Ça a duré une bonne minute. Une vraie minute. Une éternité. Sa main se soulevait et retombait sur moi encore et encore. Comme un chasseur qui n'en aurait jamais assez de tirer sur sa proie. Ce n'était pas la première fois, ce n'était pas la dernière, et c'était toujours très court. Une minute. Mais une vraie. Celle que l'on sent passer. Celle qui est si longue qu'on ne saurait la décrire et si courte qu'elle ne semble pas compter.
Tout dans cette histoire est une affaire de minutes. Je l'ai rencontré entre deux minutes de mon temps, pressée entre un rendez-vous chez le dentiste et une sortie avec mes copines. Il m'avait abordée de la manière la plus délicate qui soit dans la rue, éperdu comme un adolescent incompétent. En une minute et trente secondes j'étais séduite. Je l'avais trouvé touchant et lui avait accordé quelques minutes de mon temps autour d'un café. En une demie-minute je savais déjà son prénom et le nom de son premier chien. En deux minutes je savais déjà que j'étais amoureuse, en trois minutes on décidait de se revoir. Et ces minutes sont vites devenues des heures, des jours, des semaines et des mois.
Je ne connaissais rien aux choses de l'amour ou si peu que chaque nouveauté était comme une minute de cadeau. Une nouvelle minute que j'archivais dans une collection de minutes. Une collection des instants, ces instants de flottement, ces instants coincés dans l'éternité, ces instants qui ont un goût de miel. Mais ce dernier a vite tourné au vinaigre. On dit pourtant que la premier conserve mieux que le second. Et dans mon cas le vinaigre a fait qu'il n'y avait plus grand-chose à conserver.
- La Terre à Vivi ! Allo est-ce que vous me recevez ?
Je relève le nez. En face de moi, à la terrasse du Salford, le QG des « GOF » alias les « Girls on fire » ma meilleure amie Caro agite frénétiquement ses dix doigts devant mes yeux.
- Désolée Caro je suis méga-fatiguée tu ne peux même pas imaginer.
- Bah attend si j'imagine, tu travailles comme une dingue Vivi tu vas finir par te tuer...
- A la tâche ouais je sais. Arrête de parler comme ma mère ou je me rendors
- Pis tu commences à faire des conneries !
- Comment ça ?
- Bah regarde-moi le bleu que tu te tapes sur la tempe, faut faire gaffe aux portes de placard ma belle ! je te l'ai dit de toute façon que tu ne dormais pas assez, un jour tu vas finir par te faire vraiment mal hein.
- ...
- Woho ! tu m'entends ? t'es vraiment dans la lune aujourd'hui hein ?
- Hein ? Ouais je suis désolée Caro, je crois que tu as raison je devrais aller dormir...
- Pour une fois que j'ai raison... Mais bon par contre t'oublies pas, demain soir 20h30 toutes chez Sosso, soirée girls et boîte de nuit ensuite !!
- Olala... j'avais totalement zappé.
Je me prend la tête entre les mains, serrée par la peur, IL ne me croira pas, IL ne me laissera pas sortir, IL pensera que je veux fuir, IL dit que c'est pour mon bien, IL dit que ce n'était qu'une minute. Mais les minutes sont des heures.
- Bon Vivi, tu m'écoutes plus là !
- Pardon ma Caro je suis désolée, tu disais ?
- Je te demandais juste comment allait ton jules.
- Oh... Et bien écoute IL va bien, IL est un peu angoissé en ce moment à cause de son changement de poste mais c'était quelque chose d'important pour Lui donc je pense que ce n'est qu'une mauvaise passe.
- Vous allez pouvoir passer aux choses sérieuses maintenant !! Avec sa promotion c'est augmentation, nouvelle maison et BABY !!! Je connais une maman de Vivi qui serait ravie d'être enfin grand-mère ! Et je ne parle pas de moi qui serait une tata géniale !
- Hein ? Je ne sais pas Caro, on n'y a pas encore réfléchi tu sais...
- Pas besoin d'y réfléchir c'est l'ordre naturel des choses ma chérie ! bon allez je te laisse je dois aller me préparer pour ce soir je sors ! j'ai acheté une petite robe tu m'en diras des nouvelles ! Toi tu vas faire la sieste je te veux radieuse pour demain soir ! Allez ciao !
