C'est elle, savante, qui avec un télescope arrive à déchiffrer mes humeurs. Elle n'hésite jamais à enfiler un scaphandre pour partir en mission de sauvetage quand je me sens à la dérive dans le vide. Ma mère et moi, la plupart du temps, on ne se comprends pas. Toutefois, à elle seule, elle arrive à faire tout le travail de la salle de contrôle Jupiter. Cela m'amuse l'écouter parler des trivialités de la vie parce que grâce à elle, depuis mon hublot une nouvelle perspective s'ouvre à moi. La Terre des terriens. J'observe. Mais surtout, je prends note.
Chez entre nous, on a le droit d'être différent. Mais face aux étrangers, c'est une autre affaire.
Il faut faire rentrer les antennes, camoufler les écailles et les gros yeux doivent disparaître. Alors, tous les matins, nous sortons la malle à costume. On se prépare pour le monde extérieur. Devant un miroir, je répète mon scripte gardant en tête tous les scénarios possibles. Je sais ce qui est approprier de dire et ce que l'on attend de moi.
Dehors, on adopte les manières d'être des autre, nous sommes des terriens ! Ou du moins, nous en avons l'image... Tout est calculer et millimétré. Malheureusement, les accidents arrivent. Il se peut qu'un postiche se décolle ou qu'une antenne resurgisse.
C'est dans ses moment-là que je ressens le plus ma différence. Il y a quelque chose d'humiliant de devoir ramasser le bout d'un masque durement confectionné et de le remettre à sa place en crainte de se faire démasquer comme imposteur. Certains diront que c'est malhonnête et faux. Moi je dis que ma survie dépend de toute cette mascarade. Sans mon masque, je trouverais difficilement du travail. Je serais pointer du doigt par des enfants dans la rue et je verrais leurs mères les tirer un peu plus près d'eux. Je verrais la pitié sur leurs visages et le soulagement qu'elles n'aient pas mis un enfant comme moi au monde. En classe, je serais victime de rumeur et de mensonge. Je n'aurais plus d'amis.
Et tel un paria, j'irais manger seul dans ma navette spatiale que j'aurais garé sur le parking du lycée. Je me ferais surement renvoyer parce que je l'aurais garé sur la place du proviseur. Par accident, bien évidemment.
(Ma mère pense aussi que je suis dramatique.)
C'est de cette manière que je vie ma vie. Je n'ai pas toujours été comme ça, notamment quand j'étais petit. Quand on est gamin, ce n'est pas que l'on ne voit pas la différence. On l'accepte assez naturellement sans trop de question. Mais nous sommes constamment influencés par le regard que portent les adultes sur le monde.
Leurs préjugés changent un enfant. Parfois du jour au lendemain.
Pourtant, ce n'est pas de ma faute si je suis née avec des écailles et des antennes sur le front. J'aime la terre mais j'aime aussi les étoiles. Est-ce un crime ? Nous sommes nombreux sur terre à être diffèrent, mais nous continuons à faire semblant. Nous continuons à sortir les costumes et les phrases toute faites. Mais qui sais peut-être un jour j'oserais sortir les antennes dehors, et sur mes écailles se lèveront un jour nouveau.