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Histoires Jeunesse - 11-14 Ans (Cycle 4)
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Ma prof de sorcellerie nous l'avait pourtant maintes fois répété : « Soyez précis avec la bave de crapaud, une larme est une larme, si le grimoire dit quatre, c'est quatre ! On ne compte plus le nombre de potions aux effets inattendus... » Et de nous énumérer les exemples catastrophiques, comme celui d'un élève trop généreux en bave dont le philtre d'amour avait provoqué une crise d'urticaire chez l'être aimé.
Entendons-nous bien, la forme batracienne d'une crise d'urticaire, c'est super grave. La victime s'en est sortie avec une contre-potion, car l'antidote parfait n'existait pas. Résultat, aujourd'hui il paraît qu'elle est couverte de taches de rousseur de couleur fluo qui brillent la nuit, et ses cheveux poussent d'un centimètre par quart d'heure, ce qui est difficile à gérer au quotidien.
Je me souviens aussi d'un autre exemple, lors d'un exercice sur les onguents de protection contre les électrocutions. Les électrocutions, le truc qui n'arrive jamais, mais ça fait partie des basiques du cours préparatoire dans cette école. Je crois que ça facilite la manipulation des courants électriques quand on veut faire des métamorphoses Flash.
En tout cas, un jour un élève a mélangé un peu de sa propre bave avec la bave de crapaud pour faire son intéressant, et quand il a appliqué l'onguent sur sa propre peau, ça l'a fait fondre, comme la peau des méchants dans je ne sais plus quel film d'aventure dont mes parents me parlent souvent.
Tout ça pour dire que je n'ai aucune excuse concernant ce qui vient de se passer.
Entendons-nous bien, la forme batracienne d'une crise d'urticaire, c'est super grave. La victime s'en est sortie avec une contre-potion, car l'antidote parfait n'existait pas. Résultat, aujourd'hui il paraît qu'elle est couverte de taches de rousseur de couleur fluo qui brillent la nuit, et ses cheveux poussent d'un centimètre par quart d'heure, ce qui est difficile à gérer au quotidien.
Je me souviens aussi d'un autre exemple, lors d'un exercice sur les onguents de protection contre les électrocutions. Les électrocutions, le truc qui n'arrive jamais, mais ça fait partie des basiques du cours préparatoire dans cette école. Je crois que ça facilite la manipulation des courants électriques quand on veut faire des métamorphoses Flash.
En tout cas, un jour un élève a mélangé un peu de sa propre bave avec la bave de crapaud pour faire son intéressant, et quand il a appliqué l'onguent sur sa propre peau, ça l'a fait fondre, comme la peau des méchants dans je ne sais plus quel film d'aventure dont mes parents me parlent souvent.
Tout ça pour dire que je n'ai aucune excuse concernant ce qui vient de se passer.
J'ai bien utilisé la pipette à BDC, j'ai bien compté les gouttes, en revanche et c'est là que ça se corse, j'ai mal lu le grimoire. Ils disent « quatre gouttes de bave, touillez trois fois dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, et rajoutez trois gouttes ». En gros, j'ai lu un peu vite et j'ai inversé les trois gouttes et les quatre gouttes.
Je m'étais lancé dans ce projet en douce sans en parler à personne, parce que je voulais réaliser une potion de triple vue. Pour pouvoir tricher aux examens. Si on la réussit, on peut voir avec ses propres yeux à travers les murs et les tables, mais on peut aussi voir de super loin et copier les formules de Mélisandre, la première de la classe. Ou tout simplement lire une antisèche scotchée sous le bureau. Il y a toujours un risque de se faire prendre, c'est sûr, mais à douze ans, on n'a pas encore appris ce type de potion et on n'est pas censés avoir accès au grimoire de Pratique aboutie avant la dernière année. À priori, personne ne s'en serait douté.
Je m'étais lancé dans ce projet en douce sans en parler à personne, parce que je voulais réaliser une potion de triple vue. Pour pouvoir tricher aux examens. Si on la réussit, on peut voir avec ses propres yeux à travers les murs et les tables, mais on peut aussi voir de super loin et copier les formules de Mélisandre, la première de la classe. Ou tout simplement lire une antisèche scotchée sous le bureau. Il y a toujours un risque de se faire prendre, c'est sûr, mais à douze ans, on n'a pas encore appris ce type de potion et on n'est pas censés avoir accès au grimoire de Pratique aboutie avant la dernière année. À priori, personne ne s'en serait douté.