Et elle est partie. Aussi facilement, aussi rapidement que ça. En moins d'une minute elle avait plié bagages et repris son envol. Cela me surprend toujours ces personnes qui sont capables de décoller de là où elles étaient en quelques secondes, comme si aucune entrave ne pouvait les retenir, leurs chaînes sont si légères qu'elles ne traînent pas derrière elles, qu'elles ne les amarrent pas à un port hostile.
Moi je me lève, le boulet traîne derrière mes pieds et une main ferme ma bouche. Le Victoire rentre au port, et jamais la défaite n'a été aussi effrayante.
Une fois assise sur le canapé du salon j'attends. IL ne sait pas que je suis sortie aujourd'hui, IL pense que je suis juste partie faire des courses. Il n'y a aucune raison de paniquer.
Texto.
« J'arrive dans 5 minutes. Jtm »
Et voilà que l'horloge se fait à nouveau complice de ce drame. Ecoulant des secondes dont la longévité semble sortir de la fontaine de jouvence.
Il y a toujours un temps d'arrêt quand la biche sent que le chasseur est dans les parages. Vous savez cet instant où elle relève le nez de la touffe d'herbes qu'elle broutait pour humer l'air. Si le vent lui est favorable il emporte avec lui une odeur de sueur et de poudre synonyme de fuite. Dans le cas contraire elle ne relève la tête que pour mieux se prendre la balle.
Mes paumes deviennent moites.
Le vent m'a pourtant été favorable. Mais il a aussi soutenu la balle avant la fuite. Je regarde la porte. Instrument de ma destruction et peut-être de mon salut ? Mais non. IL entre et sort par cette porte. IL ne me laisserait jamais partir, IL me retrouverait, IL ne me laisserait pas comme ça.
5 minutes. Bruit de verrou. Bruit de poignée. Grincement de porte.
Je me tasse et IL entre dans la pièce.
Tout dans cette histoire est une affaire de minutes. Je l'ai rencontré entre deux minutes de mon temps, pressée entre un rendez-vous chez le dentiste et une sortie avec mes copines. Il m'avait abordée de la manière la plus délicate qui soit dans la rue, éperdu comme un adolescent incompétent. En une minute et trente secondes j'étais séduite. Je l'avais trouvé touchant et lui avait accordé quelques minutes de mon temps autour d'un café. En une demie-minute je savais déjà son prénom et le nom de son premier chien. En deux minutes je savais déjà que j'étais amoureuse, en trois minutes on décidait de se revoir. Et ces minutes sont vites devenues des heures, des jours, des semaines et des mois.
Je ne connaissais rien aux choses de l'amour ou si peu que chaque nouveauté était comme une minute de cadeau. Une nouvelle minute que j'archivais dans une collection de minutes. Une collection des instants, ces instants de flottement, ces instants coincés dans l'éternité, ces instants qui ont un goût de miel. Mais ce dernier a vite tourné au vinaigre. On dit pourtant que la premier conserve mieux que le second. Et dans mon cas le vinaigre a fait qu'il n'y avait plus grand-chose à conserver.
- La Terre à Vivi ! Allo est-ce que vous me recevez ?
Je relève le nez. En face de moi, à la terrasse du Salford, le QG des « GOF » alias les « Girls on fire » ma meilleure amie Caro agite frénétiquement ses dix doigts devant mes yeux.
- Désolée Caro je suis méga-fatiguée tu ne peux même pas imaginer.
- Bah attend si j'imagine, tu travailles comme une dingue Vivi tu vas finir par te tuer...
- A la tâche ouais je sais. Arrête de parler comme ma mère ou je me rendors
- Pis tu commences à faire des conneries !
- Comment ça ?
- Bah regarde-moi le bleu que tu te tapes sur la tempe, faut faire gaffe aux portes de placard ma belle ! je te l'ai dit de toute façon que tu ne dormais pas assez, un jour tu vas finir par te faire vraiment mal hein.
- ...
- Woho ! tu m'entends ? t'es vraiment dans la lune aujourd'hui hein ?
- Hein ? Ouais je suis désolée Caro, je crois que tu as raison je devrais aller dormir...
