Arlette Ruffet regardait à la fenêtre les vignes dénudées de feuilles. Les ceps tortueux et le sol aride évoquaient bien les relations humaines de notre village qui vrillaient parfois et asséchaient nos cœurs. Mais notre carnaval, célèbre dans le Monde, réjouissait et occupait les Cournonterralais.
Les petits yeux curieux d’Arlette scrutaient le magasin de son voisin, Monsieur Lounou. Cet homme athlétique n’était rien moins qu’un ex champion national de boxe. Il vivait en toute discrétion dans le village, même si sa personnalité était pour tous extra ordinaire. Cet homme rayonnait de bonté. Le garage du boxeur, que l’on appelait chez nous un magasin, restait grand ouvert, et le champion boxait sur un sac de frappe.
Arlette Ruffet lui adressait rarement la parole, pas question d’une joute verbale avec lui. Cet échange eut été trop inégal. Le boxeur avait le verbe haut, étonnamment! Mais surtout, il était toujours entouré d’une bande de jeunes du quartier.
Arlette détacha son regard du sportif pour ouvrir d’une main molle, la porte de la cuisine. Quelqu’un venait de sonner chez elle. Arlette avait les cheveux blancs, coupés courts. De sa physionomie ordinaire se dégageait un parfum d’eau de Cologne. Une personne la rejoignait, derrière la porte, dans le fracas de ses chaussures à talons.
-”Bonjour Anne, je vous attendais. Vous avez été retardée?” s’enquit Arlette, inquiète.
-”Oh! A peine.”souffla l’infirmière en enjambant les dernières marches qui menaient à la cuisine impeccable d’Arlette.
L’infirmière avait reçu un appel de son fils avant de rentrer dans la maison de la septuagénaire. Elle perdait de son assurance face à Arlette, c’était une première faute. L’infirmière ne pouvait lui expliquer le désarroi de son fils qui venait d’emboutir un véhicule, en pleine ville de Montpellier. Arlette ne conduisait pas et n’avait pas d’enfant. Anne n’allait pas l’ennuyer avec ce contretemps. Arlette ne comprenait plus grand chose à ce monde.
Anne prit une longue inspiration, car elle allait lui parler comme on envoie un direct du droit, percutant. Le bip de son téléphone sonna, résonna dans son oreille. C‘était son fils. Non, elle ne pouvait pas répondre. Elle reprit l’ inspiration, cela attendrait bien, dans demi-heure, elle le rappellerait. Seconde erreur, elle perdait du temps, elle perdait la face.
Elle sentit l’infusion de thym au miel. Arlette lui en tendit une tasse, les yeux embués de questionnements:
-son retard,
-son essoufflement.
Arlette semblait empathique, aux yeux d’Anne, elle partageait ses difficultés.
Troisième erreur: l’infirmière ne cadrait plus son adversaire.
En femme libre, Anne empoigna le cahier de liaison. Arlette avait encore écrit dessus, en annotant des remarques très insidieuses. Ce cahier était pourtant bien destiné au corps médical et uniquement à lui. Il servait de lien entre médecins et soignants.
De sa voix la plus douce et la plus compatissante, Anne demanda:
“ Pourquoi mettez-vous des commentaires sur ce cahier, Madame Ruffet?”
Arlette explosa avec des mots «coups de poings»:
“ Alors je ne compte pour rien, Moi! Vous avez beaucoup de chance que je vous affectionne! Parce qu’il a longtemps que je pourrais me plaindre auprès du médecin!”.
Anne reçut les coups dans la tête ce qui la terrassa. Le décompte sur le ring s’égrenait:1,2,3!
Sonnée, elle reprit ses esprits, releva le défi et toisa l’adversaire.
La colère rougit le visage d’Arlette. Sa main trembla. Elle en péta sans discrétion.
Ce gaz lâché inopportunément confirmait qu’Arlette était tendue. L’infirmière se radoucit au point de se taire. Anne, en femme forte savait s’effacer sans disparaître.Elle tenta une absorption, en lui souriant, ce qui consiste à accompagner le coup adverse pour annihiler son effet, en boxe.
