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Institut Supérieur de Technologie Appliquée et de Gestion
Finaliste
Alima, l'enfant à part
Moi je suis différente. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais une extraterrestre.
Je m'appelle Alima, l'enfant à part. Depuis toute petite je suis surnommée ainsi par le village. Depuis que les anciens ont décrétés que je ne pourrai jamais faire d'enfants, parceque les ancêtres ne m'avaient pas jugés dignes de porter la vie.
D'aussi loin que je m'en souvienne, cette prophétie a toujours tout dicté dans ma vie. De comment la communauté devait se comporter avec moi, à ce qui m'était permis de faire ou pas. Elle leur a donné le droit de me priver de ma dignité.
Par exemple, ma mère ne s'est occupée de moi que jusqu'à ma septième année, avant que je sois considérée trop impure pour qu'elle puisse me toucher sans courir le risque d'attirer le malheur sur la famille. Je n'ai jamais enlacé un de mes frères, le grand sorcier a toujours dit que je leur porterait malheur.
Au sein de la communauté, je ne me porte pas mieux. Je suis différente, maudite, alors je n'ai le droit de rien faire, rien toucher, rien avoir. Je n'ai pas le droit de rire, de pleurer. De parler, de manger. De faire quoique ce soit en public sans que cela ne donne lieu à une séance d'exorcisme et de lamentations pour annuler les effets d'une quelconque malédiction que je pourrais leur avoir lancé.
Quelques mois après mon septième anniversaire, après m'avoir bâti une case, ils m'ont contraint à y emménager et a vivre seule. Avec les guerriers du village comme surveillants.
Et a chaque fois que je veux quelque chose, c'est toujours le même rituel. Je ne peux le dire qu'au grand sorcier, il ira ensuite le transmettre au chef, et ce que je souhaite me sera accordé. Toujours.
Ils ne m'ont jamais rien refusé. Rien. A part la vie, la vraie. Et lorsqu'un jour j'ai osé demander à mon tuteur pourquoi ils ne me tuaient pas, il m'a simplement répondu : "Tu es beaucoup trop impure pour qu'un d'entre nous court le risque de porter tes péchés en mettant fin à tes jours"
Pour résumer, tout le monde veut que je meurs, mais personne ne veut en être l'origine.
Au début de cette belle aventure, j'étais en colère contre tout le monde, tribu comme famille. Ensuite, j'ai été triste. Alors je me suis mise à implorer l'esprit de la mort de venir me chercher. Mais, même lui a eu peur de finir souillé par moi, l'enfant à part.
Voyant que rien ni personne ne pourrait me sauver, j'ai alors entrepris de le faire seule. Je me suis racontée des histoires dans lesquelles j'étais une héroïne aimée.
Les anciens me déclaraient fertile à ma naissance. Mes frères et moi pouvions crier et jouer jusqu'à tard le soir comme tous ces enfants que je vois au loin. Mon père pouvait manger la cola de ma dot et se vanter d'avoir une fille mariée.
Mais, même ces histoires n'ont jamais connu de dénouement heureux. Du haut de mes dix neuf années, même dans mes rêves, je n'ai pas réussi à être aimée. Chose normale, vu que je ne suis jamais passé outre l'obstacle que constituait ma mère. Elle est restée ancrée en moi. Tout d'elle est encore là, dans ma tête. Les incantations de malédiction qu'elle me récitait en guise de berceuse pour que je m'endorme, cette peur panique au fond de son regard à chaque fois que je faisais un mouvement sans son accord, son rire.
Oui. Surtout son rire à la limite de la démence à chaque fois qu'elle me défiait de me donner la mort avec cette lueur malveillante au fond du regard. "Tu es maudite et tu ne mourras jamais. Les ancêtres ne veulent pas de toi, alors ils t'ont condamnés à errer sur terre pour l'éternité. Essaye de te tuer, tu verras. Tu reviendras toujours au même point. Va y essaye voir"
Je n'ai jamais essayé, je ne voulais pas lui faire ce plaisir. Mais à chaque fois j'ai prié que les ancêtres agissent d'eux mêmes. Ils m'avaient mis dans cette situation, alors ils pouvaient au moins avoir le courage de m'en sortir dignement. Mais les bougres n'ont pas levés le petit doigt pour moi, l'enfant à part. Jamais. Même pas une fois.
Mais un jour, j'ai finalement compris. Compris que, ce n'est pas qu'ils ne pouvaient pas. Non. Ils ne voulaient simplement pas le faire. Me sauver. J'étais le malheur qu'il fallait a leurs vies, le reflet de leurs peurs les plus secrètes, les plus obscures. Et ils avaient besoin de moi pour se rassurer. Pour se conforter et continuer à se dire qu'ils étaient les privilégiés de cette vie. Que jamais un malheur aussi grand ne s'abattrait sur eux, vu que les ancêtres m'avaient déjà choisis pour ça. Que leur vie, n'était pas si terrible que ça.
Alors ils me laissent là au milieu d'eux et se rassurent par mon malheur. Moi, Alima, l'enfant à part. Je suis finalement la repentance de cette communauté qui me maudit. Ils ne le savent pas encore, mais aussi longtemps qu'ils me laisseront là au milieu d'eux, c'est moi qui règnerait sur leur paix.