- Pour une fois que j'ai raison... Mais bon par contre t'oublies pas, demain soir 20h30 toutes chez Sosso, soirée girls et boîte de nuit ensuite !!
- Olala... j'avais totalement zappé.
Je me prend la tête entre les mains, serrée par la peur, IL ne me croira pas, IL ne me laissera pas sortir, IL pensera que je veux fuir, IL dit que c'est pour mon bien, IL dit que ce n'était qu'une minute. Mais les minutes sont des heures.
- Bon Vivi, tu m'écoutes plus là !
- Pardon ma Caro je suis désolée, tu disais ?
- Je te demandais juste comment allait ton jules.
- Oh... Et bien écoute IL va bien, IL est un peu angoissé en ce moment à cause de son changement de poste mais c'était quelque chose d'important pour Lui donc je pense que ce n'est qu'une mauvaise passe.
- Vous allez pouvoir passer aux choses sérieuses maintenant !! Avec sa promotion c'est augmentation, nouvelle maison et BABY !!! Je connais une maman de Vivi qui serait ravie d'être enfin grand-mère ! Et je ne parle pas de moi qui serait une tata géniale !
- Hein ? Je ne sais pas Caro, on n'y a pas encore réfléchi tu sais...
- Pas besoin d'y réfléchir c'est l'ordre naturel des choses ma chérie ! bon allez je te laisse je dois aller me préparer pour ce soir je sors ! j'ai acheté une petite robe tu m'en diras des nouvelles ! Toi tu vas faire la sieste je te veux radieuse pour demain soir ! Allez ciao !
Et elle est partie. Aussi facilement, aussi rapidement que ça. En moins d'une minute elle avait plié bagages et repris son envol. Cela me surprend toujours ces personnes qui sont capables de décoller de là où elles étaient en quelques secondes, comme si aucune entrave ne pouvait les retenir, leurs chaînes sont si légères qu'elles ne traînent pas derrière elles, qu'elles ne les amarrent pas à un port hostile.
Moi je me lève, le boulet traîne derrière mes pieds et une main ferme ma bouche. Le Victoire rentre au port, et jamais la défaite n'a été aussi effrayante.
Une fois assise sur le canapé du salon j'attends. IL ne sait pas que je suis sortie aujourd'hui, IL pense que je suis juste partie faire des courses. Il n'y a aucune raison de paniquer.
Texto.
« J'arrive dans 5 minutes. Jtm »
Et voilà que l'horloge se fait à nouveau complice de ce drame. Ecoulant des secondes dont la longévité semble sortir de la fontaine de jouvence.
Il y a toujours un temps d'arrêt quand la biche sent que le chasseur est dans les parages. Vous savez cet instant où elle relève le nez de la touffe d'herbes qu'elle broutait pour humer l'air. Si le vent lui est favorable il emporte avec lui une odeur de sueur et de poudre synonyme de fuite. Dans le cas contraire elle ne relève la tête que pour mieux se prendre la balle.
Mes paumes deviennent moites.
Le vent m'a pourtant été favorable. Mais il a aussi soutenu la balle avant la fuite. Je regarde la porte. Instrument de ma destruction et peut-être de mon salut ? Mais non. IL entre et sort par cette porte. IL ne me laisserait jamais partir, IL me retrouverait, IL ne me laisserait pas comme ça.
5 minutes. Bruit de verrou. Bruit de poignée. Grincement de porte.
Je me tasse et IL entre dans la pièce.
En moins d'un quart de minutes IL a avalé la pièce de ses grandes jambes et se penche sur moi.
- Bonsoir ma chérie.
IL m'embrasse et mon cœur se pétrifie. IL a passé une bonne journée ? IL est content ? Est-ce qu'IL va être gentil ce soir ? Est-ce que je vais réussir à ne pas LE mettre en colère ?
- Regarde ! – il farfouille dans un sac à ses pieds - je t'ai acheté des sushis ! Ton plat préféré !
Je le regarde, je ne sais jamais trop si j'ai le droit de parler ou pas.
- Me...merci !
- Merci mon chéri on dit, tu sais Vi' je fais de mon mieux avec toi mais c'est pas facile, tu pourrais être reconnaissante au moins.