“ Alors, vous êtes d’accord, martela Arlette! Vous ne valez pas mieux que ce médecin, il ne me sert à rien!”
Arlette épongeait son front avec un mouchoir en papier et en profitait pour se rapprocher de l’adversaire.Mais elle se savait déjà vainqueur, dominatrice à souhait.
Anne se torturait l’esprit pour ne pas être désagréable. Elle voulait chasser le coup pour revenir à une simple discussion et non plus à ce combat. L’infirmière se culpabilisait pour n’avoir pas assez donné de sa personne. Elle perdait son mental, et sur le ring de ce dialogue musclé, elle perdait des poings ( et des points). Anne réalisait aussi qu’il n’y avait pas d’arbitre. Elle était seule face à Arlette qui s’opposait à la venue de deux soignants à la fois. Cela laissait la vieille dame maître du terrain, chez elle. Dans sa cuisine, Arlette gagnait la partie à tous les coups. Elle gagnait chaque soignant par KO. Dès le premier round. Elle avait sa technique.
Le soignant était trop atteint mentalement pour se relever de l’assaut verbal et continuer le combat.
Anne n’en était pas encore là. Elle simula une faute technique, l’ appât. Mais Arlette la coinça dans un recoin de la cuisine, comme dans un coin du ring. Au bout de toutes ces visites, Arlette avait bien étudié le profil d’Anne, et lui montrait maintenant son vrai visage. La vieille dame venait de bloquer sa cible:
-«Vous n’êtes pas à la hauteur, Anne!»
L’infirmière prenait un uppercut dans les dents. Et, il fallait bien se l’avouer, Anne détestait ces coups, que l’on nomme aussi les conflits. Depuis des mois, elle esquivait cette femme.
Arlette jouissait à présent d’un champ libre pour toute phrase assassine. Elle la choisit en une seconde, caressant de son pouce le velours côtelé de son pantalon:
«-Ma pauvre Anne, vous devriez consulter un psy!»
Ces mots déclenchèrent un sas de décompression dans le cerveau de l’infirmière. Elle comprit qu’Arlette lui envoyait un piège suprême en la traitant de folle. Cette étiquette collait parfaitement à celle qui lançait l’injure. Ces huit mots venaient d’exploser leur relation. Arlette la chassait. Elle en était soulagée. Avant de battre en retraite, Anne prit la précaution de saluer sa patiente avec bienveillance. Cependant, dans sa gorge, l’acidité remontait à flot. Elle descendit lentement les escaliers qui la menaient dans la rue. Là, elle s’engouffra dans la voiture. Elle rentrait chez elle. Elle avait gardé sa dernière visite pour Arlette.
Dehors, Monsieur Lounon proposait aux jeunes qui l’entouraient d’aller chercher sur le terrain de tambourin les retardataires à l’entraînement. Une foule se dispersa. Les jeunes criaient joyeusement dans la rue principale. Le mur de tambourin jouxtait le terrain de boules, proche de la départementale. Avec une force contrôlée, la balle fusait d’un tambourin à l’autre. Ce jeu caractéristique du Midi, nous classait au niveau de la coupe d’Europe. Autant dire qu’à Cournonterral, les jeunes étaient motivés.
Anne ne les vit même pas en quittant le village.
De retour en famille, l’infirmière s’isola dans la chambre, laissant son fils et son mari interloqués. Elle pianota sur internet et trouva les caractéristiques du pervers narcissique:
il ment
il est jaloux
il se présente comme une victime
il demande que vous soyez parfait
il est très autocentré
le monde n’existe qu’à travers lui
tout est réduit à sa ou ses problématiques
face à notre inconfort, il est imperméable à l’empathie
il est une personne ordinaire
La meilleure attitude, face à ce comportement pervers était la fuite!
Bonne chance à celui qui allait reprendre ce pseudo-combat!
Restait Einstein, que faisait -il donc, au milieu de ce ring de boxe?
Eh bien! Gagner un match, c’était gonfler l’âme et le corps d’Amour. Il fallait utiliser la plus grande énergie de l’univers. Einstein précisait même que pour guérir de la noirceur du monde, l’Amour était la solution. Cette force, plus puissante que la vitesse de la lumière au carré, remettait le sport à sa place, au rang de jeu qui provoque la LIESSE et fait un bien fou !
