Eté 2032, les jeux olympiques de Lisbonne.
Sur la plage, les spectateurs affluent en masse des cinq continents. Ils s'agglutinent sur les gradins encerclant le terrain de beach-volley. Il paraît minuscule, telle une scène de théâtre de marionnettes découpée dans une pâte humaine.
Quand Zéphire et Soulane s'engagent dans l'unique passage menant à l'arène de combat, elles sont ovationnées par des olas et des cris hystériques poussés par des milliers de gorges.
Des deux beacheuses, on ne connaît que leurs palmarès retentissants. Championnes du monde à tour de rôle, elles sont devenues des icônes de leurs pays respectifs, la Norvège et l'Espagne.
Leurs visages, la Scandinave, cheveux courts et blonds aux mèches indisciplinées et l'Andalouse, yeux perçants et chevelure ébène, envahissent la presse et les écrans, tellement elles excellent en talents.
Leurs forfaits dus à des blessures, les privant de se rencontrer auparavant, créent une finale inédite. La frénésie palpable des fans n'a jamais été aussi intense.
Tout excité, l'arbitre s'avance vers les joueuses et rappelle les nouvelles règles du volley féminin plein air qui se joue à une contre une, avec autorisation d'auto-passes sur chaque partie du corps, dans un espace plus réduit.
Avant de servir, Zéphire et Soulane sourient aux supporters, font un clin d'œil au soleil, caressent le sable de leurs orteils, et hument à pleins poumons le vent gorgé d'iode. Le public connaît par cœur leurs rituels, leurs façons identiques de se concentrer.
Mais dès les premiers échanges, tous les spectateurs sont instantanément pénétrés de la conviction inébranlable que les deux beacheuses ne sont ni Zéphire, ni Soulane. Une certitude pour chacun d'eux. Du Roi Norvégien, à la reine d'Espagne en passant par les gamins des favelas. Non qu'ils doutent de leurs identités. Il est évident que ce sont les mêmes femmes qui ont battu sans pitié leurs adversaires par des scores exceptionnels. 21-0 ; 21-0. Etrangement, les perdantes ne se sentaient jamais humiliées.
Néanmoins au lieu de voir un duel acharné entre deux « gladiatrices », confiantes en leurs invincibilités, soudainement frappés de stupeur, yeux écarquillés, bouches médusées, muettes ou laissant éclater d'immenses ahurissements, tous les spectateurs découvrent un ballet à deux.
Zéphire et Soulane semblent être un couple de danseuses étoiles sur une scène d'opéra. Elles dansent et jonglent en harmonie avec un ballon rebondissant sans cesse sur leurs mains, fronts, dos, bustes, coudes, bassins, genoux, mollets... .Sur un sol pourtant mouvant et cabossé de toutes parts, elles improvisent des figures acrobatiques en parfait équilibre. Leurs deux corps semblent libérés d'une quelconque rationalité stratégique, ne se fiant qu'à l'instinct. Recouverts seulement d'un Bikini, ils se délectent dans la chaleur du vent et du sable, n'aspirant qu'à jouer avec les éléments naturels, sans les dompter, ni les subir. Zéphire et Soulane semblent être en état de grâce, triomphant de leurs efforts physiques, enchaînant des mouvements puissants et fluides, à l'image des falaises bordant la plage et la brise traversant l'espace de jeu. Leurs sauts aériens se fondent dans l'élan vertical des parois rocheuses et la légèreté du souffle marin.
Au-delà, les deux volleyeuses dégagent une cohésion sans faille. Comme si elles ne sont qu'une. Mais sans jamais s'effacer. Tout au contraire. Les attaques et les défenses deviennent créatives, propres à leurs caractères et anatomies, toujours dans l'instant, jamais mécaniques, jamais répétées, jamais imitées, transcendant tous les échanges déjà vus.
L'arbitre, hypnotisé par un ballon renonçant à atterrir et bercé par le balancement de sa tête allant de chaque côté du filet, doute de ce qu'il voit de sa chaise haute. Rêve ou réalité ? Dans un état second, il ne sait plus.
Dans la tribune VIP, révolté, un homme de l'armée de terre en tenue militaire, bardé de décorations à ne plus savoir où les accrocher sur son uniforme, se sent complètement trahi par l'organisateur des J.O. Lui qui adore fantasmer sur le combat à deux, il ne perçoit pas l'ombre d'une compétition opiniâtre, pas la moindre ambition de dominer sa rivale.
