À Madame de Grignan (juin 1685)

À Madame de Grignan - Aux Rochers, mercredi 13ème juin 1685. ’’Réponse au 9.’’

Per tornar dunque al nostro proposito, je vous dirai, ma bonne, que vous me traitez mal de croire que je puisse avoir regret au port du livre du carrousel. Jamais un paquet ne fut reçu et payé plus agréablement ; nous en avons fait nos délices depuis que nous l’avons. Je suis assurée qu’à Paris je ne l’aurais lu qu’en courant et superficiellement. Je me souviens de ce pays-là ; tout y est pressé, poussé. Une pensée, une affaire, une occupation pousse ce qui est devant elle.

Ce sont des vagues ; la comparaison du fleuve est juste. Nous sommes ici dans un lac ; nous nous sommes reposés dans ce carrousel. Nous avons raisonné sur les devises. Répondez à nos questions. Celle d’un chien qui ronge un os, faute de mieux, nous trouble tout à fait. Nous serons cause que vous lirez ce livre ! Je trouve bien plaisant la petite course dont les deux jambons de M. de Luxembourg font le prix. Le Bien Bon s’est écrié sur cet endroit, et regrette de n’être pas un des paladins. M. le duc de Bourbon était-il bien joli ? De bonne foi, comment paraissait-il ? Approche-t-il de la taille du Marquis ? Ah ! j’ai bien peur que non. Je m’y suis affectionnée ; je suis triste de tant de grandeurs et tant de disgrâce du côté de la taille. On dit qu’il y aura encore une belle fête à la noce, et des chevaliers plus choisis. Je dirai à Mme de La Fayette ce que vous me dites du sien ; elle en sera ravie. Elle se plaint tendrement de ne vous voir plus, et dit que vous êtes partout belle comme un ange, et toujours cette beauté ; je ne fais jamais retourner ce que vous m’écrivez que de cette manière, et jamais pour rien gâter.

Mme de La Troche me mande que Mme de Moreuil entra mercredi dans le carrosse de Madame la Dauphine, et que l’on croit que c’est pour être dame d’honneur de Madame la Duchesse, parce que le Roi a dit qu’il voulait que celle qui la serait y entrât par elle-même, et tout le monde juge que, sans cela, rien ne pressait de lui accorder ce qu’elle demandait depuis si longtemps. Je souhaite qu’elle ait cette place ; vous savez que je lui ai donné ma voix il y a longtemps.

Pour des vapeurs, ma très aimable bonne, je voulus, ce me semble, en avoir l’autre jour. Je pris huit gouttes d’essence d’urine et, contre son ordinaire, elle m’empêcha de dormir toute la nuit, mais j’ai été bien aise de reprendre de l’estime pour elle. Je n’en ai pas eu besoin depuis. En vérité, je serais ingrate si je me plaignais. Elles n’ont pas voulu m’accabler pendant que j’étais occupée à ma jambe ; c’eût été un procédé peu généreux. Pour cette jambe, voici le fait : il n’y a plus aucune plaie, il y a longtemps, mais l’endroit était demeuré si dur, et tant de sérosités y avaient été recognées par des eaux froides que nos chers pères l’ont voulu traiter à loisir, sans me contraindre, et en me jouant, avec ces herbes, que l’on retire deux fois le jour toutes mouillées. On les enterre, et à mesure qu’elles pourrissent, riez-en si vous voulez, cet endroit sue et s’amollit, et ainsi, par une douce et insensible transpiration, avec des lessives d’herbes fines et de la cendre, je guéris la jambe du monde la plus maltraitée par le passé, et je ne crois pas qu’il y ait rien de plus aimable pour moi qu’une sorte de traitement qui est sûr, et qui n’est ni contraignant ni dégoûtant, et qui me donne tous les jours le plaisir de me voir guérir sans onguents, sans garder un moment la chambre. C’est dommage que vous n’alliez conter cela à des chirurgiens ; ils pâmeraient de rire, mais moi, je me moque d’eux.