Je me ratatine. Je sais. Je ne suis pas facile, c'est compliqué d'être avec moi, mais il pourrait éviter de me le rappeler tous les jours. Je fais de mon mieux.
- Allez arrête de prendre cet air inquiet, je ne vais pas te manger ! par contre on va régler leur compte à ces sushis !
Je souris et IL me prend subitement dans ses bras, littéralement. Je ne cesse de sourire. C'est comme ça que je L'aime. Quand IL est surprenant et que ses fossettes pointent jusqu'à ses oreilles.
La soirée se déroule comme dans un enchantement. Les sushis sont bons et son humeur aussi.
Les minutes coulent comme des secondes. IL rit et cela me fait rire encore plus fort. J'ai eu tort de m'inquiéter. IL va bien, nous allons bien. Il faut juste que je fasse plus d'efforts. C'est de ma faute s'IL perd son sang-froid je ne fais que des erreurs.
IL rit encore. C'est le bon moment.
- Chéri, tu sais demain soir Caro et Soline font une petite soirée filles, je me demandais si je pouvais y aller ?
Je ne me souviens pas du reste de la conversation. Juste de l'odeur de la rancœur et du goût du sang. Et vaguement de SES mots. Comment je pouvais lui faire ça, une soirée filles ce n'est qu'un prétexte bien connu. je devrais LUI être reconnaissante pour tout ce qu'il a fait pour moi au lieu de le poignarder dans le dos.
Ça fait mal.
J'ai chaud.
La lune se voile dehors comme étrangère à ma douleur.
Les étoiles s'assombrissent, fermant les yeux sur cette fenêtre par laquelle je voudrais m'échapper.
IL a fini.
Ça a duré une minute. Mais c'est l'éternité que je rejoins.
- Bonsoir ma chérie.
IL m'embrasse et mon cœur se pétrifie. IL a passé une bonne journée ? IL est content ? Est-ce qu'IL va être gentil ce soir ? Est-ce que je vais réussir à ne pas LE mettre en colère ?
- Regarde ! – il farfouille dans un sac à ses pieds - je t'ai acheté des sushis ! Ton plat préféré !
Je le regarde, je ne sais jamais trop si j'ai le droit de parler ou pas.
- Me...merci !
- Merci mon chéri on dit, tu sais Vi' je fais de mon mieux avec toi mais c'est pas facile, tu pourrais être reconnaissante au moins.
Je me ratatine. Je sais. Je ne suis pas facile, c'est compliqué d'être avec moi, mais il pourrait éviter de me le rappeler tous les jours. Je fais de mon mieux.
- Allez arrête de prendre cet air inquiet, je ne vais pas te manger ! par contre on va régler leur compte à ces sushis !
Je souris et IL me prend subitement dans ses bras, littéralement. Je ne cesse de sourire. C'est comme ça que je L'aime. Quand IL est surprenant et que ses fossettes pointent jusqu'à ses oreilles.
La soirée se déroule comme dans un enchantement. Les sushis sont bons et son humeur aussi.
Les minutes coulent comme des secondes. IL rit et cela me fait rire encore plus fort. J'ai eu tort de m'inquiéter. IL va bien, nous allons bien. Il faut juste que je fasse plus d'efforts. C'est de ma faute s'IL perd son sang-froid je ne fais que des erreurs.
IL rit encore. C'est le bon moment.
- Chéri, tu sais demain soir Caro et Soline font une petite soirée filles, je me demandais si je pouvais y aller ?
Je ne me souviens pas du reste de la conversation. Juste de l'odeur de la rancœur et du goût du sang. Et vaguement de SES mots. Comment je pouvais lui faire ça, une soirée filles ce n'est qu'un prétexte bien connu. je devrais LUI être reconnaissante pour tout ce qu'il a fait pour moi au lieu de le poignarder dans le dos.
Ça fait mal.
J'ai chaud.
La lune se voile dehors comme étrangère à ma douleur.
Les étoiles s'assombrissent, fermant les yeux sur cette fenêtre par laquelle je voudrais m'échapper.
IL a fini.
Ça a duré une minute. Mais c'est l'éternité que je rejoins.