À Guitaut - À Livry, samedi 7ème octobre 1679.
Quand elle n’a point le sang en furie et brûlé à l’excès, elle n’a point cette colique. Ainsi, quelque naturelle qu’elle soit, quand elle a des douleurs, il faut tout craindre, puisque c’est de ce sang que viennent tous ses maux. Elle est arrivée à Grignan après des fatigues encore. Ils eurent le vent contraire sur le Rhône ; vous n’en doutez pas. Ils couchèrent dans un pouillier où il fallut encore se remettre sur la paille. Mais elle a pris Pauline à Valence en passant. Savez-vous le mérite de Pauline ? Pauline est une personne admirable. Elle n’est pas si belle que la Beauté, mais elle a des manières ; c’est une petite fille à manger. Elle me mande qu’elle craint de s’y attacher, et qu’elle me la souhaiterait sans qu’elle est assurée qu’elle lui couperait l’herbe sous le pied. Je suis fort aise qu’elle ait cet amusement. Elle me dit qu’elle se porte bien, mais je n’en crois rien du tout, et personne ne m’écrit qu’elle. Montgobert a eu le courage de s’embarquer sur le Rhône avec la fièvre continue. J’estime bien le courage et l’affection de cette fille. Voilà bien parlé, Dieu merci, de ce qui me tient au cœur ; cela n’est guère honnête, mon cher Monsieur. Je crains que Mme de Guitaut ne se moque de moi ; elle aurait raison. Je lui fais mille excuses de cette impolitesse, et je l’embrasse de tout mon cœur avec sa permission.
Vous ferez très bien et très sagement et très politiquement de ne rien révéler de tout ce que vous savez à M. de Caumartin ; je ne m’en soucie point du tout. J’ai voulu vous parler à cœur ouvert. Je l’ai fait ; je suis contente. Il me semble que vous aimez assez ma naïveté. Nous avons la bride sur le cou présentement, car du temps de notre impénétrable ami, nous n’eussions jamais osé. Venez, venez dans la chambre de ma fille, nous en dirons bien d’autres.
Notre bon Abbé vous assure de ses services. Il se porte parfaitement bien ; cet Anglais lui a encore guéri un gros rhume qui lui était resté, aussi bien que sa fièvre. Son heure n’était pas marquée, et les autres l’étaient. Voilà tout ce qu’on peut dire.
’’A Monsieur, Monsieur le comte de Guitaut, chevalier des ordres du Roi, à Epoisses, à Semur.’’
À Guitaut - À Livry, mardi 24ème octobre 1679.
Vous n’avez donc pas eu M. de Caumartin ? Quelle raison vous a-t-il donnée pour ne point faire un voyage si naturel et si bien placé ? Il me semble que l’amitié qui est entre vous les devait conduire tout droit à Epoisses. Pour moi, Monsieur, je suis dans cette forêt solitaire et triste comme vous savez. J’ai quelque envie de tourner mon intention du côté d’une retraite pour me préparer à la bonne fête de la Toussaint. Jusqu’ici, j’en ai fait une caverne de larrons, c’est-à-dire un lieu où j’ai passé plusieurs jours dans un horrible chagrin. Je voudrais bien faire de tout cela un sacrifice à Dieu, et l’offrir comme une pénitence ; avec de telles vues, on rendrait bon tout ce qui est mauvais. Cette comtesse me revient toujours au cœur et à l’esprit. Elle a de cruels maux de jambes ; c’est l’humeur de cette poitrine qui se jette là. Elle est toujours d’une maigreur qui me fait trembler. Elle me cache la moitié de ses maux, et l’éloignement fait qu’on n’a jamais de repos. Elle vous demande de l’eau de Sainte-Reine ; je crois que vous l’avez déjà envoyée. Il faut croire qu’elle en a besoin. Ils sont présentement, selon mes supputations, à leur petite Assemblée. M. de Vendôme n’y va point encore cette année ; ils enterreront la synagogue. Après cela, je leur conseille bien de régler leurs affaires de si bonne manière qu’ils puissent être à Paris comme les autres, et que ma fille ne soit occupée que du soin de rétablir sa santé, s’il est possible. N’êtes-vous pas de cet avis ?
J’ai été quelques jours à Paris. Je serai ici jusqu’après la Toussaint. On ne parle que de M. et de Mme de Ventadour. Vous avez de trop bons correspondants, ou correspondantes, pour se mêler de vous dire des nouvelles. Ou vous viendrez en apprendre vous-même, ou l’on vous en contera cet hiver. Que je vous admire, et que vous êtes sage d’être chez vous, pour les raisons qui vous y font demeurer ! Mais quand elles cessent, on a quelque plaisir à revoir ses amis. En vérité, vous êtes un des hommes du monde qui me convient le plus.
Madame, voulez-vous bien que je le dise, et que j’avoue, comme il le disait l’autre jour, que c’est un grand bonheur, ou un grand malheur, que nous ne nous soyons pas rencontrés plus tôt ? Le bon Abbé vous assure tous deux de ses respects. Il se porte très bien ; son heure n’était pas marquée. Il faut jouir de cet été Saint-Martin que la Providence lui donne encore. Aimez-moi, je vous en conjure, puisque vous m’avez embarquée à vous aimer très sincèrement.