Bref, à cause de la fameuse petite inversion, non seulement je n'ai pas acquis le pouvoir de triple vue, mais un énorme troisième œil a poussé au milieu de mon front. C'est un œil de crapaud à l'iris très jaune et qui ne me fait rien voir du tout. Il ne sert à rien, il est juste planté là, au milieu.
Comme la première session d'examens c'est demain, en attendant je n'ai que deux options : tout avouer à mes parents, quitte à me faire enguirlander et punir pendant des siècles, ou trouver un moyen de le camoufler en tirant sur ma frange au maximum.
Alors que je me lance dans une coiffure « Beatles » complètement ringarde devant la glace, j'entends une petite voix derrière moi qui susurre : « Rends-moi mon œil... Rends-moi mon œil... ».
Je sursaute un peu, mais je n'ai pas de mal à identifier l'auteur de ces mots : il s'agit du crapaud qui a servi à me fournir la bave.
Comme chacun sait, « la bave de crapaud n'est vraiment efficace que lorsque la bête qui l'a produite macère dedans », et c'est donc cette bestiole, désormais borgne, qui s'exprime depuis son bocal.
Je lui avoue sur un ton dépité :
— J'aimerais bien te le rendre ce fichu œil, mais je ne sais pas comment faire !
— L'antidote, triple buse, l'antidote ! s'énerve le crapaud.
L'antidote. Mais oui, l'antidote ! Je n'ai tellement pas l'habitude que je n'ai pas pensé à chercher dans la section « Antidotes » du grimoire de Pratique aboutie, les pages roses.
— Alors euh, ah j'y suis : Antidote potion de triple vue : cet antidote a le pouvoir d'annuler le don de triple vue mais il ne peut garantir une efficacité totale en cas d'erreur dans les proportions... bla bla bla... Cependant, si l'erreur tient à une inversion du nombre de gouttes de bave de crapaud avant et après touillage, il est fort probable que l'antidote sera efficace.
Comme la première session d'examens c'est demain, en attendant je n'ai que deux options : tout avouer à mes parents, quitte à me faire enguirlander et punir pendant des siècles, ou trouver un moyen de le camoufler en tirant sur ma frange au maximum.
Alors que je me lance dans une coiffure « Beatles » complètement ringarde devant la glace, j'entends une petite voix derrière moi qui susurre : « Rends-moi mon œil... Rends-moi mon œil... ».
Je sursaute un peu, mais je n'ai pas de mal à identifier l'auteur de ces mots : il s'agit du crapaud qui a servi à me fournir la bave.
Comme chacun sait, « la bave de crapaud n'est vraiment efficace que lorsque la bête qui l'a produite macère dedans », et c'est donc cette bestiole, désormais borgne, qui s'exprime depuis son bocal.
Je lui avoue sur un ton dépité :
— J'aimerais bien te le rendre ce fichu œil, mais je ne sais pas comment faire !
— L'antidote, triple buse, l'antidote ! s'énerve le crapaud.
L'antidote. Mais oui, l'antidote ! Je n'ai tellement pas l'habitude que je n'ai pas pensé à chercher dans la section « Antidotes » du grimoire de Pratique aboutie, les pages roses.
— Alors euh, ah j'y suis : Antidote potion de triple vue : cet antidote a le pouvoir d'annuler le don de triple vue mais il ne peut garantir une efficacité totale en cas d'erreur dans les proportions... bla bla bla... Cependant, si l'erreur tient à une inversion du nombre de gouttes de bave de crapaud avant et après touillage, il est fort probable que l'antidote sera efficace.
Wow ! je suis chanceux, c'est dingue ! Il doit y en avoir des ratés, pour qu'ils envisagent l'erreur ! Alors, en quoi consiste-t-il cet antidote ?
Je lis : « Embrasser sept fois le crapaud dont la bave a servi à réaliser la potion de triple vue ». C'est tout.