Vous voulez savoir où j’ai été aujourd’hui ? J’ai été à la place Madame ; j’ai fait deux tours de mail avec les joueurs. Ah ! mon cher Comte, je songe toujours à vous, et quelle grâce vous avez à pousser cette boule. Je voudrais que vous eussiez à Grignan une aussi belle allée. J’irai tantôt au bout de la grande allée voir Pilois qui lui fait un beau degré de gazon pour descendre à la porte qui va dans le grand chemin. Ma bonne, vous voilà instruite de reste, vous ne direz pas que je vous cache des vérités, que je ne fais que mentir. Vous en savez autant que moi.

Oui, nos capucins sont fidèles à leurs trois voeux. Leur voyage d’Egypte, où l’on voit tant de femmes comme Eve, les en ont dégoûtés pour le reste de leurs jours. Enfin leurs plus grands ennemis ne touchent pas à leurs moeurs, et c’est leur éloge, étant haïs comme ils le sont. Ils ont remis sur pied une de ces deux femmes qui étaient mortes.

Parlons de M. de Chaulnes. Il m’a écrit que les Etats sont à Dinan, et qu’il les fait commencer le premier jour d’août pour avoir le temps de m’enlever au commencement de septembre, et puis mille folies de vous, qu’il vous a réduite au point qu’il désirait, que vous êtes coquette avec lui, et que bientôt... Enfin il est d’une gaillardise qui me ravit, car en vérité, j’aime ces bons Gouverneurs. La femme me dit encore mille petits secrets. Je ne comprends point comme on peut les haïr, et les envier, et les tourmenter ; je suis fort aise que vous vous trouviez insensiblement dans leurs intérêts. Si les Etats eussent été à Saint-Brieuc, c’eût été un dégoût épouvantable. Il faut voir qui sera le commissaire ; ils ont encore ce choix à essuyer. Si vous êtes dans leur confiance, ils ont bien des choses à vous dire, car rien n’est égal à l’agitation qu’ils ont eue depuis quelque temps.

Pour M. Bruan, le Bien Bon dit que ce n’est point un homme à recevoir une pistole pour une conférence ; d’en donner deux, ce serait trop. Il faut savoir de M. Le Cour, qui l’a souvent consulté, et de M. de La Trousse, qui ne le paiera qu’à la fin de son bâtiment. A-t-il fait un devis ? On donne plus ou moins selon la peine. Il est difficile de dire précisément d’ici ce qu’il lui faut. Pour moi, je vous conseille de nous attendre ; ce n’est pas un homme qu’on paie jour à jour. Pour votre chambre, ma bonne, je comprends qu’elle est fort bien avec tout ce que vous me mandez. Si la sagesse ne faisait point fermer les yeux sur tout ce qui convient à la magnificence des autres et à la qualité, on ne se laisserait pas tomber en pauvreté. Je sais le plaisir d’orner une chambre ; j’y aurais succombé, sans le scrupule que j’ai toujours fait d’avoir des choses qui ne sont pas nécessaires quand on n’a pas les nécessaires.

J’ai préféré de payer des dettes, et je crois que la conscience oblige, non seulement à cette préférence, mais à la justice de n’en pas faire de nouvelles. Ainsi je blâme, maternellement et en bonne amitié, l’envie qu’a M. de Grignan de vous donner un autre miroir. Contentez-vous, ma chère bonne, de celui que vous avez. Il convient à votre chambre, qui est encore bien imparfaite. Il est à vous par bien des titres, et tout mon regret, c’est de ne vous en avoir donné que la glace. J’aurais été bien aise, il y a longtemps, de le faire ajuster comme vous avez fait. Jouissez donc, ma bonne, de votre dépense sans en faire une plus grande, qui serait superflue et contre les bonnes moeurs dont nous faisons profession.

Je voudrais que Corbinelli ne vous eût point dit un mot du Doge, que je présente à Monsieur le Chevalier.

’’Au Chevalier de Grignan’’

On lui demanda ce qu’il trouvait de rare et d’extraordinaire à la cour et à Paris. Il répondit que c’était lui. Monsieur, vous m’en voulez d’ailleurs, ou vous êtes malade, si vous ne trouvez cela juste et plaisant. Mais hélas ! oui, mon pauvre Monsieur, vous êtes malade. Je serais fort bien avec vous si vous saviez combien je suis touchée de la tristesse de votre état. J’en vois toutes les conséquences, et j’en suis triste à loisir, car ici toutes les pensées ont leur étendue ; elles ne sont ni détournées ni effacées. Concevez donc une bonne fois ce que je sens sur votre sujet. Vous irez à Livry. Vous y marcherez au moins ; ne me parlez point d’être porté dans une chaise. Un menin est bien étonné d’être si accablé au lieu de briller au carrousel. Ô Providence !

