Cette œuvre est
à retrouver dans nos collections
Histoires Jeunesse :
- 11-14 Ans (Cycle 4)
- 8-11 Ans (Cycle 3)
- Aventure & Suspense - Jeunesse
- En Vacances ! - Jeunesse
- Humour - Jeunesse
- Vie De Famille - Jeunesse
Je me suis réveillé en sursaut. Certain d'avoir senti quelque chose me frôler les pieds. Je ne crois pas aux fantômes, mais cette fois-ci, c'en était un ! Un courant d'air glacé a glissé dans mes cheveux. J'entendais de drôles de claquements, de grincements... Une main a frôlé mon mollet. Je me suis retenu de hurler. J'ai attrapé ma lampe de poche, prêt à faire face à l'une de mes pires peurs... et j'ai allumé. Il m'a fallu quelques instants pour me rappeler : je dormais sous la tente ! Nous étions au camping !
L'abominable fantôme qui venait d'empoigner mon duvet était en fait ma sœur Lila, qui m'avait réveillé en cherchant son doudou dans son sommeil. J'ai soufflé, soulagé... Heureusement qu'aucun copain n'était là pour me voir trembler de peur... Ils auraient bien rigolé, et je me serais vexé, à tous les coups !
* * *
Tout m'est revenu peu à peu. Hier soir, Maman avait grommelé ses jurons préférés, en rassemblant les douze sacs contenant pêle-mêle nos chaussettes, gourdes, ballons, maillots... et les jeux dont nous avions catégoriquement refusé de nous séparer. Une fois la voiture chargée dans un tourbillon de cris, nous avions pu démarrer.
« En route pour les vacances !!! » avait crié Maman en appuyant sur le champignon à l'entrée de l'autoroute, toutes fenêtres ouvertes. Et nous avions crié de joie avec elle... jusqu'à ce que Lila pousse un hurlement strident digne d'un atroce film d'horreur : « Poupiiiiiiiiii ! ». Sur le volant, les doigts de Maman sont devenus tout blancs : « Ne me dis pas que tu l'as oublié ?! » Lila a hoqueté un « Si-i-i-iiiiiii » larmoyant.
Gaëtan, son jumeau, s'est comporté comme un super frérot et a essayé de la consoler en lui proposant l'une des peluches qu'il avait emportées. Mais Lila n'entendait rien, terrifiée à l'idée de devoir passer un week-end entier sans son doudou préféré.
Maman a semblé sur le point d'exploser. Nous avons retenu notre souffle. Le silence de mort qui régnait dans la voiture n'était plus troublé que par les sanglots étouffés de Lila.
Nous sommes revenus vers la maison pour récupérer Poupi, puis nous avons pu reprendre la route. Heureusement, il n'y avait pas trop de bouchons ! Je faisais les gros yeux à Lila et Gaëtan pour qu'ils se tiennent tranquilles. Les épaules de Maman sont peu à peu redescendues à un niveau normal. Je crois même qu'elle avait recommencé à sourire. Sans rien dire, elle a mis la musique et m'a fait un clin d'œil dans le rétroviseur, j'adore ça...
Au menu du dîner – que nous nous étions sagement abstenus de réclamer –, Maman a opté pour un menu frites, hamburgers, coca... C'était la vraie fiesta ! Gaëtan et Lila ont même réussi à ne pas se peinturlurer de ketchup de la tête aux pieds... J'ai réalisé qu'ils grandissaient, mes deux affreux préférés ! Nous sommes remontés en voiture, repus, et un peu fatigués.
Le soleil commençait à se coucher. Maman nous a annoncé que nous étions presque arrivés. Elle s'extasiait sur les montagnes, les champs de blé. Elle s'est même arrêtée sur le bas-côté pour photographier le ciel. Lila et Gaëtan se sont dressés d'un même mouvement pour tout regarder. Ils ne cessaient de piailler. Pour moi, la pression commençait à monter. Nous avons passé la barrière d'entrée. Je n'ai desserré les dents que quand j'ai été certain qu'il y aurait une piscine pour se baigner, comme Maman l'avait promis. Cerise sur le gâteau, nous avons découvert... un trampoline géant !
Maman a commencé à nous faire la leçon sur le respect des autres campeurs et le calme de la nature à préserver... Nous avons baissé d'un ton, mais rien n'aurait pu gâcher notre joie d'être arrivés dans ce qui semblait être un petit paradis.
Les tentes ont vite été montées. Heureusement, parce que la nuit était tombée et que des hordes de moustiques commençaient à nous agresser. Dans le bruit des tapes que nous nous donnions pour essayer de les écraser, nous avons filé nous coucher... sans même nous brosser les dents, « ex-cep-tio-nel-le-ment », a scandé théâtralement Maman.
