Nouvelles
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Université Episcopale d'Haïti
Une étincelle à la chaleur d'un brasier
Ça a duré une bonne minute. Une vraie minute. Une éternité. J'étais donc á sa botte et ses pieds. Le fleuve n'avait aucune immensité, tout était une question de profondeur et de justesse. Je me le disais.
Il fallait oser le geste de l'instant. Communier nos âmes, mais juste avant, les baptiser dans nos lèvres. Et puis, ce baptême a duré tout le temps d'un sacrément ultime. Alors qu'il n'était rien de tout cela. C'était un baiser juste dans son présent et sa douceur à lui. Un tour de magie, d'un seul coup ; le double de tout ce qui existe.
11 heures du matin, donc à un moment inattendu, un samedi, c'était le seul geste tenté. Bien tenté. Un canapé vide en face, mais aucune invitation ni explicite ni implicite d'y prendre place. Ce n'était pas parce que j'étais pressé pourtant. Ni elle non plus. Enfin peut-être. Sinon, le temps était celui à faire le vide. Il fallait oser. Oser jusqu'à faire le vide dans deux esprits coincés au même instant tel un vrai espace. Oui, oser. Jusqu'à faire le vide dans deux esprits coincés dans un instant vaste et enveloppant, et faire plutôt place à deux âmes débordantes et dévorantes.
Salon modeste, une télé muette, aux rayons de lumière infirmes et rares; la pièce paraissait romantique. Il fallait bien le sentir pourtant. A l'instant. Il fallait bien, comme chaque détail qui diversifie chaque décor et chaque corps au moment de faire l'amour. Car, il y a toujours un risque de ne pas le faire. Comme celui que représente la peur de ne pas mettre tous ses fantasmes au service de l'instant qui se présente. Le risque aussi que représente une quelconque intrusion très malvenue. Un geste qui dérange de croyance et dans son cliché. Tout demi touché ou même tout excès d'arrêter un câlin au bon endroit par ignorance ou pire encore, par inattention.
Au même instant, je rêvais d'entendre sa respiration. Mais, essoufflée. Alors que j'osais à peine la toucher. J'ai senti sa vibration, comme je l'ai prétendu, la veille au soir au moment de prendre ce fameux rendez-vous. Je porterai les sous-vêtements que tu voudras, m'a-t-elle promis. Et moi alors, j'ai opté pour un string blanc. Blanc de la neige qui parfois invite. Blanc de ses nuages au soleil. Blanc de la lumière dans son règne et sa puissance sur un quelconque corps érotique émergé d'une piscine en pleine nuit...j'ai opté pour un string blanc, charmant, un string sexy.
De faces de fantasmes à d'autres, je pouvais m'imaginer pas seul, mais à deux. Au seuil ou plutôt dos au mur. Incapables de bouger que par nos lèvres, nos mains, dans nos regards ou justement que de l'intérieur. La nuit paraissait longue. Et paresseuse. Alors, de là, je rêvais des étoiles qui n'en pouvaient plus de l'aube et du lointain. D'une pluie soudaine et sereine pour masquer le temps lent la rendant si doux. D'une sonnerie brusque de téléphone, non pas une alarme, plutôt encore, et à chaque fois, un appel d'elle ; impatiente comme moi de voir la nuit finalement passer. Et le tableau prenait de l'ampleur dans mon esprit. Un peu exquis. Excité, elle, allongée et si envoutée, et moi dans mes doutes, mes tâtonnements, mes abonnements à cet endroit-ci et aussi cet endroit-là de son corps qui est avec excès et secrets. Céleste.
Et était venu ce matin-là. Mais, contrariété avec. La maison avait une présence inattendue. Alors, il fallait faire preuve de patience. Assez motivés, nous étions restés accrochés. A l'idée que la rencontre ait lieu. A l'espoir d'un dénouement heureux. Un brusque et soudain départ des lieux, de cette présence perturbante. Et la raison, quel que soit le prétexte sinon, pourrait être n'importe quoi. Peu importe. Dès qu'on arrive à fermer la porte, l'amour a les moindres objets de la pièce pour complices. Nous serions maitresse et maitre de chaque geste et tout le reste. De notre ivresse.
Une étincelle à la chaleur d'un brasier. Nous nous sommes embrassés. Intemporel. Bref, un départ, ce geste simple, le seul a suffi là où le seuil ne pouvait compter ; tant l'impossible reste cette fontaine que l'on promène dans nos rêves à chaque coin de nos ivresses. Mon cœur s'était jeté à la rivière de ses lèvres. Elle avait soif comme moi, peut-être, possible, enfin, elle me l'avait aussi dit. C'est pourquoi c'était suave et si suave. Les yeux fermés, la discrétion de l'âme l'avoue toujours sans le vouloir ; que le mystère peut être si fragile et toujours si précieux. J'étais excité...