Ma bonne, voyez un peu comme s’habillent les hommes pour l’été. Je vous prierai de m’envoyer d’une étoffe jolie pour votre frère, qui vous conjure de le mettre du bel air, sans dépense, savoir comme on porte les manches, choisir aussi une garniture, et envoyer le tout pour recevoir nos Gouverneurs. Mon fils a un très bon tailleur ici. M. du Plessis vous donnera de l’argent du bon Abbé pour les rubans, car avec un petit billet que j’écrirai à Gautier, à qui je ne dois rien, il attendra mon retour. Je vous prie aussi de consulter Mme de Chaulnes pour l’habit d’été qu’il me faut pour l’aller voir à Rennes, car pour les Etats, ma chère bonne, je vous en remercie. Je reviendrai ici commencer à faire mes paquets pour me préparer à la grande fête de vous revoir et de vous embrasser mille fois. Mme de Chaulnes en sera bien d’accord. J’ai un habit de taffetas brun piqué, avec des campanes d’argent aux manches un peu relevées, et au bas de la jupe, mais je crois que ce n’est plus la mode, et il ne se faut pas jouer à être ridicule à Rennes où tout est magnifique. Je serai ravie d’être habillée dans votre goût, ayant toujours pourtant l’économie et la modestie devant les yeux. Je ne veux point de Toupris. Rien que la bonne Mme Dio ; elle a ma mesure. Vous saurez mieux que moi quand il faudra cet habit, car vous verrez le départ des Chaulnes, et je courrai à Rennes pour les voir. En vérité, je serais ingrate si je ne les aimais. Tous les ingrats qu’ils ont faits en ce pays me font horreur, et je ne voudrais pas leur ressembler.

On nous mande (ceci est fuor di proposito, mais ma plume le veut) que les minimes de votre Provence ont dédié une thèse au Roi où ils le comparent à Dieu, mais d’une manière où l’on voit clairement que Dieu n’est que la copie. On l’a montrée à Monsieur de Meaux, qui l’a montrée au Roi disant que Sa Majesté ne doit pas la souffrir. Il a été de cet avis. On l’a renvoyée en Sorbonne pour juger ; elle a dit qu’il la fallait supprimer. Trop est trop. Je n’eusse jamais soupçonné des minimes d’en venir à cette extrémité.

J’aime à vous mander des nouvelles de Versailles et de Paris, ignorante.

Vous conservez une approbation romanesque pour les princes de Conti. Pour moi, qui ne l’ai plus, je les blâme de quitter un tel beau-père, de ne pas se fier à lui pour leur faire voir assez de guerre. Eh, mon Dieu ! ils n’ont qu’à prendre patience et jouir de la belle place où Dieu les a mis. Personne ne doute de leur courage. À quel propos faire les aventuriers et les chevaux échappés ? Leurs cousins de Condé n’ont pas manqué d’occasions de se signaler ; ils n’en manqueraient pas aussi. Et con questo je finis, ma très aimable et très chère bonne, toute pleine de tendresse pour vous, dévorant par avance le mois de septembre où nous touchons, car vous voyez comme tout cela va. Quand M. du Plessis se sera bien promené dans notre parc, il vous le donnera ; il l’a reçu, et vous lui ferez comprendre et à Mlle d’Alérac nos grandes allées droites tout de travers.

Le Bien Cher vous aime comme il a toujours fait ; il lui prend des furies d’envie de voir Pauline qui me font rire. Votre frère, votre belle-soeur, que ne vous disent-ils point ? Ils vous assurent que le Tranquille ne se sert que de sa boîte pour guérir efficacement. Je ne crois pas qu’il vienne ici. Ils sont trop occupés à Rennes. Ils me disent de continuer toujours, en me jouant et en marchant, leurs aimables remèdes. J’embrasse mille fois encore ma chère bonne.