Assise au premier rang, une nonne à l'âme sensible aux violons orageux de l'Eté de Vivaldi qu'elle écoute en boucle, les oreillettes vissées jusqu'aux tympans est subitement en extase devant une chorégraphie de mouvements souples d'une autre dimension. La jeune religieuse est animée par des sentiments intenses et subtils. Son cœur semble se dilater, en apesanteur, atteignant un ciel d'une pureté absolue, le septième. Sans le savoir, Marie vit pour la première fois un orgasme spirituel, proche de l'orgasme sexuel, son corps entièrement en pâmoison. Elle redoutait de faire vœu de chasteté. Mais en ce moment précis, sa crainte devient insolente, déplacée, scandaleuse, indécente. Elle restera dans les ordres avec une ferveur insoupçonnée.
De l'autre côté du stade, un médecin cupide spécialisé dans des substances illicites demandées par des athlètes peu scrupuleux s'interroge. Comment font-elles pour avoir des capacités physiques inépuisables, sans dopage ?
Le spectacle ne s'arrête que lorsque la boule rouge disparaissant derrière le grand bleu n'éclaire plus assez le match, devenu historique.
Là, sous un ciel étoilé, les beacheuses se rappellent leurs périples côtiers en solitaire. Zéphire venait de l'extrême nord-ouest, et Soulane de l'extrême sud-ouest. Elles marchaient pieds nus, sans casquettes, ni lunettes de soleil pour mieux s'ouvrir à l'émerveillement des bords de l'Océan. Elles ont observé les vents du large aux souffles éternellement nuancés, les falaises aux couleurs et aux formes infinies, les teintes illimitées de l'horizon. Puis elles ont appris à capter la puissance des roches, galets et grains de sable incalculables par leur voûte plantaire, s'imprégner de la force de la brise par une respiration profonde, saisir l'énergie des lumières océaniques par leurs regards contemplatifs pour les irradier dans toutes leurs cellules.
Leur secret pour vaincre.
Et surtout, elles se souviennent quand elles se sont croisées en sac à dos. C'était sur cette plage-même. De leur rencontre inattendue, Soulane et Zéphire ont partagé leur amour du littoral atlantique.
Leur secret pour jouer en osmose.
Des années plus tard, le beach-volley coopératif fait son apparition dans le monde sportif.
Sur la plage, les spectateurs affluent en masse des cinq continents. Ils s'agglutinent sur les gradins encerclant le terrain de beach-volley. Il paraît minuscule, telle une scène de théâtre de marionnettes découpée dans une pâte humaine.
Quand Zéphire et Soulane s'engagent dans l'unique passage menant à l'arène de combat, elles sont ovationnées par des olas et des cris hystériques poussés par des milliers de gorges.
Des deux beacheuses, on ne connaît que leurs palmarès retentissants. Championnes du monde à tour de rôle, elles sont devenues des icônes de leurs pays respectifs, la Norvège et l'Espagne.
Leurs visages, la Scandinave, cheveux courts et blonds aux mèches indisciplinées et l'Andalouse, yeux perçants et chevelure ébène, envahissent la presse et les écrans, tellement elles excellent en talents.
Leurs forfaits dus à des blessures, les privant de se rencontrer auparavant, créent une finale inédite. La frénésie palpable des fans n'a jamais été aussi intense.
Tout excité, l'arbitre s'avance vers les joueuses et rappelle les nouvelles règles du volley féminin plein air qui se joue à une contre une, avec autorisation d'auto-passes sur chaque partie du corps, dans un espace plus réduit.
Avant de servir, Zéphire et Soulane sourient aux supporters, font un clin d'œil au soleil, caressent le sable de leurs orteils, et hument à pleins poumons le vent gorgé d'iode. Le public connaît par cœur leurs rituels, leurs façons identiques de se concentrer.
Mais dès les premiers échanges, tous les spectateurs sont instantanément pénétrés de la conviction inébranlable que les deux beacheuses ne sont ni Zéphire, ni Soulane. Une certitude pour chacun d'eux. Du Roi Norvégien, à la reine d'Espagne en passant par les gamins des favelas. Non qu'ils doutent de leurs identités. Il est évident que ce sont les mêmes femmes qui ont battu sans pitié leurs adversaires par des scores exceptionnels. 21-0 ; 21-0. Etrangement, les perdantes ne se sentaient jamais humiliées.