Les petits yeux curieux d’Arlette scrutaient le magasin de son voisin, Monsieur Lounou. Cet homme athlétique n’était rien moins qu’un ex champion national de boxe. Il vivait en toute discrétion dans le village, même si sa personnalité était pour tous extra ordinaire. Cet homme rayonnait de bonté. Le garage du boxeur, que l’on appelait chez nous un magasin, restait grand ouvert, et le champion boxait sur un sac de frappe.
Arlette Ruffet lui adressait rarement la parole, pas question d’une joute verbale avec lui. Cet échange eut été trop inégal. Le boxeur avait le verbe haut, étonnamment! Mais surtout, il était toujours entouré d’une bande de jeunes du quartier.
Arlette détacha son regard du sportif pour ouvrir d’une main molle, la porte de la cuisine. Quelqu’un venait de sonner chez elle. Arlette avait les cheveux blancs, coupés courts. De sa physionomie ordinaire se dégageait un parfum d’eau de Cologne. Une personne la rejoignait, derrière la porte, dans le fracas de ses chaussures à talons.
-”Bonjour Anne, je vous attendais. Vous avez été retardée?” s’enquit Arlette, inquiète.
-”Oh! A peine.”souffla l’infirmière en enjambant les dernières marches qui menaient à la cuisine impeccable d’Arlette.
L’infirmière avait reçu un appel de son fils avant de rentrer dans la maison de la septuagénaire. Elle perdait de son assurance face à Arlette, c’était une première faute. L’infirmière ne pouvait lui expliquer le désarroi de son fils qui venait d’emboutir un véhicule, en pleine ville de Montpellier. Arlette ne conduisait pas et n’avait pas d’enfant. Anne n’allait pas l’ennuyer avec ce contretemps. Arlette ne comprenait plus grand chose à ce monde.
Anne prit une longue inspiration, car elle allait lui parler comme on envoie un direct du droit, percutant. Le bip de son téléphone sonna, résonna dans son oreille. C‘était son fils. Non, elle ne pouvait pas répondre. Elle reprit l’ inspiration, cela attendrait bien, dans demi-heure, elle le rappellerait. Seconde erreur, elle perdait du temps, elle perdait la face.
Elle sentit l’infusion de thym au miel. Arlette lui en tendit une tasse, les yeux embués de questionnements:
-son retard,
-son essoufflement.
Arlette semblait empathique, aux yeux d’Anne, elle partageait ses difficultés.
Troisième erreur: l’infirmière ne cadrait plus son adversaire.
En femme libre, Anne empoigna le cahier de liaison. Arlette avait encore écrit dessus, en annotant des remarques très insidieuses. Ce cahier était pourtant bien destiné au corps médical et uniquement à lui. Il servait de lien entre médecins et soignants.
De sa voix la plus douce et la plus compatissante, Anne demanda:
“ Pourquoi mettez-vous des commentaires sur ce cahier, Madame Ruffet?”
Arlette explosa avec des mots «coups de poings»:
“ Alors je ne compte pour rien, Moi! Vous avez beaucoup de chance que je vous affectionne! Parce qu’il a longtemps que je pourrais me plaindre auprès du médecin!”.
Anne reçut les coups dans la tête ce qui la terrassa. Le décompte sur le ring s’égrenait:1,2,3!
Sonnée, elle reprit ses esprits, releva le défi et toisa l’adversaire.
La colère rougit le visage d’Arlette. Sa main trembla. Elle en péta sans discrétion.
Ce gaz lâché inopportunément confirmait qu’Arlette était tendue. L’infirmière se radoucit au point de se taire. Anne, en femme forte savait s’effacer sans disparaître.Elle tenta une absorption, en lui souriant, ce qui consiste à accompagner le coup adverse pour annihiler son effet, en boxe.
“ Alors, vous êtes d’accord, martela Arlette! Vous ne valez pas mieux que ce médecin, il ne me sert à rien!”