Je devais avoir ma tente pour moi tout seul, mais Lila a commencé un tonitruant caprice pour venir avec moi, et Maman avait tellement peur de déranger nos voisins d'emplacement, qu'elle a accepté en levant les yeux au ciel. J'avais caché ma lampe de poche et mon Picsou magazine sous mon oreiller, car il était hors de question que je m'endorme tout de suite ! Mais le sommeil m'est tombé dessus, sans crier gare.
* * *
Et voilà qu'au beau milieu de la nuit, je me retrouvais réveillé, tout seul, alors que les autres dormaient. J'ai repoussé Lila sur son tapis de sol en essayant de ne pas entendre tous les craquements et autres bruits effrayants qui me parvenaient depuis l'autre côté de la toile de tente. Quand tout à coup, aucun doute permis, j'ai senti arriver une grosse envie de... Bref, il fallait que j'aille aux toilettes. J'ai frissonné... de peur ou de froid, je ne savais pas bien.
J'ai retrouvé ma veste dans le filet au-dessus de ma tête, là où Maman l'avait laissée – heureusement qu'elle pensait à tout, cette super Maman ! La lampe entre les dents, j'ai bataillé avec la fermeture de la porte, qui s'est dézippée dans un bruit de chemin de fer. Lila a grogné dans son sommeil. Je suis sorti à quatre pattes avec une basket au pied droit et une tong au pied gauche. C'est tout ce que j'avais pu attraper dans mon sac.
Je me suis mis en marche vers le néon des sanitaires qui clignotait entre deux arbres. Ce n'était pas si sorcier que ça d'être un aventurier ! Je m'imaginais déjà raconter mes exploits à mes copains é-pa-tés. Ils allaient en rester bouche bée, lundi à la récré, quand je leur raconterai comment j'avais exploré une forêt peuplée de bêtes sauvages, toute une nuit durant, avec pour seuls compagnons, ma lampe-torche et mon couteau suisse multifonctions.
Je n'ai toujours pas bien compris comment tout a soudainement dérapé. J'ai entendu un grognement derrière les fourrés. Ce n'était pas de la gnognotte ! Puissance 24 sur l'échelle de Richter ! Il devait s'agir d'un homme des cavernes ou de l'abominable yéti. Mon sang n'a fait qu'un tour, j'ai voulu me mettre à courir pour échapper au souffle dévastateur de cet horrible monstre, que je sentais déjà sur mes talons. C'est là que ma tong a ripé. Coincée net dans une sardine. Mon gros orteil n'a pas aimé ! Pris dans mon élan, je suis parti en vol plané. Je m'attendais à m'écraser comme une crêpe sur le sol dur et froid par cette nuit sans lune... mais j'ai mollement atterri sur une toile de parachute. Enfin, pour être exact, sur une toile de tente... sous laquelle reposait un ventre rebondi, qui a – quelle chance ! – amorti ma chute en douceur.
Je m'attendais à me prendre un sacré savon. Mais la bedaine a continué à monter et descendre tranquillement, dans un ronflement de tous les diables. C'était lui ! Le monstre de la nuit ! Un adorable yéti... J'ai filé aux sanitaires sans demander mon reste... ni récupérer ma tong, plantée je ne sais où.
* * *
Le lendemain matin, Maman a fait une drôle de tête quand, à l'heure du café, un monsieur ventripotent s'est présenté à notre emplacement pour demander dans un drôle de baragouin si la tong qu'il avait retrouvée à côté de sa tente nous appartenait. Maman l'a chaleureusement remercié, mais n'a pas pu lui demander plus d'explications... Il ne parlait que le hollandais !
La journée s'est poursuivie sans anicroche. Il n'y a bien eu que Maman pour s'énerver, ce week-end-là. Tout ça parce qu'après notre passage, trois ressorts du trampoline avaient lâché, le ballon de foot avait crevé... et que comme on avait réclamé à cor et à cri d'aller faire la vaisselle « comme des grands », une mer de mousse s'était formée en dessous des éviers !
Le dimanche soir, après trois heures de rangement et quatre bordées d'expressions fleuries (que je préfère ne pas vous répéter ici), Maman a claqué le coffre dans un bruit de tonnerre. Je ne m'explique toujours pas qu'elle ait préféré prendre le volant, les sourcils très très très froncés, plutôt que de danser de joie avec nous au rythme du refrain qu'on avait inventé en frappant sur nos sacs comme s'ils étaient de grands tamtams : « Le camping, c'est trop bien ! Maman c'est quand qu'on revient ? Le camping c'est trop bien... »
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