Néanmoins au lieu de voir un duel acharné entre deux « gladiatrices », confiantes en leurs invincibilités, soudainement frappés de stupeur, yeux écarquillés, bouches médusées, muettes ou laissant éclater d'immenses ahurissements, tous les spectateurs découvrent un ballet à deux.
Zéphire et Soulane semblent être un couple de danseuses étoiles sur une scène d'opéra. Elles dansent et jonglent en harmonie avec un ballon rebondissant sans cesse sur leurs mains, fronts, dos, bustes, coudes, bassins, genoux, mollets... .Sur un sol pourtant mouvant et cabossé de toutes parts, elles improvisent des figures acrobatiques en parfait équilibre. Leurs deux corps semblent libérés d'une quelconque rationalité stratégique, ne se fiant qu'à l'instinct. Recouverts seulement d'un Bikini, ils se délectent dans la chaleur du vent et du sable, n'aspirant qu'à jouer avec les éléments naturels, sans les dompter, ni les subir. Zéphire et Soulane semblent être en état de grâce, triomphant de leurs efforts physiques, enchaînant des mouvements puissants et fluides, à l'image des falaises bordant la plage et la brise traversant l'espace de jeu. Leurs sauts aériens se fondent dans l'élan vertical des parois rocheuses et la légèreté du souffle marin.
Au-delà, les deux volleyeuses dégagent une cohésion sans faille. Comme si elles ne sont qu'une. Mais sans jamais s'effacer. Tout au contraire. Les attaques et les défenses deviennent créatives, propres à leurs caractères et anatomies, toujours dans l'instant, jamais mécaniques, jamais répétées, jamais imitées, transcendant tous les échanges déjà vus.
L'arbitre, hypnotisé par un ballon renonçant à atterrir et bercé par le balancement de sa tête allant de chaque côté du filet, doute de ce qu'il voit de sa chaise haute. Rêve ou réalité ? Dans un état second, il ne sait plus.
Dans la tribune VIP, révolté, un homme de l'armée de terre en tenue militaire, bardé de décorations à ne plus savoir où les accrocher sur son uniforme, se sent complètement trahi par l'organisateur des J.O. Lui qui adore fantasmer sur le combat à deux, il ne perçoit pas l'ombre d'une compétition opiniâtre, pas la moindre ambition de dominer sa rivale.
Assise au premier rang, une nonne à l'âme sensible aux violons orageux de l'Eté de Vivaldi qu'elle écoute en boucle, les oreillettes vissées jusqu'aux tympans est subitement en extase devant une chorégraphie de mouvements souples d'une autre dimension. La jeune religieuse est animée par des sentiments intenses et subtils. Son cœur semble se dilater, en apesanteur, atteignant un ciel d'une pureté absolue, le septième. Sans le savoir, Marie vit pour la première fois un orgasme spirituel, proche de l'orgasme sexuel, son corps entièrement en pâmoison. Elle redoutait de faire vœu de chasteté. Mais en ce moment précis, sa crainte devient insolente, déplacée, scandaleuse, indécente. Elle restera dans les ordres avec une ferveur insoupçonnée.
De l'autre côté du stade, un médecin cupide spécialisé dans des substances illicites demandées par des athlètes peu scrupuleux s'interroge. Comment font-elles pour avoir des capacités physiques inépuisables, sans dopage ?
Le spectacle ne s'arrête que lorsque la boule rouge disparaissant derrière le grand bleu n'éclaire plus assez le match, devenu historique.
Là, sous un ciel étoilé, les beacheuses se rappellent leurs périples côtiers en solitaire. Zéphire venait de l'extrême nord-ouest, et Soulane de l'extrême sud-ouest. Elles marchaient pieds nus, sans casquettes, ni lunettes de soleil pour mieux s'ouvrir à l'émerveillement des bords de l'Océan. Elles ont observé les vents du large aux souffles éternellement nuancés, les falaises aux couleurs et aux formes infinies, les teintes illimitées de l'horizon. Puis elles ont appris à capter la puissance des roches, galets et grains de sable incalculables par leur voûte plantaire, s'imprégner de la force de la brise par une respiration profonde, saisir l'énergie des lumières océaniques par leurs regards contemplatifs pour les irradier dans toutes leurs cellules.
Leur secret pour vaincre.
Et surtout, elles se souviennent quand elles se sont croisées en sac à dos. C'était sur cette plage-même. De leur rencontre inattendue, Soulane et Zéphire ont partagé leur amour du littoral atlantique.
Leur secret pour jouer en osmose.
Des années plus tard, le beach-volley coopératif fait son apparition dans le monde sportif.