’’Pour ma chère Comtesse.’’

70.A Madame de Grignan - Aux Rochers, dimanche 17ème juin 1685.

Que je suis aise que vous soyez à Livry, ma très chère bonne, et que vous y ayez un esprit débarrassé de toutes les pensées de Paris ! Quelle joie de pouvoir chanter ma chanson quand ce ne serait que pour huit ou dix jours ! Vous nous dites mille douceurs, ma bonne, sur les souvenirs tendres et trop aimables que vous avez du bon Abbé et de votre pauvre maman. Je ne sais où vous pouvez trouver si précisément tout ce qu’il faut toujours penser et dire. C’est, en vérité, dans votre c½ur ; c’est lui qui ne manque jamais, et quoi que vous ayez voulu dire autrefois à la louange de l’esprit qui veut le contrefaire, il manque, il se trompe, il bronche à tout moment. Ses allures ne sont point égales, et les gens éclairés par leur c½ur n’y sauraient être trompés. Vive donc ce qui vient de ce lieu, et entre tous les autres, vive ce qui vient si naturellement de chez vous !

Vous me charmez en me renouvelant les idées de Livry. Livry et vous, en vérité, c’est trop, et je ne tiendrais pas contre l’envie d’y retourner si je ne me trouvais toute disposée pour y retourner avec vous à ce bienheureux mois de septembre. Peut-être n’y retournerez-vous pas plus tôt ; vous savez ce que c’est que Paris, les affaires et les infinités de contretemps qui vous empêchent d’y aller. Enfin me revoilà dans le train d’espérer de vous y voir. Mais, bon Dieu ! que me dites-vous, ma chère bonne ? le c½ur m’en a battu. Quoi ? ce n’est que depuis la résolution qu’a prise Mlle de Grignan, de ne s’expliquer qu’au mois de septembre que vous êtes assurée de m’attendre ! Comment ? vous me trompiez donc, et il aurait pu être possible qu’en retournant dans deux mois, je ne vous eusse plus trouvée ! Cette pensée me fait transir et me paraît contre la bonne foi. Effacez-la-moi, je vous en conjure ; elle me blesse, tout impossible que je la vois présentement, mais ne laissez pas de m’en redire un mot. Ô sainte Grignan, que je vous suis obligée si c’est à vous que je dois cette certitude !

Revenons à Livry. Vous m’en paraissez entêtée. Vous avez pris toutes mes préventions,

Je reconnais mon sang ...
Je suis ravie que cet entêtement vous dure au moins toute l’année. Que vous êtes plaisante avec ce rire du père prieur, et cette tête tournée qui veut dire une approbation ! Le Bien Bon souhaite que du Harlay vous serve aussi bien dans le pays qu’il vous a bien nettoyé et parfumé les jardins. Mais où prenez-vous, ma bonne, qu’on entende des rossignols le 13ème de juin ? Hélas ! ils sont tous occupés du soin de leur petit ménage. Il n’est plus question ni de chanter ni de faire l’amour ; ils ont des pensées plus solides. Je n’en ai pas entendu un seul ici. Ils sont en bas vers ces étangs, vers cette petite rivière, mais je n’ai pas tant battu de pays, et je me trouve trop heureuse d’aller en toute liberté dans ces belles allées de plain-pied.