Je regarde ledit crapaud borgne et pustuleux dans son bocal et je ne vous cache pas que l'idée me vient de reprendre l'élaboration de ma coiffure « Beatles ». Mais la crainte de conserver un troisième œil au milieu du front pour toujours me ramène finalement à la raison. Et me voilà qui m'approche du bocal. Il est deux heures du matin, tout le monde dort, et tout est encore possible.
Surmontant mon dégoût, je plonge ma main dans le liquide infâme pour attraper le crapaud borgne. Lui me sert une espèce de sourire de contentement qui me déprime encore plus. Je me concentre et me penche pour l'embrasser une fois, deux, trois... quatre... cinq... six... Je sens le crapaud frémir et trembler tant et si bien que le sept se transforme en huit, voire neuf ! Catastrophe ! Je l'ai embrassé neuf fois !
À mon tour de trembler à l'idée de cette nouvelle erreur de dosage, mais rien ne se passe sur le moment. Je regarde le miroir et constate à mon grand soulagement que le troisième œil jaune a disparu de mon front. En revanche, le crapaud est toujours borgne. Où est donc passé le troisième œil ?
Par acquit de conscience, je me plonge à nouveau dans le grimoire, pour tenter d'y dénicher les effets indésirables en cas d'erreur dans le nombre de baisers sur le crapaud.
Mais à mesure que je formule cette requête dans ma tête, une réponse s'inscrit dans le grimoire en temps réel : « Si le nombre de baisers excède le chiffre sept, l'antidote fonctionnera, mais un troisième œil s'invitera sur le front de tout lecteur de cette histoire. »
Cette histoire ? Quelle histoire ? J'espère que ce n'est pas l'histoire que je suis en train de vous... Oh non ! Non ! Ce n'est pas vrai ! Je suis désolé, chers lecteurs, mais vraiment, je ne pouvais pas deviner !
Je lis : « Embrasser sept fois le crapaud dont la bave a servi à réaliser la potion de triple vue ». C'est tout.
Je regarde ledit crapaud borgne et pustuleux dans son bocal et je ne vous cache pas que l'idée me vient de reprendre l'élaboration de ma coiffure « Beatles ». Mais la crainte de conserver un troisième œil au milieu du front pour toujours me ramène finalement à la raison. Et me voilà qui m'approche du bocal. Il est deux heures du matin, tout le monde dort, et tout est encore possible.
Surmontant mon dégoût, je plonge ma main dans le liquide infâme pour attraper le crapaud borgne. Lui me sert une espèce de sourire de contentement qui me déprime encore plus. Je me concentre et me penche pour l'embrasser une fois, deux, trois... quatre... cinq... six... Je sens le crapaud frémir et trembler tant et si bien que le sept se transforme en huit, voire neuf ! Catastrophe ! Je l'ai embrassé neuf fois !
À mon tour de trembler à l'idée de cette nouvelle erreur de dosage, mais rien ne se passe sur le moment. Je regarde le miroir et constate à mon grand soulagement que le troisième œil jaune a disparu de mon front. En revanche, le crapaud est toujours borgne. Où est donc passé le troisième œil ?
Par acquit de conscience, je me plonge à nouveau dans le grimoire, pour tenter d'y dénicher les effets indésirables en cas d'erreur dans le nombre de baisers sur le crapaud.
Mais à mesure que je formule cette requête dans ma tête, une réponse s'inscrit dans le grimoire en temps réel : « Si le nombre de baisers excède le chiffre sept, l'antidote fonctionnera, mais un troisième œil s'invitera sur le front de tout lecteur de cette histoire. »
Cette histoire ? Quelle histoire ? J'espère que ce n'est pas l'histoire que je suis en train de vous... Oh non ! Non ! Ce n'est pas vrai ! Je suis désolé, chers lecteurs, mais vraiment, je ne pouvais pas deviner !
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Illustration : Mathilde Ernst
Pourquoi on a aimé ?
On ne le répétera jamais assez : lorsqu'on prépare des potions, attention au dosage ! Dans cette histoire très bien écrite et bourrée d'humou
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Pourquoi on a aimé ?
On ne le répétera jamais assez : lorsqu'on prépare des potions, attention au dosage ! Dans cette histoire très bien écrite et bourrée d'humou