Une lame pour courir

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Ils sont une soixantaine d'adolescents réunis sur la grande place pour la course des dix kilomètres. Tous portent des dossards de différentes couleurs en fonction des associations humanitaires qu'ils représentent. Achille a rejoint Martin et Noémie, ses coéquipiers. Ils vont courir pour que d'autres enfants comme lui puissent avoir une prothèse en carbone.

La foule se masse derrière les barrières. Achille perçoit les murmures, les rires, les cris. Il observe les autres concurrents. Ils ont tous deux jambes, solides, musclées. Lui n'en a qu'une, l'autre remplacée par une lame de course. Il se revoit sur ce lit d'hôpital après l'accident. Trois ans déjà. Les séances de rééducation, la douleur, la colère, le regard des autres. Soudain, il a peur. Peur de ne pas être à la hauteur.

La course a commencé. Certains sont déjà loin devant. Achille cale son rythme sur celui de Martin et Noémie, un rythme lent, régulier. Il se souvient des conseils de son entraîneur : « Ne pars pas trop vite, il faudra tenir la distance. Régule ta respiration. Fais le vide en toi, trouve l'équilibre ». Il se ferme dans une bulle, entend les battements de son cœur qui résonnent. La lame rebondit sur le sol, un mouvement régulier en harmonie avec sa jambe valide. « Avec ta lame, tu vas faire des prouesses », disait son grand-père. Il lui manque. C'est grâce à lui s'il s'est battu. « Accepte ta différence, mais jamais qu'on te traite en victime. Tu es fort Achille. Tout est là, en toi ! », répétait-il.

Les kilomètres défilent. Plus de la moitié. La sueur dégouline dans son dos. Il déglutit. Tenir malgré la douleur dans le mollet, continuer, s'échapper ailleurs, loin de la course. Le bruit métallique de la lame qui claque sur le bitume lui fait penser à une locomotive.

Plus que quelques kilomètres. Après le virage, la montée. La douleur s'accentue, tétanise ses muscles. Des gens l'encouragent, applaudissent. Ne pas craquer, pas maintenant ! Il peut, il doit y arriver.

Dernier kilomètre. Tout donner, accélérer l'allure. Martin le talonne. Plus de douleur, juste l'euphorie, l'impression de voler. Il passe la ligne d'arrivée et fait le signe de la victoire. Un signe dirigé vers le ciel. « Pour toi, Grand-père », murmure-t-il.

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