Arlette épongeait son front avec un mouchoir en papier et en profitait pour se rapprocher de l’adversaire.Mais elle se savait déjà vainqueur, dominatrice à souhait.
Anne se torturait l’esprit pour ne pas être désagréable. Elle voulait chasser le coup pour revenir à une simple discussion et non plus à ce combat. L’infirmière se culpabilisait pour n’avoir pas assez donné de sa personne. Elle perdait son mental, et sur le ring de ce dialogue musclé, elle perdait des poings ( et des points). Anne réalisait aussi qu’il n’y avait pas d’arbitre. Elle était seule face à Arlette qui s’opposait à la venue de deux soignants à la fois. Cela laissait la vieille dame maître du terrain, chez elle. Dans sa cuisine, Arlette gagnait la partie à tous les coups. Elle gagnait chaque soignant par KO. Dès le premier round. Elle avait sa technique.
Le soignant était trop atteint mentalement pour se relever de l’assaut verbal et continuer le combat.
Anne n’en était pas encore là. Elle simula une faute technique, l’ appât. Mais Arlette la coinça dans un recoin de la cuisine, comme dans un coin du ring. Au bout de toutes ces visites, Arlette avait bien étudié le profil d’Anne, et lui montrait maintenant son vrai visage. La vieille dame venait de bloquer sa cible:
-«Vous n’êtes pas à la hauteur, Anne!»
L’infirmière prenait un uppercut dans les dents. Et, il fallait bien se l’avouer, Anne détestait ces coups, que l’on nomme aussi les conflits. Depuis des mois, elle esquivait cette femme.
Arlette jouissait à présent d’un champ libre pour toute phrase assassine. Elle la choisit en une seconde, caressant de son pouce le velours côtelé de son pantalon:
«-Ma pauvre Anne, vous devriez consulter un psy!»
Ces mots déclenchèrent un sas de décompression dans le cerveau de l’infirmière. Elle comprit qu’Arlette lui envoyait un piège suprême en la traitant de folle. Cette étiquette collait parfaitement à celle qui lançait l’injure. Ces huit mots venaient d’exploser leur relation. Arlette la chassait. Elle en était soulagée. Avant de battre en retraite, Anne prit la précaution de saluer sa patiente avec bienveillance. Cependant, dans sa gorge, l’acidité remontait à flot. Elle descendit lentement les escaliers qui la menaient dans la rue. Là, elle s’engouffra dans la voiture. Elle rentrait chez elle. Elle avait gardé sa dernière visite pour Arlette.
Dehors, Monsieur Lounon proposait aux jeunes qui l’entouraient d’aller chercher sur le terrain de tambourin les retardataires à l’entraînement. Une foule se dispersa. Les jeunes criaient joyeusement dans la rue principale. Le mur de tambourin jouxtait le terrain de boules, proche de la départementale. Avec une force contrôlée, la balle fusait d’un tambourin à l’autre. Ce jeu caractéristique du Midi, nous classait au niveau de la coupe d’Europe. Autant dire qu’à Cournonterral, les jeunes étaient motivés.
Anne ne les vit même pas en quittant le village.
De retour en famille, l’infirmière s’isola dans la chambre, laissant son fils et son mari interloqués. Elle pianota sur internet et trouva les caractéristiques du pervers narcissique:
il ment
il est jaloux
il se présente comme une victime
il demande que vous soyez parfait
il est très autocentré
le monde n’existe qu’à travers lui
tout est réduit à sa ou ses problématiques
face à notre inconfort, il est imperméable à l’empathie
il est une personne ordinaire
La meilleure attitude, face à ce comportement pervers était la fuite!
Bonne chance à celui qui allait reprendre ce pseudo-combat!
Restait Einstein, que faisait -il donc, au milieu de ce ring de boxe?
Eh bien! Gagner un match, c’était gonfler l’âme et le corps d’Amour. Il fallait utiliser la plus grande énergie de l’univers. Einstein précisait même que pour guérir de la noirceur du monde, l’Amour était la solution. Cette force, plus puissante que la vitesse de la lumière au carré, remettait le sport à sa place, au rang de jeu qui provoque la LIESSE et fait un bien fou !