Elle le sait. C’est pour aujourd’hui. Le passage qui ouvre sur ce nouveau monde. Tout ce qu’elle a entendu depuis son univers recueilli et feutré doit exister aujourd’hui.
Elle a commencé ce voyage, la peur au ventre et cette douleur lancinante dans les jambes. Pourra-t-elle, malgré tout, atteindre le but que la vie commande ? Parviendra-t-elle à ouvrir cette nouvelle page d’un livre déjà bien rempli mais dont le souvenir des pages plus anciennes s’estompe à chaque nouvelle poussée ?
Les voix se font pressantes. Leurs encouragements lui réchauffent l’âme et le cœur et leurs présences rassurantes l’effleurent comme des pétales que le vent transporte. Pourtant, l’effort anéantit à chaque seconde ses intentions et menace sa détermination.
Tout cela vaut-il vraiment la peine ? Quelle folie l’a engagée dans ce tourbillon d’angoisse, de sueur et de souffrance ? Elle a quitté son antre, éther familier qui allège toute chose et fait vibrer la vie, telle une corde, à l’unisson avec l’univers. Et ce monde qu’elle connaissait si bien s’éloigne peu à peu et disparait loin derrière elle, à chaque nouveau pas. Elle tend l’oreille et écoute les voix. Elle perçoit les variations de leur musicalité et sait que chaque mot pose les balises qui lui sont autant d’aide et de repères dans sa marche vers son but.
Quelque chose l’entrave et la tire vers l’arrière. Est-ce l’envie de rebrousser chemin, de lâcher la volonté, comme cette planche sur laquelle s’accroche l’homme tombé à l’eau lors d’un naufrage ? Aventure désespérée qui ne tient qu’à un fil. Tout lâcher et retomber, lie qui se dépose tout doucement au fond de la bouteille dans un repos sans âge.
Malgré la gêne et la douleur dans ses jambes, elle veut continuer, avancer encore, gagner quelques centimètres sur son nouveau territoire. Le « vouloir » est plus fort que tout et révèle le « pouvoir ». Cette certitude la soutient et ne la quitte pas. Elle s’accroche aux voix comme aux branches d’un arbre de vie et les cerne plus qu’elle ne les entend.
Tout est flou autour. Les présences ne sont qu’ombres chinoises qui dansent sur le théâtre d’une toile impure qu’elle ne regarde plus. Ses yeux sont tournés vers l’intérieur, vers toute la force qu’elle met à avancer. Elle regarde son destin en face et affronte ce qui doit être. Ses jambes la porteront vers l’arrivée parce qu’elle l’a décidé, tout comme elle fait fi de l’entrave qui la tire en arrière. Mais elle est bien consciente qu’une bataille s’est engagée entre elle et elle-même.
Elle se sait attendue, là-bas sur cette terre qui l’appelle à la vie et cette attente noue les liens déjà tissés depuis longtemps. A présent, elle n’est plus seule en cause et sa bataille concerne aussi ceux qui croient en elle. Alors, elle mobilise, depuis toutes les cellules de son corps douloureux, les dernières forces dans un dernier élan, derniers efforts qui doivent la porter sur la ligne d’arrivée.
L’œil blafard d’une horloge anonyme a vu s’envoler les heures que l’on ne compte plus. Et soudain tout s’accélère : les respirations, les voix, les cris. Son pauvre corps meurtri, a bout de souffrance et de peur, échoue dans les mains qui l’accueillent en berceau, dans la sueur et le sang.
Tout est froid, tout est blanc malgré le rouge. D’un blanc qui l’aveugle, d’un blanc qui coupe, ciseaux glacés, le cordon qui l’unissait à la source. Elle voudrait crier mais n’y parvient pas et sa gorge, prisonnière d’une écharpe mortelle, cherche en vain cet air premier qui insuffle la vie. Les mains habiles la libèrent et violemment, l’air pénètre ses poumons en feu. Un cri unique emplit toute la pièce et l’habille d’une présence puissante.
« L’échographie avait révélé une anomalie au niveau des jambes et des pieds. Je vous laisse récupérer toutes les deux un moment, cette petite bonne femme et vous, et on fait le point ensuite. Rassurez-vous, de nos jours, les problèmes orthopédiques sont très bien pris en charge. Reposez-vous. On en discute après. Mais avant tout, comment se nomme ce petit brin de femme si courageux ? »
Sans hésitation, elle reconnait Sa voix ferme et douce porter haut, bannière de fierté et d’amour, les couleurs de son destin : « Victoire, elle se nomme Victoire ! »
Elle a commencé ce voyage, la peur au ventre et cette douleur lancinante dans les jambes. Pourra-t-elle, malgré tout, atteindre le but que la vie commande ? Parviendra-t-elle à ouvrir cette nouvelle page d’un livre déjà bien rempli mais dont le souvenir des pages plus anciennes s’estompe à chaque nouvelle poussée ?