M.R.C.
Quand elle n’a point le sang en furie et brûlé à l’excès, elle n’a point cette colique. Ainsi, quelque naturelle qu’elle soit, quand elle a des douleurs, il faut tout craindre, puisque c’est de ce sang que viennent tous ses maux. Elle est arrivée à Grignan après des fatigues encore. Ils eurent le vent contraire sur le Rhône ; vous n’en doutez pas. Ils couchèrent dans un pouillier où il fallut encore se remettre sur la paille. Mais elle a pris Pauline à Valence en passant. Savez-vous le mérite de Pauline ? Pauline est une personne admirable. Elle n’est pas si belle que la Beauté, mais elle a des manières ; c’est une petite fille à manger. Elle me mande qu’elle craint de s’y attacher, et qu’elle me la souhaiterait sans qu’elle est assurée qu’elle lui couperait l’herbe sous le pied. Je suis fort aise qu’elle ait cet amusement. Elle me dit qu’elle se porte bien, mais je n’en crois rien du tout, et personne ne m’écrit qu’elle. Montgobert a eu le courage de s’embarquer sur le Rhône avec la fièvre continue. J’estime bien le courage et l’affection de cette fille. Voilà bien parlé, Dieu merci, de ce qui me tient au cœur ; cela n’est guère honnête, mon cher Monsieur. Je crains que Mme de Guitaut ne se moque de moi ; elle aurait raison. Je lui fais mille excuses de cette impolitesse, et je l’embrasse de tout mon cœur avec sa permission.
Vous ferez très bien et très sagement et très politiquement de ne rien révéler de tout ce que vous savez à M. de Caumartin ; je ne m’en soucie point du tout. J’ai voulu vous parler à cœur ouvert. Je l’ai fait ; je suis contente. Il me semble que vous aimez assez ma naïveté. Nous avons la bride sur le cou présentement, car du temps de notre impénétrable ami, nous n’eussions jamais osé. Venez, venez dans la chambre de ma fille, nous en dirons bien d’autres.
Notre bon Abbé vous assure de ses services. Il se porte parfaitement bien ; cet Anglais lui a encore guéri un gros rhume qui lui était resté, aussi bien que sa fièvre. Son heure n’était pas marquée, et les autres l’étaient. Voilà tout ce qu’on peut dire.
’’A Monsieur, Monsieur le comte de Guitaut, chevalier des ordres du Roi, à Epoisses, à Semur.’’
À Guitaut - À Livry, mardi 24ème octobre 1679.
Vous n’avez donc pas eu M. de Caumartin ? Quelle raison vous a-t-il donnée pour ne point faire un voyage si naturel et si bien placé ? Il me semble que l’amitié qui est entre vous les devait conduire tout droit à Epoisses. Pour moi, Monsieur, je suis dans cette forêt solitaire et triste comme vous savez. J’ai quelque envie de tourner mon intention du côté d’une retraite pour me préparer à la bonne fête de la Toussaint. Jusqu’ici, j’en ai fait une caverne de larrons, c’est-à-dire un lieu où j’ai passé plusieurs jours dans un horrible chagrin. Je voudrais bien faire de tout cela un sacrifice à Dieu, et l’offrir comme une pénitence ; avec de telles vues, on rendrait bon tout ce qui est mauvais. Cette comtesse me revient toujours au cœur et à l’esprit. Elle a de cruels maux de jambes ; c’est l’humeur de cette poitrine qui se jette là. Elle est toujours d’une maigreur qui me fait trembler. Elle me cache la moitié de ses maux, et l’éloignement fait qu’on n’a jamais de repos. Elle vous demande de l’eau de Sainte-Reine ; je crois que vous l’avez déjà envoyée. Il faut croire qu’elle en a besoin. Ils sont présentement, selon mes supputations, à leur petite Assemblée. M. de Vendôme n’y va point encore cette année ; ils enterreront la synagogue. Après cela, je leur conseille bien de régler leurs affaires de si bonne manière qu’ils puissent être à Paris comme les autres, et que ma fille ne soit occupée que du soin de rétablir sa santé, s’il est possible. N’êtes-vous pas de cet avis ?
J’ai été quelques jours à Paris. Je serai ici jusqu’après la Toussaint. On ne parle que de M. et de Mme de Ventadour. Vous avez de trop bons correspondants, ou correspondantes, pour se mêler de vous dire des nouvelles. Ou vous viendrez en apprendre vous-même, ou l’on vous en contera cet hiver. Que je vous admire, et que vous êtes sage d’être chez vous, pour les raisons qui vous y font demeurer ! Mais quand elles cessent, on a quelque plaisir à revoir ses amis. En vérité, vous êtes un des hommes du monde qui me convient le plus.
Madame, voulez-vous bien que je le dise, et que j’avoue, comme il le disait l’autre jour, que c’est un grand bonheur, ou un grand malheur, que nous ne nous soyons pas rencontrés plus tôt ? Le bon Abbé vous assure tous deux de ses respects. Il se porte très bien ; son heure n’était pas marquée. Il faut jouir de cet été Saint-Martin que la Providence lui donne encore. Aimez-moi, je vous en conjure, puisque vous m’avez embarquée à vous aimer très sincèrement.
M.R.C.