Il faut tout de suite parler de ma jambe, et puis nous reviendrons encore à Livry. Non, ma bonne, il n’y a plus nulle sorte de plaie, il y a longtemps, mais ces pères voulaient faire suer cette jambe pour la désenfler entièrement, et amollir l’endroit où étaient ces plaies, qui était dur. Ils ont mieux aimé, avec un long temps, insensiblement me faire transpirer toutes ces sérosités, par ces herbes qui attirent de l’eau, et ces lessives et ces lavages ; et à mesure que je continue ces remèdes, ma jambe redevient entièrement dans son naturel, sans douleur, sans contrainte. On étale l’herbe sur un linge et on le pose sur ma jambe, et on l’enterre après une demi-heure. Je ne crois pas qu’on puisse guérir plus agréablement un mal de sept ou huit mois. La princesse, qui est habile, en est contente, et s’en servira dans les occasions. Elle vint hier ici avec une grande emplâtre sur son pauvre nez, qui a pensé en vérité être cassé. Elle me dit tout bas qu’elle venait de recevoir cette petite boîte de thériaque céleste, qu’elle vous donne avec plaisir. J’irai la prendre demain dans son parc, où elle est établie ; c’est le plus précieux présent qu’on puisse faire. Parlez-en à Madame, quand vous ne saurez que lui dire. Elle croit que Madame l’Electrice pourrait bien venir en France si on l’assure qu’elle pourra vivre et mourir dans sa religion, c’est-à-dire qu’on lui laisse la liberté de se damner. Elle nous a parlé du carrousel. Je me doutais bien, ma bonne, que nous étions ridicules de tant retortiller sur ce livre. Je vous l’ai mandé ; je le disais à votre frère. Il en était assez persuadé, mais nous avons cru qu’il suffisait d’avoir fait cette réflexion, et qu’en faveur des Rochers, nous pouvions nous y amuser un peu plus que de raison. Nous nous souvenons encore fort distinctement comme tout cela passe vite à Paris, mais nous n’y sommes pas, et vous aurez fait conscience de vous moquer de nous.

Parlons de Livry. Vous couchez dans votre chambre ordinaire, M. de Grignan dans la mienne, celle du Bien Bon est pour les survenants, Mlle d’Alérac au-dessus, le Chevalier dans la grande blanche, et le Marquis au pavillon. N’est-il pas vrai, ma bonne ? Je vais donc dans tous ces lieux embrasser tous les habitants et les assurer que, s’ils se souviennent de moi, je leur rends bien ce souvenir avec une sincère et véritable amitié. Je souhaite que vous y retrouviez tous ce que vous y cherchez, mais je vous défends de parler encore de votre jeunesse comme d’une chose perdue. Laissez-moi ce discours ; quand vous le faites, il me pousse trop loin et tire à de grandes conséquences.

Je vous prie, ma chère bonne, de ne point retourner à Paris pour les commissions dont nous vous importunons, votre frère et moi. Envoyez Anfossy chez Gautier, qu’il vous envoie des échantillons ; écrivez à la d’Escars. Enfin, ma bonne, ne vous pressez point, ne vous dérangez point. Vous avez du temps de reste ; il ne faut que deux jours pour faire mon manteau, et l’habit de mon fils se fera en ce pays. Au nom de Dieu, ne raccourcissez point votre séjour ; jouissez de cette petite abbaye pendant que vous y êtes et que vous l’avez. J’ai écrit à la d’Escars pour vous soulager, et lui envoie un échantillon d’une doublure or et noir qui ferait peut-être un joli habit sans doublure, une frangée d’or au bas ; elle me coûtait sept livres. En voilà trop sur ce sujet ; vous ne sauriez mal faire, ma chère bonne.

Nous avons ici une lune toute pareille à celle de Livry. Nous lui avons rendu nos devoirs, et c’est passer une galerie que d’aller au bout du mail. Cette place Madame est belle. C’est comme un grand belvédère d’où la campagne s’étend à trois lieues d’ici à une forêt de M. de La Trémouille. Mais elle est encore plus belle, cette lune, sous les arbres de votre abbaye. Je la regarde, et je songe que vous la regardez. C’est un étrange rendez-vous, ma chère mignonne ; celui de Bâville sera meilleur.

Si vous avez M. de La Garde, dites-lui bien des amitiés pour moi. Vous me parlez de Polignac comme d’un amant encore sous vos lois ; un an n’aura guère changé cette noce. Dites-moi donc comme le Chevalier marche et comme ce Comte se trouve de sa fièvre. Ma chère bonne, Dieu vous conserve parmi tant de peines et de fatigues ! Je vous baise des deux côtés de vos belles joues, et suis entièrement à vous, et le Bien Bon. Il est ravi que vous aimiez sa maison. Je baise la belle d’Alérac et mon Marquis. Comment M. du Plessis est-il avec vous ? Dites-moi un mot.

Mon fils et sa femme vous honorent et vous aiment, et je conte souvent ce que c’est que cette Mme de Grignan. Cette petite femme dit : « Mais, madame, y a-t-il des femmes faites comme cela ? »

’’Pour ma très chère.’’