Les voix se font pressantes. Leurs encouragements lui réchauffent l’âme et le cœur et leurs présences rassurantes l’effleurent comme des pétales que le vent transporte. Pourtant, l’effort anéantit à chaque seconde ses intentions et menace sa détermination.
Tout cela vaut-il vraiment la peine ? Quelle folie l’a engagée dans ce tourbillon d’angoisse, de sueur et de souffrance ? Elle a quitté son antre, éther familier qui allège toute chose et fait vibrer la vie, telle une corde, à l’unisson avec l’univers. Et ce monde qu’elle connaissait si bien s’éloigne peu à peu et disparait loin derrière elle, à chaque nouveau pas. Elle tend l’oreille et écoute les voix. Elle perçoit les variations de leur musicalité et sait que chaque mot pose les balises qui lui sont autant d’aide et de repères dans sa marche vers son but.
Quelque chose l’entrave et la tire vers l’arrière. Est-ce l’envie de rebrousser chemin, de lâcher la volonté, comme cette planche sur laquelle s’accroche l’homme tombé à l’eau lors d’un naufrage ? Aventure désespérée qui ne tient qu’à un fil. Tout lâcher et retomber, lie qui se dépose tout doucement au fond de la bouteille dans un repos sans âge.
Malgré la gêne et la douleur dans ses jambes, elle veut continuer, avancer encore, gagner quelques centimètres sur son nouveau territoire. Le « vouloir » est plus fort que tout et révèle le « pouvoir ». Cette certitude la soutient et ne la quitte pas. Elle s’accroche aux voix comme aux branches d’un arbre de vie et les cerne plus qu’elle ne les entend.
Tout est flou autour. Les présences ne sont qu’ombres chinoises qui dansent sur le théâtre d’une toile impure qu’elle ne regarde plus. Ses yeux sont tournés vers l’intérieur, vers toute la force qu’elle met à avancer. Elle regarde son destin en face et affronte ce qui doit être. Ses jambes la porteront vers l’arrivée parce qu’elle l’a décidé, tout comme elle fait fi de l’entrave qui la tire en arrière. Mais elle est bien consciente qu’une bataille s’est engagée entre elle et elle-même.
Elle se sait attendue, là-bas sur cette terre qui l’appelle à la vie et cette attente noue les liens déjà tissés depuis longtemps. A présent, elle n’est plus seule en cause et sa bataille concerne aussi ceux qui croient en elle. Alors, elle mobilise, depuis toutes les cellules de son corps douloureux, les dernières forces dans un dernier élan, derniers efforts qui doivent la porter sur la ligne d’arrivée.
L’œil blafard d’une horloge anonyme a vu s’envoler les heures que l’on ne compte plus. Et soudain tout s’accélère : les respirations, les voix, les cris. Son pauvre corps meurtri, a bout de souffrance et de peur, échoue dans les mains qui l’accueillent en berceau, dans la sueur et le sang.
Tout est froid, tout est blanc malgré le rouge. D’un blanc qui l’aveugle, d’un blanc qui coupe, ciseaux glacés, le cordon qui l’unissait à la source. Elle voudrait crier mais n’y parvient pas et sa gorge, prisonnière d’une écharpe mortelle, cherche en vain cet air premier qui insuffle la vie. Les mains habiles la libèrent et violemment, l’air pénètre ses poumons en feu. Un cri unique emplit toute la pièce et l’habille d’une présence puissante.
« L’échographie avait révélé une anomalie au niveau des jambes et des pieds. Je vous laisse récupérer toutes les deux un moment, cette petite bonne femme et vous, et on fait le point ensuite. Rassurez-vous, de nos jours, les problèmes orthopédiques sont très bien pris en charge. Reposez-vous. On en discute après. Mais avant tout, comment se nomme ce petit brin de femme si courageux ? »
Sans hésitation, elle reconnait Sa voix ferme et douce porter haut, bannière de fierté et d’amour, les couleurs de son destin : « Victoire, elle se nomme Victoire ! »