« Ça a duré une bonne minute. Une vraie minute. Une éternité. »
Qu'elle ignore le sort que la vie lui a réservé, qu'elle essaye de s'agripper à la vie.
Elle suffoque, s'étrangle avec ses propres cris étouffés. Elle sanglote, elle se cache au fond, bien au fond et très fond. Un hurlement s'entend à quelques mètres d'elle, le souffle haletant, le cœur battant à la chamade, elle fait pression sur elle-même pour ne pas crier quand soudain, un grognement, puis des bruits de pas et de chuchotement s'approchent petit à petit d'elle. Par peur d'être démasqué de sa cachette, elle se lance dans une course sans fin en zigzagant et en jouant au saut sur les cadavres décapités et calcinés qui jonchaient le sol immaculés de sang.
Tout à commencer par un coup de feu, alertant la population et plongeant tout le monde dans le silence en se mettant sur le qui-vive, puis une pluie de cartouches retentit de partout, des hurlements de personne en agonie, la fumée qui émane des maisons dans lesquelles on a mis le feu. Tout à coup, l'atmosphère s'assombrit et n'inspire que la désolation et affiche l'état d'âme d'une population détruit en un battement d'œil. La zone vient d'être prise en otage par des bandits. Ils éliminent tout ce qui bouge. Tout !
Le souffle coupé, elle traverse les corridors, grimpe les marches-escaliers, par quatre, pour trouver sa mère qu'elle pensait être en sécurité, mais hélas ! Elle gisait déjà sur le sol poussiéreux, baignant dans son propre sang. Ce cri qu'elle retenait depuis un bon moment s'échappe dans un résonnement strident, alertant tous ce qui a de vie autour d'elle de sa frayeur, puis elle saute sur sa mère, dans l'espoir qu'elle peut encore la sauver en la prenant et serrant dans ses frêles bras.
Puis sa mère, dans une voix tremblotante, lui dit : « Marguie, ma fille, c'est trop tard pour moi. Mais toi, toi, tu dois survivre, te battre pour la justice, pour ton pays, toussote-t-elle. Tu dois prêcher une parole d'harmonie et de sagesse, car le problème de notre nation, c'est que ses habitants ne partagent pas le vivre-ensemble, dit-elle en bégayant. Le désir de pouvoir et d'être craint leur ont empoisonné l'esprit. Prêches les paroles de Makandal / Boukman /Dessalines, parce qu'il semblerait qu'ils oublient les luttes qui nous lient, ils oublient notre histoire, les calamités qui nous ont unis et nos prouesses (les exploits que nous avons fait en unissant nos forces), pousse-t-elle désespérément. Et, ne tolère pas l'injustice, sous aucun prétexte, même si cela vient de ton fils. Comme l'a dit un vieux dicton créole : « si pa gen sitirè pa ka gen vòlè », grince-t-elle. Le plus important, ne fuis pas ton pays à cause des bandits, affrontes, dit-elle, entrecoupée de quelque gémissement ».
Margueritte ouvre la bouche en disant : Maman..., mais, sa mère l'interrompre pour lui dire: « tu dois me promettre d'appliquer tous ce que je te dis. »
Marguerite ouvre la bouche pour parler, et tout à coup, les bandits, armés jusqu'aux dents, ouvrent la porte. Elle essaye de fuir mais en vain. Ils l'ont retenu et commencé à la tabassée, n'ayant aucune pitié qu'elle soit une petite fille sans défense qui vient de perdre sa mère. Aucun témoin, disaient-ils. Ne pouvant pas supporter la douleur qui la touche jusqu'aux entrailles. Marguerite voulait s'éteindre à son tour, mais le sort en a décidé autrement. Les bandits l'ont gardé en vie pour endurer une souffrance qui dépasse l'entendement de son pauvre corps maigrichon. Elle se met à penser au moment vécu dans son quartier, à la convivialité des voisins, aux cris de joie des enfants jouant à cache-cache, aux jeunes garçons jouant au football avec des boules de chaussette, aux fois où sa mère la gronde pour avoir resté trop longtemps à jouer dehors avec ses amis. Sorti de sa torpeur par un coup violent de son assaillant, le visage ensanglanté, les larmes aux yeux, elle hurle à l' intention de sa mère morte, les yeux ouverts sur le sol: « Comment puis-je te promettre de respecter ta dernière volonté ? Changer la mentalité de ses bourreaux ? Comment intégrer l'amour de la patrie dans leur cœur ? Comment..........!?
Elle sursaute en hurlant ce dernier. En ouvrant les yeux, se rendant compte qu'en une minute que c'était juste un rêve. Une minute de cauchemar.
Au même moment, elle entend à la radio que des bandits du gang X ont intercepté un bus sur la route Y. Quatre citoyens dont l'un d'entre eux était une femme à bord du bus ont été pris en séquestration et qu'au moment du flash info, leurs parents n'avaient aucune nouvelle.
Que voulait dire ce rêve? Et cette promesse? Avait-elle un rôle a joué ?
Rien qu'une minute après son réveille et la voilà déjà, plonger dans une éternelle réflexion.