Je m'appelle Alima, l'enfant à part. Depuis toute petite je suis surnommée ainsi par le village. Depuis que les anciens ont décrétés que je ne pourrai jamais faire d'enfants, parceque les ancêtres ne m'avaient pas jugés dignes de porter la vie.
D'aussi loin que je m'en souvienne, cette prophétie a toujours tout dicté dans ma vie. De comment la communauté devait se comporter avec moi, à ce qui m'était permis de faire ou pas. Elle leur a donné le droit de me priver de ma dignité.
Par exemple, ma mère ne s'est occupée de moi que jusqu'à ma septième année, avant que je sois considérée trop impure pour qu'elle puisse me toucher sans courir le risque d'attirer le malheur sur la famille. Je n'ai jamais enlacé un de mes frères, le grand sorcier a toujours dit que je leur porterait malheur.
Au sein de la communauté, je ne me porte pas mieux. Je suis différente, maudite, alors je n'ai le droit de rien faire, rien toucher, rien avoir. Je n'ai pas le droit de rire, de pleurer. De parler, de manger. De faire quoique ce soit en public sans que cela ne donne lieu à une séance d'exorcisme et de lamentations pour annuler les effets d'une quelconque malédiction que je pourrais leur avoir lancé.
Quelques mois après mon septième anniversaire, après m'avoir bâti une case, ils m'ont contraint à y emménager et a vivre seule. Avec les guerriers du village comme surveillants.
Et a chaque fois que je veux quelque chose, c'est toujours le même rituel. Je ne peux le dire qu'au grand sorcier, il ira ensuite le transmettre au chef, et ce que je souhaite me sera accordé. Toujours.
Ils ne m'ont jamais rien refusé. Rien. A part la vie, la vraie. Et lorsqu'un jour j'ai osé demander à mon tuteur pourquoi ils ne me tuaient pas, il m'a simplement répondu : "Tu es beaucoup trop impure pour qu'un d'entre nous court le risque de porter tes péchés en mettant fin à tes jours"
Pour résumer, tout le monde veut que je meurs, mais personne ne veut en être l'origine.
Au début de cette belle aventure, j'étais en colère contre tout le monde, tribu comme famille. Ensuite, j'ai été triste. Alors je me suis mise à implorer l'esprit de la mort de venir me chercher. Mais, même lui a eu peur de finir souillé par moi, l'enfant à part.
Voyant que rien ni personne ne pourrait me sauver, j'ai alors entrepris de le faire seule. Je me suis racontée des histoires dans lesquelles j'étais une héroïne aimée.
Les anciens me déclaraient fertile à ma naissance. Mes frères et moi pouvions crier et jouer jusqu'à tard le soir comme tous ces enfants que je vois au loin. Mon père pouvait manger la cola de ma dot et se vanter d'avoir une fille mariée.
Mais, même ces histoires n'ont jamais connu de dénouement heureux. Du haut de mes dix neuf années, même dans mes rêves, je n'ai pas réussi à être aimée. Chose normale, vu que je ne suis jamais passé outre l'obstacle que constituait ma mère. Elle est restée ancrée en moi. Tout d'elle est encore là, dans ma tête. Les incantations de malédiction qu'elle me récitait en guise de berceuse pour que je m'endorme, cette peur panique au fond de son regard à chaque fois que je faisais un mouvement sans son accord, son rire.
Oui. Surtout son rire à la limite de la démence à chaque fois qu'elle me défiait de me donner la mort avec cette lueur malveillante au fond du regard. "Tu es maudite et tu ne mourras jamais. Les ancêtres ne veulent pas de toi, alors ils t'ont condamnés à errer sur terre pour l'éternité. Essaye de te tuer, tu verras. Tu reviendras toujours au même point. Va y essaye voir"
Je n'ai jamais essayé, je ne voulais pas lui faire ce plaisir. Mais à chaque fois j'ai prié que les ancêtres agissent d'eux mêmes. Ils m'avaient mis dans cette situation, alors ils pouvaient au moins avoir le courage de m'en sortir dignement. Mais les bougres n'ont pas levés le petit doigt pour moi, l'enfant à part. Jamais. Même pas une fois.
Mais un jour, j'ai finalement compris. Compris que, ce n'est pas qu'ils ne pouvaient pas. Non. Ils ne voulaient simplement pas le faire. Me sauver. J'étais le malheur qu'il fallait a leurs vies, le reflet de leurs peurs les plus secrètes, les plus obscures. Et ils avaient besoin de moi pour se rassurer. Pour se conforter et continuer à se dire qu'ils étaient les privilégiés de cette vie. Que jamais un malheur aussi grand ne s'abattrait sur eux, vu que les ancêtres m'avaient déjà choisis pour ça. Que leur vie, n'était pas si terrible que ça.
Alors ils me laissent là au milieu d'eux et se rassurent par mon malheur. Moi, Alima, l'enfant à part. Je suis finalement la repentance de cette communauté qui me maudit. Ils ne le savent pas encore, mais aussi longtemps qu'ils me laisseront là au milieu d'eux, c'est moi qui règnerait sur leur paix.
Pourquoi on a aimé ?
Ce qui fait la force de ce texte, c’est avant tout le détachement avec lequel la narratrice nous fait part de son histoire effroyable, qu’elle
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Pourquoi on a aimé ?
Ce qui fait la force de ce texte, c’est avant tout le détachement avec lequel la narratrice nous fait part de son histoire effroyable, qu’elle